Ouvrons les voies légales de l’immigration et de l’intégration
Par Jacques Toubon, Défenseur des droits [1]
Il n’y a pas de démocratie quand la force prime le droit. De ce point de vue, il est préoccupant que la question dite de l’identité soit considérée comme centrale, à lire ce que disent Messieurs Mélenchon, Valls, Balladur et autres, ou évidemment le Front national. Selon eux, l’identité sera une question centrale de l’élection présidentielle. Je suis l’un des rares à dire le contraire, non par idéologie, mais parce que c’est ce que je constate dans la situation française aujourd’hui.
Nous avons publié le 9 mai un rapport sur les droits fondamentaux des étrangers, pour montrer le hiatus qui existe entre les droits proclamés et la manière dont ils sont appliqués. Ce pays des droits de l’homme – qui se dit des droits de l’homme – n’a pas trop à se vanter aujourd’hui en ce qui concerne la situation des étrangers.
Il faut arriver à briser ce que j’appelle l’« agenda unique», où, quel que soit le point d’où l’on parle, on aboutit toujours à la même conclusion : « Il faut maîtriser les flux migratoires. Nous sommes submergés, nous devons nous protéger. » Il faut se battre pour essayer de faire en sorte qu’on n’ait plus cette espèce de mur de paroles, de propositions, et maintenant, de programmes présidentiels monocolores, qui se rejoignent pour dresser des murs, ériger des forteresses. Si l’Europe se donne comme destin d’être une forteresse, on va finir par se battre entre nous, de nouveau, comme c’était le cas il y a soixante-dix ans. On tourne le dos à l’histoire de l’Europe, qui est une histoire d’ouverture, d’apports multiples et notamment des étrangers. On fait un tête-à-queue par rapport à notre histoire, on insulte l’avenir, on tourne le dos à notre destin, ne serait-ce, d’ailleurs, que pour des intérêts démographiques et économiques. Un pays l’a compris, c’est l’Allemagne.
Enfin, nous sommes 510 millions d’Européens, la zone du monde la plus riche, avec le plus haut niveau de vie, le plus grand commerce, le plus haut niveau d’inventivité. On nous dit : « Vous allez avoir, en deux ou trois ans, peut-être 2 millions de personnes à accueillir. »
C’est une goutte d’eau dans l’océan. Ouvrons les voies légales de l’immigration et de l’intégration. Alors que ce que l’Europe et la France font maintenant confine à l’absurde, un absurde dramatique.
Note :
[1] Extrait de l’interview parue dans le n°3697 du 29 septembre 2016 de Témoignage Chrétien