Si c’était vrai…
Est-il vrai qu’il faille se perdre pour se trouver,
pourrir en terre pour porter du fruit,
renaître pour devenir adulte,
vieillir pour avoir un cœur d’enfant,
devenir autre pour rester soi-même,
être soi-même pour devenir frère universel,
ne plus avoir de certitudes pour commencer à connaître,
se dépouiller de son avoir pour posséder les vraies richesses,
être serviteur pour être le plus grand,
promouvoir la différence pour rendre la communion possible,
trouver sa route pour croiser celle des autres,
fermer parfois sa porte pour rendre sa maison accueillante,
quitter son pays pour découvrir sa patrie,
ne pas avoir de demeure pour habiter l’univers,
tomber pour avancer,
cheminer dans l’obscurité pour rencontrer la lumière,
entendre la voix qui monte en son cœur pour écouter le cri des hommes,
prêter l’oreille à la clameur des hommes pour se réveiller du sommeil ?
Un homme autrefois l’a cru,
L’homme des Béatitudes.
Condamné et exécuté par ceux dont il dérangeait les habitudes,
il a semé dans les larmes et son grain est mort au creux du sillon.
On dit qu’Il est aujourd’hui vivant,
Et qu’Il ne cesse de venir en chantant,
Rapportant les gerbes de sa moisson.
Si c’était vrai…
Jacques Musset
Texte lu pendant la célébration lors de l’AG de Parvis, le 27 novembre 2016
Photo Claude Naud
Les visages du diable
Alain Arnoux1 jeu, 11/02/2016 – 00:00 Méditation sur Luc 4,1-13.
C’est, je crois, l’histoire du combat spirituel qui a été celui de Jésus pendant toute sa mission, qui est résumée ici. Combat dans la solitude et dans les rencontres d’un homme qui a été seul, même au milieu de ses proches. Que veut dire ce mot trop prononcé, souvent pour désigner l’autre, ce mot devenu presque imprononçable aujourd’hui : le diable ? Peut-être « celui qui détourne », qui détourne un homme ou une Église de sa mission, en se servant des attentes des autres, des conflits, de la lassitude, voire des Écritures. De tout ce qui peut faire résonance.
Dans la solitude, Jésus se prépare à rencontrer ceux pour qui il est venu. Le diable, pour Jésus, aura tous les visages rencontrés, celui des foules humiliées en attente d’espérance terrestre, celui des souffrants en attente de miracles, celui de la police religieuse à l’affût, et même celui des plus aimés. Résonance : peut-on frustrer les attentes, décevoir les espérances ? Résonance : que faire quand attentes et contestations vous demandent de tous côtés de prouver, y compris à vous-même, la vérité de ce qui vous a été dit : « Tu es mon Fils bien aimé » ? Jusque sur la croix : « Qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu ! » (Luc 23,35). Résonance : Jésus ne peut- il pas se juger de petite foi, quand le diable s’empare de l’autorité des Écritures pour le pousser à faire le grand saut, qui réglerait le problème d’une manière ou d’une autre ?
Dès lors, avoir un peu pitié de soi et de son corps et de son esprit fatigués, aller au succès en se soumettant au désir de l’autre, essayer l’extraordinaire qui subjugue au risque de se brûler les ailes, faire le bonheur des autres même sans eux, ce sont des tentations très humaines. Aller à l’efficace et au facile en s’épargnant la fatigue des rencontres, de l’appel à l’intelligence, des échecs, et pour finir en évitant la croix. Ou renoncer. Sa présence est une agression contre la résignation et l’abaissement des uns, et contre l’immobilisme dominateur des autres. Il s’agit de le mettre hors d’état de nuire. S’il entre dans les désirs de l’autre, tout changera mais en réalité rien ne changera. S’il renonce, rien ne changera. Le diable, c’est l’archange du changement sans changement, du faux salut : celui qui passe par une puissance qui n’a pas été crucifiée, pour répondre à des attentes qui n’ont pas été crucifiées. Qui peut dire qu’en priant et en citant les Écritures nous ne jouons pas, souvent, le rôle du diable ?
Il est peut-être rassurant, au fond, pour les croyants et pour les Églises, d’être le lieu d’un combat, d’être tracassés comme Jésus par l’esprit de doute, le désir de succès, la tentation de se justifier soi-même à ses propres yeux et aux yeux des autres, voire par l’envie de renoncer ou même par les conflits d’interprétation. Cela veut dire qu’ils sont à leur place, qu’ils répondent à leur vocation. Et qu’ils dérangent quelque chose.
L’Évangile du dimanche
Jésus, rempli d’Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l’Esprit au désert, où il fut mis à l’épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et quand ils furent achevés, il eut faim. Alors le diable lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : L’être humain ne vivra pas de pain
seulement. »
Le diable le conduisit plus haut, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre habitée et lui dit : « Je te donnerai toute l’autorité et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été livrée et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c’est à lui seul que tu rendras un culte. » Le diable le conduisit encore à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas, car il est écrit : Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, afin qu’ils te gardent ; et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : Tu ne provoqueras pas le Seigneur ton Dieu. »
Après avoir achevé de le mettre à l’épreuve, le diable s’éloigna de lui pour un temps. (traduction NBS)
1 http://reforme.net/annuaires/personnalites/alain-arnoux
Quand je passe par ma puissance crucifiée pour répondre à mes attentes qui auront été crucifiées, alors c’est vrai !
(Alain Arnoux – Réforme n° 3644 – page 13 : http://reforme.net/node/61471/publi-pdf