Le président colombien Santos modifie le pacte de paix à la demande de l’armée
Par Linda Cooper et James Hodge (National Catholic Reporter)
L’accord de paix révisé visant à mettre fin à 52 ans de guerre civile en Colombie a un prix : les commandants de haut rang pourraient échapper aux poursuites pour crimes de guerre, allant du meurtre par des militaires de milliers de civils à l’augmentation falsifiée du nombre des tués.
Le pacte original entre le gouvernement et le plus important groupe de la guérilla du pays, les FARC, a été rejeté contre toute attente par les électeurs en octobre, lors d’un référendum à faible participation, qui a eu lieu deux jours seulement après l’ouragan de force 5 qui a frappé le pays.
Craignant l’échec du cessez-le-feu, le président colombien Juan Manuel Santos a immédiatement relancé des pourparlers avec les FARC, en élaborant une cinquantaine de modifications dans l’accord, en partie pour apaiser l’aile droite qui voulait des conditions plus sévères à l’égard de la guérilla. L’accord révisé cible plus sévèrement les responsabilités, interdit la participation de magistrats étrangers à la détermination des crimes commis par les deux parties et oblige les FARC à renoncer à l’indemnisation de leurs victimes.
Santos a évité un autre référendum et a envoyé l’accord directement au Congrès, qui l’a ratifié sans tarder, de même que la Cour constitutionnelle colombienne, qui a autorisé d’« accélérer » la loi, afin de démobiliser rapidement les FARC.
Mais juste quelques heures avant de signer le pacte révisé de 310 pages le 24 novembre, Santos a supprimé un paragraphe clé sur la responsabilité du commandement, à la demande des commandants de l’armée.
Selon Daniel Wilkinson, directeur général de la division des Amériques de Human Rights Watch, cette suppression donne « une garantie efficace d’impunité aux officiers de l’armée” dont les troupes ont commis des crimes contre les droits de l’homme. Dans un blog du Financial Times du 15 décembre, il écrit que le paragraphe supprimé avait déjà été approuvé par les négociateurs des FARC qui n’avaient pas recherché des concessions similaires pour leurs propres commandants.
Cette suppression affecte les enquêtes en cours par les procureurs colombiens sur plus d’une douzaine de généraux de l’armée dans le scandale des « faux vrais » dans lequel les militaires sont accusés d’avoir gonflé entre 2002 et 2008 leurs décomptes des combattants tués, en assassinant des civils et en affirmant qu’ils étaient des guérilleros.
Le rapporteur spécial des Nations Unies, Philip Alston, qui a enquêté sur les exécutions extrajudiciaires en Colombie en 2009, a décrit l’opération : « La victime est attirée sous un faux prétexte par un « recruteur » en un endroit éloigné. La scène est alors manipulée pour faire apparaître que l’individu a été légitimement tué au combat. La victime est généralement photographiée avec un uniforme de guérillero et tenant un fusil ou une grenade. Certains portaient des bottes toutes neuves et de plusieurs tailles trop grandes pour eux.”
Les tueurs ont été récompensés par des primes allant jusqu’à 1 000 dollars par cadavre, des vacances supplémentaires et des voyages à l’étranger, selon un rapport Human Rights Watch de 2015 [1], qui qualifiait les « fausses vraies » exécutions de civils par des brigades militaires, sous la pression de leurs supérieurs, de pires épisodes d’atrocités de masse dans l’hémisphère occidental de ces dernières décennies ».
Photocopie d’une photographie des cadavres de deux victimes des « faux homicides positifs » commis dans le département de Meta en 2004, avec des troupes en arrière-plan. La photographie a été prise lorsque les autorités ont inspecté la scène. La photocopie, avec les indications données par un témoin, provient du dossier pénal du Bureau du Procureur général. (source https://www.hrw.org/news/2015/06/24/colombia-top-brass-linked-extrajudicial-executions
Human Rights Watch a récemment obtenu les témoignages sous serment de six généraux dans le cadre des enquêtes menées en Colombie et a rapporté le 20 décembre que tous les six ont impliqué le général en retraite Mario Montoya Uribe dans quelque 44 cas des « faux vrais » homicides.
Montoya était l’ancien chef de l’armée colombienne, fortement financé et formé par les États-Unis. Les exécutions extrajudiciaires ont culminé pendant son mandat de trois ans. Non seulement il a été diplômé de l’École des Amériques de l’armée américaine en 1983, mais il a été instructeur à l’école en 1993 lorsqu’il a été appelé au Congrès pour former des officiers latino-américains impliqués dans la torture, les assassinats et le renversement des gouvernements démocratiques.
Montoya fait partie d’un ensemble d’au moins 14 généraux en cours d’enquête sur les « faux vrais » tués, avec l’actuel chef de l’armée, le général Juan Pablo Rodríguez Barragán, et un autre ancien chef de l’armée, le général Jaime Lasprilla Villamizar.
Lasprilla Villamizar fait l’objet d’une enquête pour 48 assassinats faussement positifs et a été instructeur de 2002 à 2003 au successeur de la SOA, l’Institut de coopération en matière de sécurité de l’hémisphère occidental (WHINSEC).
Rodríguez Barragán, haut fonctionnaire militaire de Colombie, fait l’objet d’une enquête pour 28 tueries faussement positives et a été diplômé en 2001 du cours annuel d’officier d’état-major et de commandement de WHINSEC.
Selon Human Rights Watch, il semble que Montoya et les autres généraux faisant l’objet d’une enquête puissent se soustraire aux poursuites prévues par l’accord de paix. Le paragraphe Santos a supprimé la définition de la responsabilité de commandement intégrée dans le droit international qui stipule que les commandants dont les troupes commettent des crimes peuvent être tenus pénalement responsables même s’ils n’étaient pas directement impliqués, mais savaient ou auraient dû le savoir et n’étaient pas intervenus.
Mais juste quelques heures avant de signer le pacte révisé de 310 pages le 24 novembre, Santos a supprimé un paragraphe clé sur la responsabilité du commandement, à la demande des commandants de l’armée.
La suppression a donné « une garantie efficace d’impunité pour les officiers de l’armée” dont les troupes ont commis des crimes contre les droits de l’homme, selon Daniel Wilkinson, directeur général de la division des Amériques à Human Rights Watch. Dans un blog du Financial Times du 15 décembre, il a écrit que le paragraphe supprimé avait déjà été approuvé par les négociateurs des FARC qui n’avaient pas cherché de telles concessions pour leurs propres commandants.
La suppression entrave les enquêtes en cours des procureurs colombiens sur plus d’une douzaine de généraux de l’armée dans le scandale des « fausses vraies exécutions » ; les militaires y sont accusés d’avoir multiplié le nombre des tués entre 2002 et 2008 en assassinant des civils et en affirmant qu’ils étaient des guérilleros.
Le rapporteur spécial des Nations unies, Philip Alston, qui a enquêté sur les exécutions extrajudiciaires en Colombie en 2009, a décrit l’opération : « La victime est attirée sous un faux prétexte par un « recruteur » dans un endroit éloigné. La scène est alors manipulée pour faire apparaître que l’individu a été légitimement tué au combat. La victime est généralement photographiée avec un uniforme de guérilla et tenant un fusil ou une grenade. Certains portaient des “bottes de jungle » toutes propres, quatre tailles trop grandes pour eux.”
Les tueurs ont été récompensés par des primes allant jusqu’à 1 000 dollars par corps, des vacances supplémentaires et des voyages à l’étranger, selon un rapport Human Rights Watch de 2015 qui qualifiait les «fausses vraies» exécutions de civils par des brigades militaires, sous la pression de leurs supérieurs, de pires épisodes d’atrocités de masse dans l’hémisphère occidental ces dernières décennies ».
Human Rights Watch a récemment obtenu les témoignages sous serment de six généraux dans le cadre des enquêtes menées en Colombie et a rapporté le 20 décembre que les six ont impliqué le général de retraite Mario Montoya Uribe dans quelque 44 cas d’homicides faussement positifs.
Montoya était l’ancien chef de l’armée colombienne, fortement financé et formé par les États-Unis. Les exécutions extrajudiciaires ont culminé pendant son mandat de trois ans. Non seulement il a été diplômé de l’École des Amériques de l’armée américaine en 1983, mais il a été instructeur à l’école en 1993 lorsqu’il a été appelé au Congrès pour former des officiers latino-américains impliqués dans la torture, les assassinats et le renversement des gouvernements démocratiques.
Montoya fait partie d’un groupe d’au moins 14 généraux en cours d’enquête sur les meurtres de faux positifs, avec l’actuel chef de l’armée, le général Juan Pablo Rodríguez Barragán, et un autre ancien chef de l’armée, le général Jaime Lasprilla Villamizar.
Lasprilla Villamizar fait l’objet d’une enquête pour 48 assassinats faussement positifs et a été instructeur de 2002 à 2003 au successeur de la SOA, l’Institut de coopération en matière de sécurité de l’hémisphère occidental (WHINSEC).
Rodríguez Barragán, le haut fonctionnaire militaire de la Colombie, fait l’objet d’une enquête pour 28 tueries faussement positives et est diplômé en 2001 du cours d’un an de l’officier d’état-major et de commandement de WHINSEC.
Selon Human Rights Watch, il semble que Montoya et les autres généraux faisant l’objet d’une enquête puissent se soustraire aux poursuites prévues par l’accord de paix. Le paragraphe supprimé par Santos fait disparaître la définition de la responsabilité de commandement intégrée dans le droit international qui stipule que les commandants dont les troupes commettent des crimes peuvent être tenus pénalement responsables même s’ils n’étaient pas directement impliqués, mais savaient ou auraient dû le savoir et n’étaient pas intervenus.
Santos, qui a récemment reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts pour mettre fin à la guerre, a apparemment supprimé le paragraphe clé à la demande des commandants de l’armée pour sauver son accord de paix et mettre fin à la plus longue guerre civile dans l’histoire latino-américaine. La guerre civile a fait plus de 250 000 morts et déplacé près de 7 millions de personnes.
L’adversaire le plus féroce de l’accord était Álvaro Uribe, l’ancien président du pays dont le gouvernement a lancé une campagne contre les FARC. Il a déclaré que l’accord était trop doux pour le FARC et récompensait ceux qui étaient impliqués dans le trafic de drogue et les enlèvements. Sa campagne de droite, fondée sur la peur, a également décrit l’accord de paix comme une menace pour les valeurs familiales, car elle reconnaissait les droits des gais et des lesbiennes.
C’est durant la présidence d’Uribe, de 2002 à 2010, que les militaires ont mené une campagne de six ans pour tuer des civils afin de renforcer les dénombrements de cadavres.
Amnesty International a salué les efforts déployés pour mettre fin à la guerre de 52 ans, qualifiant cela d’”une réussite qui ne peut et ne doit pas être sous-estimée”. Mais elle a également critiqué le fait que « les sanctions ne reflèteront pas la gravité de certains des crimes commis et que la définition de la responsabilité du commandement pourrait permettre aux supérieurs des forces de sécurité et des FARC de se soustraire à la responsabilité des actions de leurs subordonnés. “
Lors de la signature des accords le 24 novembre, Santos a déclaré avec optimisme que dans 150 jours “toutes les armes des FARC seront entre les mains de l’ONU”.
Le plan appelle les FARC à se désarmer et à se démobiliser dans une vingtaine de régions, mais le gouvernement n’a pas encore mis en place de nombreux camps de démobilisation et la date limite de démobilisation a été prolongée.
Les groupes de défense des droits de l’homme craignent que les retards mettent en danger la vie des membres des FARC, ainsi que d’autres, car les groupes armés tentent maintenant de prendre le contrôle des terres autrefois dominées par la guérilla. Depuis le cessez-le-feu, des responsables locaux de groupes de défense des droits de l’homme et des campesinos ont été assassinés.
Les craintes ne sont pas injustifiées. Au cours des négociations de paix à la fin des années 1980, des milices de droite, des seigneurs de la drogue et des membres des forces armées ont assassiné des milliers de membres de l’Union patriotique, un parti politique cofondé par les FARC.
Source : https://www.ncronline.org/news/justice/colombian-president-santos-alters-peace-pact-army-request
Traduction par Lucienne Gouguenheim
Note :
[1] https://www.hrw.org/report/2015/06/24/their-watch/evidence-senior-army-officers-responsibility-false-positive-killings