par Régine et Guy Ringwald

L’affaire de l’évêque Barros, que récusent les laïcs d’Osorno ((se reporter à nos articles précédents rappelés en fin d’article), est maintenant portée devant la Conférence des évêques.

Après avoir adressé plusieurs courriers à l’évêque Juan Barros pour demander un dialogue, démarches demeurées sans succès, le mouvement des laïcs et laïques d’Osorno s’est adressé à la Conférence des évêques du Chili, réunie en conférence plénière du 7 au 11 novembre 2016. Nous publions ci-dessous le texte de leur lettre.

Une délégation de ce mouvement d’Osorno s’est rendue à Punta de Tralca (près de Valparaiso), à laquelle se sont jointes d’autres personnes les soutenant, ainsi que Juan Carlos Cruz, une des victimes de Karadima qui demandent réparation devant la Justice chilienne.

Bien que tout ait été fait pour éviter qu’ils aient des contacts avec les journalistes et, à force de pression, ils ont été reçus par trois évêques pour leur exposer l’état de délabrement dans lequel se trouvait le diocèse d’Osorno. L’évêque Barros, que les laïcs d’Osorno souhaitaient rencontrer à cette occasion, a quitté le site de la Conférence sans donner d’explication.

Le porte-parole de l’Église Catholique, Jaime Coiro, a expliqué que le groupe de laïcs avait été reçu par trois évêques: Mgr Alejandro Goic, Mgr René Rebolledo, et Mgr Celestino Aos, les deux premiers ayant été évêques d’Osorno. Il s’est exprimé en ces termes: “Le Père Alejandro leur a donné la parole, et ils ont pu donner leur avis sur ce qui se vivait à Osorno. Ensuite, il les a remerciés de leur franchise et s’est engagé à remettre un compte-rendu de leur rencontre au Comité permanent de la Conférence épiscopale. Cet entretien fut marqué par une émotion très franche et sans trouble.” Le porte-parole a dit ne pas connaître la raison de l’absence de Mgr Barros et que la Conférence n’avait pas été gênée par la manifestation qui avait eu lieu à l’extérieur.

Juan Carlos Cruz qui avait été présent la réunion avec les évêques s’est déclaré très impressionné par les laïcs, déclarant : “Je pourrais avoir de bonnes raisons de me tenir à distance de l’Église, mais les gens d’Osorno ont ravivé ma foi”.

L’association/la communauté des Laïcs et des Laïques d’Osorno a remis aux évêques du Chili, le document suivant :

Nullus invitis detur episcopus*

Le pape S. Célestin demandait : “Personne ne sera donné comme évêque à des gens qui n’en veulent pas. Recherchez le désir et le consentement du clergé, du peuple et des hommes publics. On élira un évêque provenant d’une autre Église seulement lorsque, dans la ville pour laquelle on cherche évêque, on ne trouve personne digne d’être consacré » (St Celestin aux évêques de Vienne, PL, 434).

Chers évêques réunis en Assemblée plénière à Punta de Tralca,

Depuis maintenant près de deux ans, exerçant notre droit à nous exprimer en tant que peuple de Dieu, notre Organisation, Communauté de Laïcs et Laïques qui prennent une part active dans différentes instances pastorales de notre Église catholique d’Osorno, avons dénoncé, clamé, recherché le dialogue et prié pour que l’on cherche une sortie à la grave crise qui se vit dans le Diocèse, comme conséquence de la nomination, inopportune et déconcertante, de l’évêque, le père Juan Barros Madrid, comme titulaire de cette province ecclésiastique du Chili.

Dans le but de ne pas accepter la nomination et l’arrivée du Père Juan Barros dans notre ville, conséquence directe du fait que sa claire affinité, défense et complicité – durant des années – avec les actes graves d’abus sexuels réitérés de Fernando Karadima, aujourd’hui heureusement condamné canoniquement par le Saint-Siège, nous avons fait connaitre au pays et au monde les conclusions de la première rencontre de laïcs et laïques du Chili qui s’est tenue le 14 juin 2015 à Osorno, par lesquelles nous avons montré avec une clarté et une conviction qui découlent de notre engament chrétien:

« Nous sommes convaincus que l’évêque Juan Barros Madrid ne remplit pas et ne peut pas remplir son rôle de pasteur qui consiste à unir et non à diviser le troupeau. Il est déplacé et imprudent qu’on impose, comme membre de la hiérarchie de l’Église, un évêque incapable d’écouter, d’accueillir et de prendre en considération la communauté d’Osorno qui lui avait fait connaître, par anticipation, sa douleur, et qui se voyait blessée dans sa dignité alors que la vocation de l’Église est d’être experte en humanité ».

Ces derniers temps, à Osorno nous avons continué à dénoncer activement et dans la prière, nous avons fait des déclarations, réalisé des veillées, des marches et des rencontres, toujours dans une option non violente, respectueuse de l’institution religieuse, dans le seul but de motiver toute personne ayant une conscience droite à appuyer cette cause juste : que le père Juan Barros ne poursuive pas dans le ministère épiscopal du diocèse, car il ne remplit pas les qualités requises d’une personne consacrée pour remplir le rôle de bon pasteur.

Une majorité de catholiques, de chrétiens et bien des personnes de bonne volonté, ont hautement apprécié que presque tous les membres du Comité Permanent de l’Épiscopat n’aient pas assisté à l’acte solennel que constitue la prise de possession de la charge du Diocèse, à la cathédrale, par l’évêque Juan Barros. Cette attitude concrète, empreinte de courage et de liberté de conscience, a été une décision qui prouve que la “gestion du processus de nomination ne s’est pas déroulée convenablement” lors des consultations et, ultérieurement, de la désignation du père Juan Barros à Osorno. Dans ce geste, nous ne pouvons que reconnaitre à sa juste valeur de ce que nous indique la tradition de l’Eglise elle-même: « Élisez des évêques dignes du Seigneur, doux, sincères et éprouvés….” (Didaché – 15).

Cependant, nous devons reconnaitre que toutes ces démarches, protestations y demandes tendant à ce que le Père Juan Barros soit muté hors de notre Diocèse ont, jusqu’à ce jour, été vaines. Il demeure à l’évêché, et il est bien clair, aux yeux de qui veut bien voir, que l’Eglise d’Osorno et son gouvernement ecclésial se trouvent douloureusement divisés. Il y a une méfiance réciproque et un manque de crédibilité. Il n’y a pas réellement de plans d’évangélisation, et le manque de leadership dans la conduite pastorale et administrative est tout à fait notoire. Nous le savons tous ainsi que la Nonciature apostolique et, certainement, vous aussi, les évêques du Chili.

Nous vous transmettons cette réflexion avec respect, et avec l’unique désir de vous exposer sincèrement ce que nous ressentons en ce qui concerne “l’affaire Barros”, et le caractère “insoutenable” de son maintien dans la charge qui lui a été conférée par Rome qui, apparemment, ne connaissait pas suffisamment bien son passé dans d’autres diocèses, et au Vicariat aux Armées. Chers pasteurs, nous sollicitons humblement votre sage intervention pour trouver une saine solution à la scandaleuse et lamentable situation que nous vivons, car on perçoit que notre Église locale tombe en morceaux. “Miséricorde pour Osorno”.

Finalement, il nous semble important de rappeler ce que dit la tradition apostolique d’Hippolyte, dans son ouvrage du 3e siècle, en ce qui concerne la nomination des évêques:

Que l’on ordonne comme évêque celui qui, étant irréprochable, a été élu par tout le peuple. Lorsque son nom aura été prononcé et accepté, on réunira, un dimanche, le peuple, en présence du presbyterium et des évêques. Tous garderont le silence, priant en leur cœur que descende l’Esprit… (Sources Chrétiennes 11, pages 40-42)

 Note : [1] «Un évêque ne sera pas donné contre le sentiment commun », l’expression latine est conservée dans le texte

Rappel des articles sur le même sujet :

http://nsae.fr/2015/10/12/crise-autour-de-la-nomination-de-leveque-dosorno-au-chili/

http://nsae.fr/2015/10/27/osorno-karadima-nouveaux-commentaire-et-developpements-judiciaires

http://nsae.fr/2015/11/16/affaire-karadima-developpements-judiciaires-en-cours/

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http://nsae.fr/2016/09/26/osorno-chili-le-refus-du-vatican/