Les Français plébiscitent l’agriculture de petits exploitants et l’agroécologie
À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation du 16 octobre 2016, le CCFD-Terre Solidaire publie les résultats d’un sondage « Les Français et la faim dans le monde », réalisé par le CSA en partenariat avec le quotidien La Croix.
Depuis près de 10 ans, le CCFD-Terre Solidaire mesure la perception qu’ont les Français de la faim dans le monde, ses causes, ses enjeux, ses acteurs, ses solutions alternatives, ses moyens d’action.
Cette année, nous observons un retour au pessimisme, une situation perçue plus sombre qu’en 2015. Mais également, un manque de confiance des Français dans les solutions apportées par les gouvernements et une mise en cause du monde de la finance.
Les Français expriment également leur volonté de mettre en place un nouveau système agricole et alimentaire, basé sur une agriculture de petits exploitants, sur une valorisation de l’agroécologie et un contrôle de l’accès des multinationales françaises aux ressources naturelles.
Une situation qui s’aggrave
En 2016, pour 42% des Français, la situation de la faim dans le monde a tendance à empirer (+ 3%). Les causes pointées par les personnes interrogées ciblent plus particulièrement le monde de la finance.
Pour 41% des Français, la spéculation des marchés financiers sur les produits agricoles menace l’équilibre de ces marchés et la sécurité alimentaire.
Une réelle prise de conscience que la domination des logiques de profits immédiats nuit aux agriculteurs du monde entier, fausse la compétitivité, y compris de l’agriculture française, et le pouvoir d’achat des consommateurs.
Un système qui répond à des impératifs de rentabilité financière et dont l’enjeu n’est pas d’assurer aux populations un accès à une nourriture suffisante, saine et nutritive.
En cause également, les impacts des dérèglements climatiques. Les Français considèrent que les dérèglements climatiques sont la troisième cause de la faim dans le monde [1]. Ce chiffre en hausse depuis 2 ans, montre que les Français qui ont accueilli la COP21 en 2015 sont de plus en plus sensibles à ce phénomène.
Pour lutter contre la pauvreté et la faim dans le monde, plus d’un français sur deux fait confiance à l’action de la société civile [2], plutôt qu’à celle des gouvernements des pays du Nord (4%), des pays du Sud (4%) ou des multinationales (5%). Un chiffre qui montre la perte de confiance des Français dans les États pour trouver des solutions durables au problème de la faim dans le monde.
Les Français restent persuadés à 84% que l’activité des multinationales de l’agroalimentaire dans les pays du Sud ne bénéficie pas aux populations. En 2016, ils sont 75% à souhaiter que l’accès des multinationales françaises aux ressources naturelles des pays du Sud soit réglementé et contrôlé. Un chiffre en hausse de 4% par rapport à 2015.
L’agriculture de petits exploitants et l’agroécologie : des modèles d’agriculture à privilégier pour demain.
89% des Français estiment que l’agriculture de petits exploitants est le modèle à développer pour nourrir le mieux possible l’humanité d’ici 2030.
Cette proportion de partisans de l’agriculture de petits exploitants ne cesse d’ailleurs d’augmenter depuis 2013, passant de 81 à 89% en quatre ans. L’opinion française semble réceptive à la nécessité de réorienter nos modèles agricoles dans les années à venir.
Le développement de l’agroécologie, une alternative positive :
87% des Français considèrent que cette solution permettra à tous d’avoir accès à une nourriture saine, 75 % que cela permettra de réduire la pauvreté et 70% que c’est une solution pour lutter contre les dérèglements climatiques. Les Français interrogés ont également le sentiment que cette solution n’est pas assez soutenue par les pouvoirs publics.
Encourager l’agroécologie : pour 92% des Français, cela signifie contrôler et encadrer davantage les pratiques des multinationales de l’agroalimentaire et pour 90% interdire l’usage des intrants chimiques [3].
Alors que s’ouvrira du 14 au 16 octobre 2016, à La Haye, en Suisse, le Tribunal international Monsanto [4], la volonté des Français d’interdire l’usage des intrants chimiques prend tout son sens.
Analyse du CCFD-Terre Solidaire
La réussite de l’agroécologie et de l’agriculture de petits exploitants n’est plus contestable aujourd’hui, de nombreuses études et projets l’ont démontrée. Ce modèle est approuvé par 89% des Français comme le montre notre sondage.
Pourtant, nous constatons que de nombreux obstacles freinent aujourd’hui leur développement. Certains États pratiquent l’ultra libéralisation de leur secteur agricole et accueillent sur leurs sols des multinationales plus soucieuses d’accéder à de nouveaux marchés que de contribuer à la sécurité alimentaire des populations. Une concurrence déloyale s’installe alors, les multinationales bénéficiant désormais de législations favorisant leur installation au détriment des acteurs économiques et agricoles locaux.
Accaparements des terres, pollution des sols, pillage des ressources naturelles, développement de modèles agricoles intensifs, développement de la monoculture d’exportation : autant de situations qui mettent en danger les agricultures familiales et paysannes des pays du Sud.
Dans ce contexte la voix de l’agriculteur, du petit exploitant, trop souvent exclus des espaces de décisions, reste donc inaudible.
Aujourd’hui, il est de la responsabilité des États du Nord – dont la France – et du Sud, d’encadrer les activités de ces multinationales et de porter un choix et une vision politique claire pour lutter contre la faim.
Par ailleurs, les financements dédiés au développement doivent cesser de bénéficier à ces acteurs et clairement cibler les premiers investisseurs dans l’agriculture qui nourrissent 60% de la population mondiale, à savoir les agricultures familiales.
Notes :
[1] Après la spéculation des marchés financiers sur les produits agricoles et le gaspillage alimentaire.
[2] ONG, associations, syndicats, mouvements populaires…
[3] pesticides, engrais
[4] Mobilisation internationale de la société destinée à juger Monsanto pour violations des droits humains, pour crimes contre l‘humanité et pour écocide
Voir aussi la vidéo reportage en Bolivie sur l’agriculture familiale et l’agroécologie
Source : http://ccfd-terresolidaire.org/infos/souverainete/les-francais-5653#nb1