BRÉSIL – Dans les établissements d’Amazonie, les paysans tirent les leçons de la forêt pour cultiver la terre
Par Solange Engelmann
La parcelle de l’établissement [1] occupée par José Ferreira est un exemple de comment il est possible d’organiser une expérience de production durable, en associant une culture avec la production de fruits, l’exploitation de la forêt et la pisciculture.
Après avoir migré du Ceará vers le Pará, et être passé dans plusieurs villes de l’État où il travaillait comme travailleur temporaire, José Ferreira Pinheiro, 62 ans, et Maria de Nazaré, 55, décidèrent de rejoindre le Mouvement des sans terre. Dans la lutte, ils ont gagné un bout de terrain, ce qui leur a donné la possibilité d’élever leurs enfants dans de meilleures conditions, et une existence digne.
Les trois années de campement, dans des conditions précaires et à la merci de la violence des grands propriétaires de la région, ont été un parcours de lutte intense pour le couple. Mais la récompense est venue, avec la conquête d’une parcelle de terre dans l’établissement Palmarès II, sur la commune de Parauapebas, dans la région sud-est du Pará.
Et c’est sur les 5 alqueires [2] de terre, conquis il y a quatorze ans, que José Ferreira a mené une expérience de production paysanne durable. Il a démontré qu’il est possible d’associer une production d’aliments sains à la préservation de la nature, selon un modèle de production agroécologique, où l’agriculteur produit des aliments en pratiquant une utilisation alternée du sol, sans recours aux produits toxiques.
« Ici nous produisons de la pomme de terre, du haricot, du maïs, du poisson, de la volaille, de la dinde. Nous savons ce que nous mangeons. Vous pouvez prélever un échantillon de tout ce que je produis et le faire analyser, vous n’y trouverez pas un atome de poison. C’est important parce que de nos jours il y a trop de poison. Et du poison ne résultent que maladie et mort », constate José Ferreira.
Les principales lignes de production de la famille sont la pisciculture et la culture céréalière, et à moindre échelle, l’horticulture et l’élevage de volaille. Elles sont vendues sur le Marché du producteur de la commune, avec plusieurs autres aliments de base.
La production de fruits comme le cupuaçu, la mangue, l’açai, la noix de coco, la châtaigne, entre autres, se fait sur les deux alqueires de son verger, où poussent aussi des arbres de différentes espèces pour la production de bois. La commercialisation des alevins des quatre étangs commencera le mois prochain. Au cours des deux dernières années, la production de poissons a atteint 5 tonnes.
Né et élevé à la campagne, puis éloigné de ce milieu pendant des années, José Ferreira a toujours rêvé de revenir travailler dans l’agriculture. « Personne ne peut entretenir sa famille avec un salaire minimum. Sur une terre on peut avoir une vie normale. Mon métier, c’est l’agriculture. Ici je peux me nourrir, et il me reste un petit quelque chose qui me permet d’acheter ce qu’il faut pour l’exploitation. Quand l’argent se fait rare, je vais à l’étang et je prends un poisson, et il y a aussi la volaille, les œufs », explique-t-il.
De la mine à l’agroécologie
« La vie s’est améliorée, aujourd’hui je travaille la terre, c’est l’abondance, du bétail à vendre, du riz, du maïs. Dans la mine de Serra Pelada, il n’y avait rien ; tout ce que je faisais était pour obtenir ma nourriture du jour, mais pour le lendemain, c’était l’inconnu » raconte Antonio Barbosa dos Santos, 65 ans, qui, avant de rejoindre la lutte des Sans-Terre et de devenir l’un des membres de l’établissement, a travaillé pendant 12 ans comme mineur dans la Serra Pelada.
Dans son système agroforestier, la production de cupuaçu, de jaqa, de mangue, d’acerola, de murici, de goyave et de citron vert, se déploie entre les divers arbres de la forêt naturelle. En moyenne sont produites chaque année deux tonnes de cupuaçu, la spécialité d’Antonio dos Santos. Et la production de haricots, de maïs, de riz et de manioc est plus que suffisante pour sa subsistance.
Palmarès II a été créé en 1995. Les familles ont connu d’abord une année de campement et de résistance, puis une succession de huit occupations, d’expulsions et de réoccupations. Actuellement, plus de 500 familles sont installées et organisées en forme de village agricole.
Notes :
[1] Le campement – acampamento en portugais du Brésil – est l’occupation militante de terres non exploitées pour en revendiquer l’utilisation et faire pression pour obtenir des titres de propriété. Les personnes qui s’installent sur une terre de manière légale, une fois obtenus des titres de propriété, forment ce qu’on appelle un établissement – assentamiento en portugais – note DIAL.
[2] Environ 15 hectares – NdT.Source : DIAL : Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3386.
Traduction de Lucile et Martial Lesay pour Dial.
Source (portugais) : site du MST, 16 octobre 2015.