Gaza : piqûre de rappel…
Par Ziad Medoukh (Directeur du Département de langue française à l’Université Al-Aqsa de Gaza)
Depuis plus de dix ans, et à la fin de chaque année, les habitants de la bande de Gaza font le bilan du blocus israélien, de la poursuite des attaques sur leur prison à ciel ouvert, et de l’isolement de cette région oubliée.
Depuis le retrait israélien de la bande de Gaza et l’évacuation des colonies israéliennes en 2005, et depuis le début du blocus israélien imposé contre cette région isolée en 2006, la bande de Gaza vit une situation désastreuse à tous les niveaux, une situation qui rend la vie de deux millions d’habitants de plus en plus intolérable.
En dix ans, la population civile a subi trois offensives militaires israéliennes majeures qui ont fait des milliers de morts et des milliers de blessés, sans oublier la destruction massive de toute une région.
Dix années se sont écoulées, et les Palestiniens de Gaza vivent toujours en état de guerre ; la souffrance, c’est tous les jours, les massacres et les crimes commis par l’armée d’occupation, contre les gens, contre les maisons et les écoles, contre les usines et les routes…
En 2016 Gaza a continué d’endurer cette routine macabre, abandonnée par une communauté internationale complice.
L’année 2016, pour les habitants de la bande de Gaza, a été marquée par…
Le maintien du blocus israélien imposé de façon illégale par les forces de l’occupation depuis plus de dix ans, et la fermeture permanente des passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur.
Concernant les passages commerciaux : actuellement, par jour, 270 à 320 camions entrent à Gaza via le seul passage commercial ouvert cinq jours par semaine, ce passage se situe au sud de la bande de Gaza, mais la moitié de ces camions sont ceux des organisations internationales et desservent leurs projets de reconstruction d’écoles et de stations d’eau. Parmi ces camions, 5 ou 6 seulement contiennent des matériaux de construction, notamment le ciment. Ce passage se ferme sous n’importe quel prétexte, par décision israélienne, sans prendre en considération les besoins énormes de la population civile.
Gaza n’a droit qu’à 120 produits au lieu de 950 avant le blocus, quelques produits et médicaments n’entrent pas, ce qui a aggravé la situation sanitaire. Selon les estimations des organisations internationales, la bande de Gaza a besoin de plus de 1.300 camions par jour pour répondre aux besoins énormes d’une population en augmentation permanente.
Cette fermeture a empêché la libre circulation des importations et des exportations des biens et produits de Gaza, en particulier les matières premières et les produits semi-finis ; d’où un effacement progressif du potentiel industriel de la région.
Le gouvernement israélien refuse l’ouverture des passages d’une façon régulière et maintient son blocus sur Gaza. Les organisations internationales n’arrivent pas à faire pression sur ce gouvernement, et les Palestiniens de Gaza demeurent dans cette attente éternelle.
Les projets de reconstruction public ou privé sont au point mort. Imaginez ! Aucune maison n’a été reconstruite, un an et demi après la fin de la dernière attaque massive contre Gaza, durant l’été 2014. Le Comité national de la reconstruction de Gaza a déclaré que seulement des réparations aux maisons partiellement détruites par les bombardements israéliens ont pu être réalisées.
Seulement 45% des fonds promis lors de la conférence sur la reconstruction de la bande de Gaza, les 11 et 12 octobre 2014, au Caire (5,6 milliards dollars avaient été promis) ont été versés, soit directement à l’Autorité palestinienne, qui se heurte à d’énormes difficultés pour mener des projets de reconstruction dans la bande de Gaza – et qui réellement n’y exerce aucun pouvoir, à cause des mesures israéliennes d’une part et des divergences politiques entre les différents partis palestiniens d’autre part —, soit aux organisations internationales, dont la priorité est de distribuer des aides alimentaires aux sans-abri et non de commencer la reconstruction des habitations détruites.
Le plan Siry – du nom du responsable des Nations-Unies —, qui prévoit l’entrée quotidienne d’un nombre limité de camions de ciment à Gaza sous contrôle israélien, a donné une légitimité internationale au blocus et a permis à Israël d’engranger des profits supplémentaires ; c’est un gain politique pour Israël, alors que, en revanche, le plan, en pratique, n’est pas appliqué, grevé par les autorités israéliennes qui, sous n’importe quel prétexte, se désengagent de leur engagement,
Gaza est passé, suite à cette situation surréaliste, d’une économie de subsistance devenue familiale depuis longtemps déjà, à une économie désormais dépendante d’Israël et des organisations internationales.
La poursuite des incursions, bombardements, malgré une trêve respectée par les factions armées de Gaza, jamais par l’armée d’occupation israélienne…
On compte plus de 200 violations israéliennes en 2016 !
50 bombardements, 60 incursions dans différentes zones frontalières au sud et au nord de la bande de Gaza, 90 attaques contre les pêcheurs et leurs bateaux de pêche ; cette année, 32 Palestiniens ont trouvé la mort à Gaza suite à ces attaques et bombardements.
Le maintien de la division inter-palestinienne : malgré la création d’un gouvernement d’union nationale dans les territoires palestiniens, l’hostilité reste vive entre le Hamas et la Fatah, facteur aggravant de la souffrance des Gazaouis. Actuellement, il y a donc deux gouvernements palestiniens, un à Gaza et un en Cisjordanie ; leurs divergences et leurs décisions contradictoires nuisent au quotidien des habitants de Gaza.
Ainsi, l’Autorité palestinienne (basée en Cisjordanie) verse leur salaire aux 70.000 fonctionnaires de Gaza via les banques ; mais elle ne contrôle pas les administrations de cette région dominée jusqu’à maintenant par le Hamas.
La dégradation de la situation économique : le taux de chômage dépasse les 65% de la population civile ; mais le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 30 ans, qui a atteint 80% en 2016 ; plus de 50.000 personnes se sont ainsi ajoutées au nombre des sans-emploi.
La pauvreté : 70% de la population de Gaza vit en dessous de seuil de pauvreté.
L’augmentation du nombre de personnes qui dépendent des organisations humanitaires : 75% des Gazaouis vivent de l’aide alimentaire. Selon les sources du bureau des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dans la bande de Gaza, plus de 990.000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le bureau en 2016 ; ce programme a élargi ses services pour assister les citoyens et non plus seulement les réfugiés.
Pour beaucoup d’économistes, l’année 2016 est considérée comme la plus catastrophique pour l’économie palestinienne depuis 20 ans.
Le soulèvement populaire en Cisjordanie commencé en octobre 2015 : il a détourné les yeux de la problématique de Gaza, qui intéresse moins l’Autorité palestinienne et le monde. Préoccupées par ce soulèvement populaire, qui entre dans sa deuxième année, les autres institutions palestiniennes oublient les Gazaouis.
La fermeture des passages qui relient la bande Gaza à l’extérieur, notamment le passage de Rafah, au sud de la bande de Gaza, et le passage d’Iretz, au nord de la bande de Gaza, a entravé plus encore le déplacement des Palestiniens de Gaza. Le passage de Rafah, contrôlé par la dictature égyptienne, n’a été ouvert que 90 jours en 2016, tandis que le passage d’Iretz, contrôlé par l’armée israélienne n’est autorisé qu’à 7% de la population gazaouite, principalement les malades, quelques hommes d’affaires et des cas humanitaires.
Aucune solution n’a été proposée, aucun plan de sortie de crise n’existe pour la bande de Gaza : que ce soit les deux gouvernements palestiniens, les organisations internationales ou les pays voisins ou l’ONU, il semble que la crise peut durer à tout jamais. Les problèmes d’eau, d’électricité, d’infrastructure, de chômage, de pauvreté, de précarité et de reconstruction… pour toujours.
La seule centrale électrique, qui avait été bombardée lors de la dernière agression, fonctionne désormais à 30% de sa capacité ; depuis lors, chaque foyer à Gaza reçoit 8 heures de courant électrique par jour, rien n’a changé…
Concernant l’eau : les dommages causés aux canalisations d’eau et d’assainissement ont été immenses. En décembre 2016, plus de la moitié des Gazaouis n’a plus aucun accès à l’eau.
La situation et les événements dans la région et dans des pays arabes, en particulier en Syrie et au Yémen : ils monopolisent l’attention des dirigeants arabes et internationaux ; la cause palestinienne est passée au deuxième plan. Or, les crises se multiplient et s’intensifient, dans une région arabe de plus en plus instable ; 2017 ne ramènera pas Gaza sur le devant de l’actualité.
L’aspect le plus grave de ce marasme inextricable, c’est l’absence de perspectives pour tous ces gens qui constatent que les choses n’avancent pas, ne bougent pas, qui survivent dans l’injustice, l’incompréhension, l’amertume, la rancœur : c’est un traumatisme social de plu en plus sensible, un sentiment horrible, qui va influencer l’avenir de la génération née dans ce chaos et qui commence à perdre espoir en un avenir immédiat meilleur et à chercher d’autres voies à suivre…
Source : http://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/palestinian-territories/palestine-gaza-piqure-de-rappel/
Bien qu’étant alertée par la situation en Palestine, ( je suis militante à Palestine 18), je reste sans voix devant certains chiffres concernant la vie à Gaza:
– le chômage chez les jeunes de moins de 30 ans : 80 %
– le seuil de pauvreté : plus de 70 % des habitants de Gaza vivent au-dessous
– la moitié n’ont pas d’accès à l’eau
C’est désespérant…
Annie Grazon