Les laïcs d’Osorno (Chili) ne lâchent pas
Par Guy et Régine Ringwald
Déterminés à ne pas accepter Juan Barros comme leur évêque, ils poursuivent leur résistance inlassablement et sans changer de cap.
Au moment où les évêques du Chili sont en visite « ad limina » à Rome, ils rappellent leur incessante demande d’une rencontre avec Barros.
Rappelons que celui-ci a été pendant plus de vingt ans un proche collaborateur de Karadima, grand prédateur pédophile. Barros est accusé par les victimes d’avoir couvert ses abus et refuse de s’en expliquer.
L’ÉVÊQUE D’OSORNO NE VEUT PAS DIALOGUER
Osorno, 6 février 2016 « Reflexion y Liberacion »
Le mot dialogue provient du latin « dialogus » qui signifie discours rationnel ou technique du discours. En philosophie, Platon, a, sans doute, été le premier à utiliser cette méthode, la dialectique ou l’art du dialogue.
Le dialogue est une conversation entre deux ou plusieurs personnes qui manifestent, alternativement, leurs idées ou affects. Dans ce sens, c’est aussi une discussion ou une recherche d’accord. Le dialogue est l’art de confronter, entre deux ou plusieurs personnes, les contradictions manifestées dans leurs idées et leurs sentiments, tout en respectant la diversité de leurs critères, pour accorder les ressemblances et les différences entre leurs idées ou états d’âme, avec la ferme intention de comprendre et d’ajuster les différences pour parvenir à une communication entre les parties.
C’est précisément ce que nous avons fait ces temps derniers avec intensité en tant que laïcat organisé, à Osorno. Mais, comme on le sait, le nécessaire échange d’idées pour rechercher une sortie juste et pacifique de cette grave impasse générée dans l’Église par la nomination de don Juan Barros Madrid dans notre diocèse n’a pas eu lieu.
Cette longue opposition que nous avons maintenue depuis l’annonce de la nomination (imposée) de don Juan Barros est connue à Rome. De plus, la presse spécialisée accréditée auprès du Saint-Siège ne comprend pas non plus pourquoi l’évêque en question refuse systématiquement le dialogue par lequel il pourrait répondre aux accusations de complicité avec les actes graves et répétés de pédophilie et d’éphébie commis par Fernando Karadima, condamné par le Saint-Siège en 2011 pour ce grave délit à caractère criminel.
Nous ignorons si « l’affaire Barros » sera évoquée lors de la visite « ad limina » des évêques chiliens qui se trouvent déjà à Rome. Mais ce que nous savons c’est qu’il y a une attente dans ce sens du fait que l’évêque en question se trouvera une nouvelle fois au siège de Pierre. Il conviendrait que l’évêque ait enfin le courage d’échanger avec la presse locale et expose son point de vue concernant ce problème. Il serait bon que dans cette démarche de communication et d’éclaircissement, il soit accompagné par le Cardinal F.J. Errazuriz ; ce serait juste, car ce cardinal a été un des artisans de cette lamentable nomination qui fut imposée. Nombreux sont, au Chili, ceux qui pensent que tant le cardinal Errazuriz que le nonce Scapolo doivent encore une explication aux catholiques chiliens concernant cette nomination épiscopale qui a tant d’effets négatifs pour les croyants et les personnes de bonne volonté.
De la même manière, il est tout à fait légitime et pertinent que les Laïcs d’Osorno n’acceptent pas un tel « statu quo », imposé par le nonce Ivo Scapolo, et puissent s’exprimer également sur le fond pour justifier le maintien de leurs diverses manifestations d’opposition. Toutes ces expressions publiques n’ont pas eu d’autre but que de permettre aux laïcs d’exprimer leur point de vue, à l’exception de toute démarche audacieuse ou peu crédible, pour démontrer que don Juan Barros ne réunit pas les qualités requises essentielles pour exercer sa responsabilité pastorale dans ce diocèse qui a toujours suivi un chemin exemplaire, depuis les temps où notre frère évêque, don Francisco Valdés, exerçait sa praxis missionnaire.
Maintenant, avec nos évêques qui sont actuellement à Rome, nous devons réfléchir sérieusement au sens qu’aura cette visite pour le diocèse d’Osorno. Tant pour ce que dira l’évêque au Dicastère du Vatican quand on lui demandera « Comment se porte votre diocèse ? » que lors du dialogue qu’il aura avec le pape François. Nous savons tous que le Souverain Pontifie a demandé à plusieurs reprises aux épiscopats qu’ils soient unis à leurs fidèles, qu’il les écoutent et maintiennent toujours un dialogue sincère et permanent avec tous, et spécialement avec les secteurs de laïcs qui travaillent et portent l’Évangile dans les périphéries existentielles.
A Osorno, nous savons que l’évêque Barros n’a ni la crédibilité ni les justifications suffisantes pour persister dans sa haute charge. Il y a beaucoup d’autres aspects essentiels, et de l’ordre de la justice, à prendre en compte. Mais tout dialogue ne peut faire abstraction de ce qui s’est passé à la paroisse du Sacré-Cœur d’El Bosque, dirigée de manière perverse pendant des décennies par Karadima. Il ne serait même pas prudent de s’obstiner sur les positions qui ont jusqu’à présent été adoptées (par la hiérarchie) comme condition pour sortir de la grave crise que vit le diocèse [1]. Dans ce cas, au nom de la crédibilité de l’Église, nous ne pourrions plus parler de dialogue, mais de monologue. Nous savons qu’il n’y a pas plus sourd que celui que ne veut pas entendre.
Pour conclure, je peux ajouter que j’avais pensé envoyer la citation qui suit aux évêques Chiliens qui participeront à la visite « ad limina » à Rome, ce qui n’a pas pu être fait. Aussi maintenant je l’adresse à vous tous pour aider au discernement sur la situation complexe de l’Eglise et du peuple de Dieu de cette chère ville d’Osorno qui ne mérite pas ces vicissitudes ecclésiales et pastorales, douloureuses et contradictoires.
Question adressée à Monseigneur Rouet, Archevêque de Poitiers, et auteur du livre « J’aimerais vous dire » (Bayard).
« L’Église catholique a été secouée ces derniers mois par la révélation de scandales de pédophilie. Est-ce une surprise ? »
« Je voudrais d’abord préciser une chose : pour qu’il y ait pédophilie, il faut deux conditions : une perversion profonde et un pouvoir. Cela signifie que tout système clos, idéalisé, sacralisé est un danger. Dès lors qu’une institution, y compris l’Église, s’érige en position de droit privé, s’estime en position de force, les dérives financières et sexuelles deviennent possibles »
Danilo Andrade Barrientos (Laïc de spiritualité ignacienne)
Note :
[1] La condition requise par l’évêque Barros pour qu’un dialogue puisse s’établir serait que les laïcs s’engagent à arrêter toute manifestation a son encontre.
Source : http://www.reflexionyliberacion.cl/ryl/2017/02/06/el-obispo-de-osorno-no-quiere-dialogo/