Par Mary M. McGlone, sœur de saint Joseph de Carondelet
Le jour de Noël est enfin arrivé. Il y a eu tellement d’anticipation, tant de battage, qu’il est difficile à un jour de supporter le poids de toutes les attentes. C’est assez évident à regarder les cadeaux éparpillés dans la salle de séjour et le papier d’emballage en route vers la poubelle. Les grandes attentes ont beaucoup à voir avec cette fête, mais ce sont de grandes attentes qui subissent continuellement des révisions importantes.
Nous savons que l’attente d’un Messie avait une longue, longue histoire. Le peuple de Dieu opprimé aspirait au sauveur que Dieu lui enverrait. Leurs espérances furent relatées dans leur histoire et dans les écrits des prophètes.
Comme nous, ils se sont tournés vers la parole de Dieu avec espérance et, comme nous, ils ont apporté leurs propres images à leur lecture des Écritures. Ils ont lu la Parole de Dieu à la lumière de leur propre mentalité et créé leurs propres images du Sauveur que Dieu enverrait. Ils seraient relevés et tout le monde verrait qu’ils étaient le vrai peuple de Dieu.
Les lectures d’aujourd’hui nous racontent l’histoire de la plus grande réponse de Dieu aux espoirs humains. Dieu a envoyé un sauveur qui n’était ni roi ni guerrier. L’un des signes les plus évidents qu’un message ou un événement provient de Dieu est que quelque chose d’extraordinairement bon se produit et que ce n’est pas du tout ce que nous avons anticipé. Peu importe ce que nous apprenons des Écritures, Dieu nous surprend en travaillant à partir d’un autre scénario.
Dans nos quatre liturgies de Noël, les Évangiles nous donnent le récit de la généalogie de Jésus par Matthieu, qui explique où Jésus s’inscrit au sein du peuple élu ; le Prologue de Jean, qui situe Jésus dans l’histoire cosmique ; et le récit simple de Luc sur la naissance de Jésus à Bethléem. (Marc ne nous dit rien des origines de Jésus.) Avec ces approches, nous avons quelque chose pour l’historien de la Bible, le mystique et les gens qui aiment les histoires simples.
La présentation savante de Matthieu offre la première des nombreuses explications selon lesquelles le Christ accomplit les prophéties concernant le Messie. Jean nous emmène au temps qui précède la création avec son «Au commencement», puis raconte le reste de l’histoire avec «et les siens ne le reçurent pas.» Il termine avec l’offre ultime de Dieu à l’humanité: «À ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir des enfants de Dieu. » Luc nous donne les meilleures histoires pour construire nos crèches. Tout ce qu’il manque, ce sont les Mages.
Les bergers ont une telle importance dans l’histoire de Luc, qu’il vaut la peine de les regarder dans la perspective de la Nativité. Les bergers étaient parmi les gens les moins estimés de leur temps. Leur profession n’exigeait guère plus que de pouvoir rester éveillé la plupart du temps, arrêter les vagabonds, et utiliser efficacement un lance-pierre vers des créatures dangereuses.
Engagés dans une profession qui n’offrait pas de pause le sabbat, ils ne pouvaient pas observer la lettre de la loi, qu’ils n’auraient guère été capables de lire. Ils avaient la réputation de ne pas être trop soucieux d’honnêteté et d’apporter avec eux une dose importante du parfum de leurs troupeaux. Ils étaient le plus différents possibles des élites religieuses.
On peut supposer que les bergers n’avaient pas de présupposés sophistiqués obscurcissant leur perspective. Quand il s’agissait d’attendre un sauveur, ils manquaient d’une liste de contrôle théologique pour juger tout concurrent. On nous dit que les anges leur apparurent, mais les anges ne firent qu’attirer la curiosité des bergers. Non pas qu’un ciel plein d’anges aurait été leur quotidien, mais ce n’est pas ce qui les a convaincus. Suivant les instructions de l’ange, ils sont allés à Bethléem pour voir par eux-mêmes.
Ils allaient à la recherche d’un «Sauveur», du «Messie et Seigneur». À Bethléem, ils se courbèrent pour contempler un nouveau-né enveloppé comme tout autre enfant, avec la différence singulière que celui-ci était couché dans une mangeoire – exactement comme l’ange l’avait dit.
Nos bergers étaient l’opposé absolu des cyniques. Ayant entendu que Dieu venait à eux comme un enfant né dans les plus pauvres circonstances imaginables, ils ont pensé qu’il valait la peine de voir par eux-mêmes. Nous ne savons pas exactement ce qu’ils croyaient. Ils n’auraient jamais pu répondre aux questions nécessaires pour recevoir la confirmation, mais ils racontèrent sans vergogne ce qu’ils avaient vu et entendu. Sans instruction et incapables de s’exprimer comme ils devaient l’être, ils furent les premiers évangélistes.
L’Évangile de Noël nous invite à réexaminer nos attentes. Où cherchons-nous Dieu? Depuis des milliers d’années, Dieu a pris l’habitude de paraître parmi nous de la manière la plus discrète. Supernovæ et cieux pleins de musique nous dirigent seulement vers quelque chose de beaucoup plus simple, quelque chose que nous devons être assez modestes pour apprendre de ce qui est humble. Il faudra se courber très bas pour le percevoir.
Source : https://www.ncronline.org/blogs/spiritual-reflections/prophecies-fulfilled
Traduction : Lucienne Gouguenheim
Illustration par Claude Truong-Ngoc (Collection particulière Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons