Vague de répression dans le secteur textile au Bangladesh
Par Olivier Petitjean
Plusieurs milliers d’ouvriers et d’ouvrières travaillant dans les ateliers textiles de la banlieue de Dhaka ont été congédiés suite à un mouvement social pour réclamer une hausse de leurs salaires. Les multinationales européennes et nord-américaines qui s’approvisionnent au Bangladesh restent largement silencieuses.
Entre 1500 et 3500 ouvriers et ouvrières textiles bangladeshi ont été renvoyés du jour au lendemain des ateliers où ils travaillaient, suite à une semaine de manifestations et de blocages d’usines dans le quartier d’Ashulia, dans la capitale Dhaka. Plusieurs dizaines d’entre eux feraient également l’objet de poursuites judiciaires pour vandalisme, tandis que des leaders syndicaux ont été arrêtés.
Les ouvriers et ouvrières avaient commencé le mouvement pour protester contre le licenciement abusif de 121 d’entre eux. Leur revendication centrale était une hausse du salaire de base, qui n’a pas augmenté depuis novembre 2013 malgré l’inflation. Le salaire minimum mensuel applicable au secteur est actuellement de 5300 taka (61 euros). Les syndicats demandent qu’il soit triplé. Le « salaire vital » – calculé sur la base des besoins de base d’une famille de quatre personnes – a été estimé à 260 euros mensuels pour le Bangladesh (lire notre enquête Textile : les ouvrières asiatiques en lutte pour un salaire vital [1]).
Selon la presse internationale, les usines concernées sont des fournisseurs de Gap, Inditex (Zara) et H&M. Des listes de travailleurs et travailleuses licenciés ont été affichées à la porte des usines, tandis que des unités de la « police industrielle » créée par le gouvernement bangladeshi pour contrôler le secteur textile étaient déployées dans le quartier d’Ashulia. Un journaliste a également été arrêté pour avoir propagé des « fausses nouvelles » visant à attiser le conflit social…
Les donneurs d’ordre se taisent
Pour les autorités et les milieux d’affaires locaux, ces revendications salariales sont inacceptables dans un contexte où le secteur textile bangladeshi, crucial pour l’économie nationale, doit faire face aux défis de la rénovation et de la sécurisation des usines dans le cadre des accords signés suite au drame du Rana Plaza. Ce qui explique peut-être qu’ils aient choisi la manière forte pour étouffer le mouvement social et éviter qu’il ne s’étende à d’autres zones. Le risque existe toujours également que les grandes marques de l’habillement se détournent progressivement du Bangladesh pour relocaliser leur production dans des pays concurrents en Asie, voire en Éthiopie.
L’Alliance for Bangladesh Worker Safety (qui concerne principalement les firmes américaines comme Gap, qui n’ont pas souhaité s’engager dans l’Accord for Fire and Building Safety conclu par les donneurs d’ordre européens comme H&M, Inditex et Carrefour) a publiquement condamné [2] la détention de leaders syndicaux. C’est la seule réaction connue à ce jour de la part des donneurs d’ordre européens ou nord-américains, dont les pratiques sont déterminantes quant à la situation sur le terrain.
Notes :
[1] http://multinationales.org/Textile-les-ouvrieres-asiatiques [2] http://www.bangladeshworkersafety.orgSource : http://multinationales.org/Vague-de-repression-dans-le-secteur-textile-au-Bangladesh