Des catholiques mobilisés pour François Fillon
Par Bernard Gorce (La Croix)
Même s’il est trop tôt pour mesurer statistiquement le poids d’un vote confessionnel dans les résultats de dimanche 20 novembre, les catholiques ayant pris part à la primaire ont participé à la dynamique qui a porté François Fillon dans les dernières semaines.
Une victoire pour la famille. « La manif pour tous » analyse les résultats du vote à l’aune des engagements des candidats sur ce sujet. François Fillon s’est « déclaré favorable à l’abrogation de la circulaire Taubira », rappelle sa présidente Ludovine de La Rochère.
À l’inverse, « la volte-face de Nicolas Sarkozy » sur la remise en cause de la loi de 2013 explique selon elle en grande partie sa cuisante défaite. « Les sympathisants de “La manif” montrent qu’ils représentent un poids électoral incontournable », conclut la responsable pour qui ce combat engage, au-delà des seules convictions religieuses, la défense de « valeurs et d’enjeux anthropologiques ».
Ses propos sur la famille ont plu à l’électorat catholique
Si l’association n’avait pas donné de consigne de vote, Sens commun, émanation de « La manif pour tous » au sein des Républicains, s’est engagé pour François Fillon qu’il avait choisi plutôt que Jean-Fédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate.
Cent trente « référents » de Sens commun ont ainsi pris part à 200 réunions publiques. Madeleine de Jessey, porte-parole, a participé aux meetings de François Fillon, notamment le 21 septembre au Cirque d’hiver à Paris. Ce soir-là, dans l’assistance, les catholiques étaient en nombre, à en juger par leurs applaudissements à chaque propos de François Fillon sur la famille, mais aussi sur les chrétiens d’Orient ou l’état de la société.
Comme lorsqu’il critiquait la référence faite par certains aux communautarismes pour ne pas avoir à nommer « le problème concret que nous avons avec une branche radicale de l’islam. Les catholiques, les protestants, les juifs, les bouddhistes, les sikhs ne menacent pas l’unité nationale. »
François Fillon n’a jamais caché sa foi
En visant le « totalitarisme islamique », François Fillon rassure des milieux catholiques rétifs à un discours laïque globalisant sur le religieux. Pudique sur sa vie privée, François Fillon n’a jamais caché sa foi, à laquelle il consacre un chapitre dans le livre Faire (Albin Michel), qui lance sa candidature à la rentrée 2015.
Si ses soutiens sont de toutes sensibilités, nombre de ses plus proches collaborateurs sont de fervents chrétiens, à l’instar des deux porte-parole, Valérie Boyer et Jérôme Chartier, ou le président de la région Pays de la Loire, Bruno Retailleau.
François Fillon fut le premier candidat à répondre par écrit au texte de l’épiscopat sur la politique, même si sur ce point Alain Juppé, catholique non pratiquant, est plus proche de l’analyse des évêques sur notre société « multiculturelle ».
Un décollage en fin de campagne
Incarnant un catholicisme plus identitaire, le Sarthois ne semblait pourtant pas en avoir tiré profit en début de campagne. Selon une enquête IFOP réalisée entre septembre et novembre, les intentions de vote des catholiques pratiquants ne différaient guère de celles de l’ensemble des électeurs.
Mais cette enquête n’a pas pu prendre en compte le décollage du troisième homme qui a véritablement eu lieu en fin de campagne. Jérôme Fourquet, de l’IFOP, souligne que les catholiques pratiquants représentent environ 15 % des électeurs potentiels de la primaire. « Une forte minorité, mais qui se déplace davantage aux urnes. Il est certain que cet électorat a participé à la dynamique très forte des derniers jours. »
Jérôme Fourquet souligne aussi le ton que l’ex-Premier ministre a su imposer dans les débats télévisés : « Pour les catholiques de droite, François Fillon représente une bonne synthèse entre une stature de présidentiable et une radicalité idéologique. »
Selon une première analyse publiée hier par l’institut Opinion-way, François Fillon, mais aussi Alain Juppé et Bruno Le Maire auraient fait des scores supérieurs à la moyenne chez les catholiques « pratiquants réguliers » (respectivement 53,6 %, 36,4 % et 7,4 %) tandis que Nicolas Sarkozy aurait chuté à… 1,8 %.
Illustration par E-Matou (Taken by a member of my family) [CC BY 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/3.0)], via Wikimedia Commons
Lire aussi le texte de l’épiscopat : http://nsae.fr/2016/10/16/dans-un-monde-qu…ens-du-politique/
Pour compléter: information transmise par Anne-Marie Hermet
SACRISTIE ÉDITO Par Laurent Joffrin — Libé 21.11.16
Beaucoup d’électeurs ont voulu écarter un ancien président à leurs yeux trop à droite. Impuissants devant la mobilisation de la droite profonde, ils héritent d’un candidat encore plus réac. C’est ainsi que le Schtroumpf grognon du conservatisme se retrouve en impétrant probable. «Avec Carla, c’est du sérieux», disait le premier.
Avec Fillon, c’est du lugubre. Bonjour tristesse… La droitisation de la droite a trouvé son chevalier à la triste figure. C’est vrai en matière économique et sociale, tant François Fillon en rajoute dans la rupture libérale, décidé à démolir une bonne part de l’héritage de la Libération et du Conseil national de la Résistance. Etrange apostasie pour cet ancien gaulliste social, émule de Philippe Séguin, qui se pose désormais en homme de fer de la révolution conservatrice à la française. Aligner la France sur l’orthodoxie du laissez-faire : le bon Philippe doit se retourner dans sa tombe
On comprend le rôle tenu par les intellectuels du déclin qui occupent depuis deux décennies les studios pour vouer aux gémonies la «pensée unique» sociale-démocrate et le «droit-de-l’hommisme» candide : ouvrir la voie au meilleur économiste de la Sarthe, émule de Milton Friedman et de Vladimir Poutine. Nous avions l’Etat-providence ; nous aurons la providence sans l’Etat.
C’est encore plus net dans le domaine sociétal, où ce chrétien enraciné a passé une alliance avec les illuminés de la «manif pour tous». Il y a désormais en France un catholicisme politique, activiste et agressif, qui fait pendant à l’islam politique. Le révérend père Fillon s’en fait le prêcheur mélancolique. D’ici à ce qu’il devienne une sorte de Tariq Ramadan des sacristies, il n’y a qu’un pas. Avant de retourner à leurs querelles de boutique rose ou rouge, les progressistes doivent y réfléchir à deux fois. Sinon, la messe est dite. Journée des dupes.
Laurent Joffrin