Suite à la polémique du Ceta, Paul Magnette présente la Déclaration de Namur
Le ministre-président wallon Paul Magnette a présenté lundi une déclaration signée par une quarantaine d’universitaires européens et nord-américains, demandant à la Commission européenne d’inverser la logique avec laquelle elle fait du commerce.
L’objectif de cette “Déclaration de Namur”, dont M. Magnette a pris l’initiative à l’issue de l’épisode “CETA” (traité de libre-échange UE-Canada), est “d’abandonner la logique selon laquelle le commerce serait une fin en soi”. “Le commerce n’est utile que s’il sert le développement durable, la réduction de la pauvreté et des inégalités, et la lutte contre le réchauffement climatique”, a exposé M. Magnette (PS), au cours d’une conférence de presse dans le quartier européen à Bruxelles.
Le texte codifie les avancées que la Wallonie a obtenues lors de ses négociations avec la Commission européenne, le Canada et le gouvernement fédéral. Il reprend aussi “ce que nous n’avons pas obtenu, mais que l’on voudrait voir” dans les traités commerciaux de l’UE, selon le chef du gouvernement wallon.
La déclaration est signée par de grands noms du monde académique et économique, comme Thomas Piketty, Philippe Aghion, Paul Craig, László Andor, Jean-Paul Fitoussi, Philippe Maystadt, Philippe Van Parys, Jean-Pascal van Ypersele, ainsi que des universitaires du Canada et des États-Unis.
Elle s’oppose au traité de libre-échange en négociation entre l’UE et les États-Unis (TTIP/TAFTA), qui “doit être enterré” vu l’asymétrie des partenaires (degré d’achèvement de leurs marchés intérieurs, extraterritorialité de la législation américaine).
La déclaration pose que tout mandat confié à la Commission pour négocier un nouveau traité de libre-échange doit être précédé d’analyses contradictoires et publiques, pour s’assurer que le texte contribuera au développement soutenable, à la réduction de la pauvreté et des inégalités, et à la lutte contre le réchauffement climatique.
Des comptes-rendus réguliers doivent permettre à la société civile et aux parlements de connaître les résultats intermédiaires de la négociation. “C’est une rupture radicale par rapport à la culture de l’opacité, du secret et du lobbying” qui caractérise les négociations commerciales de l’Europe, selon Paul Magnette.
Les signataires réclament aussi que les parties soient obligées de ratifier les principales conventions de défense des droits de l’homme et du droit du travail. Ils plaident pour des exigences chiffrées en matière fiscale (un taux minimum d’impôt des profits des sociétés) et environnementale (des cibles vérifiables de réduction des gaz à effet de serre).
La défense des services publics et l’impossibilité d’imposer aux pouvoirs publics d’indemniser les multinationales qui s’estimeraient lésées par une régulation plus contraignante figurent aussi dans cette déclaration.
Sans surprise, on y retrouve également l’un des points de discorde essentiels de l’épisode CETA: le règlement des différends entre États et multinationales (mécanisme ICS).
La déclaration défend le recours privilégié aux juridictions nationales, et des conditions sévères de nomination et de rémunération des juges pour assurer leur indépendance, mais aussi leur sensibilité aux règles non commerciales (droits de l’homme, du travail, de l’environnement).
Son objectif est de susciter le débat et, “si la Commission ne souhaite pas la suivre, au moins savoir pourquoi”. M. Magnette dit espérer que ce texte inspirera le parlement européen. “Certains à la Commission pensent que le CETA, c’étaient juste les Wallons, ou juste un truc politique, et qu’ils peuvent donc continuer leur ‘business as usual’. Ils verront que ces préoccupations de la société civile rejoignent l’avis d’experts renommés, et la Commission y est toujours sensible”, a commenté Paul Magnette. Pour lui, une démarche exclusivement politique aurait risqué “un traitement vertical rapide” par l’exécutif européen.
Au niveau belge, M. Magnette a réécrit au ministre des Affaires étrangères Didier Reynders afin d’activer la demande d’avis de la Belgique à la Cour de Justice de l’Union européenne sur la compatibilité du mécanisme d’arbitrage (ICS) avec les traités européens. Une polémique a en effet surgi ces derniers jours, Ecolo, PS et cdH reprochant au gouvernement fédéral de tarder à réclamer cet avis. Un comité de concertation, qui devrait aborder cette question, est fixé au mercredi 14 décembre prochain.
On peut trouver le texte de la déclaration sur : http://media.wix.com/ugd/2efde4_141f0fe90a2a4bb89d0685ba2b3ec8a4.pdf
Photo : Axel Delepinne [CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons
On peut lire aussi : http://nsae.fr/2016/10/21/paul-magnette-le…ecoudre-lui-meme/