À qui, à quoi croyons-nous encore ?
14 janvier 2017, une rencontre inédite à Marseille
En septembre 2016, deux amis, rapidement rejoints par un troisième, imaginent inviter quelques amis « qui sont aussi l’Église » : ils envoient un « mel » à une quarantaine d’entre eux…
Invitation initiale
Rencontre à Marseille de sympathisants de « Nous Sommes aussi l’Eglise » et de « Parvis ».
En 2016, vous avez donné votre accord pour recevoir chaque lundi, la « Newsletter NSAE », vous avez participé à la rencontre des « Dialogues de Saint-Fé » à Marseille autour du livre « L’Évangile sur le Parvis » [1], et exprimé votre désir de garder contact avec nous. Pour l’une ou l’autre de ces deux raisons, nous avons la joie de proposer à la quarantaine d’amis dont vous êtes de nous retrouver un jour prochain dans une ambiance fraternelle, pour partager notre foi en Jésus de Galilée et aussi ce qui, en nous, fait encore (ou ne fait plus) sens dans nos croyances chrétiennes.
Ces moments de partage, empreints de confiance et d’écoute, seront dépourvus de toute intention de convaincre. Notre seul désir sera de se parler de Jésus en nos vies et des aspirations qui, peut-être, vivent en nous ou autour de nous, dans l’Eglise d’aujourd’hui.
« Les chrétiens ont-ils changé de religion ? »
Nous faisons nôtre le thème de réflexion proposé pour la Conférence-Débat les 22 et 23 avril 2017 par l’Abbaye de Saint-Jacut-de-la Mer (Côtes-d’Armor) :
« En seulement quelques décennies, l’évidence de Dieu, jusque là majoritaire, a fait place à l’indifférence, voire au doute. Dieu ne fait plus sens et, avec lui, la foi chrétienne est devenue, pour beaucoup, au mieux une fiction, au pire un message qu’on ne veut plus entendre. Mais justement, cette « crise de foi « ne serait-elle pas une chance pour découvrir que la foi n’est peut-être pas ce que l’on croit ? Et de vérifier à nouveaux frais la crédibilité de Dieu ? [2]
Nous envisageons notre rencontre à Marseille pendant une des journées suivantes : samedi 14 ou 28 Janvier, dimanche 15 ou 29 Janvier, de 11h à 18h.
La date sera fixée après que vous nous aurez fait connaître vos préférences.
Nous n’avons pas l’intention de faire de cette rencontre une enquête au profit d’une quelconque étude, mais un temps exceptionnel de partage entre frères et sœurs sur la vie intérieure qui nous anime. Nous lirons avec attention tout apport d’idées que vous pourriez proposer et attendons vos réponses à cette proposition – que le Conseil d’Administration de NSAE, « Nous Sommes Aussi l’Église » considère avec sympathie – et vous en remercions vivement par avance. Très amicalement,
Michel Dallaporta, membre du Bureau NSAE et Jacques Bonnadier, sympathisant
[1] http://nsae.fr/2016/01/08/presentation-de-levangile-sur-les-parvis-a-marseille/ [2] « Trois voix théologiques pour une voie nouvelle » : avec Maurice Bellet, prêtre ; Dominique Collin, dominicain ; Myriam Tonus, laïque dominicaine.
Thème des échanges
À qui, à quoi croyons-nous encore ?
À qui, à quoi ne pouvons-nous décidément plus croire ?
À quel Dieu ? À quelles « vérités » enseignées par l’Église dans laquelle nous sommes nés, nous avons été baptisés ? À quels dogmes pouvons-nous ou non encore souscrire ? À quel enseignement moral voulons-nous ou non encore nous soumettre ? En bref, où en sommes-nous de la foi que nous avons reçue, de nos croyances, de notre religion ? À quoi adhérons-nous encore et que rejetons-nous résolument ? Et pourquoi ?
Le monde a changé, les mœurs ont changé, les modes de penser, de s’informer, de communiquer ont changé. Tout a changé. Et nous avons changé, nous aussi. Au cours de notre vie, nous avons rencontré des maîtres qui nous ont guidés, lu des livres qui nous ont enrichis, vécu des événements (dans nos familles, dans notre société) qui nous ont transformés – en tout cas, qui nous ont fait évoluer dans nos pensées, dans nos manières d’envisager nos relations avec nos frères humains, avec la politique, avec la religion, avec les pouvoirs, avec Dieu, avec l’Église… Et qui donc aujourd’hui suscitent en beaucoup de chrétiens une « crise de foi », un trouble souvent profond dont ils ne parlent pas, car ils n’ont aucun lieu pour en parler : ni la famille, ni les amis, encore moins leur paroisse ou leur mouvement ou association – fussent-ils d’Église. Pire encore, il est inconvenant, voire interdit d’y faire allusion. Aux théologiens patentés, aux évêques, aux curés, aux aumôniers, l’exclusivité du discours sur Dieu ; et au pape évidemment, parlant « ex cathedra » ou en avion… Aux fidèles, au « peuple de Dieu qui se traine à travers l’immense désert », celui d’acquiescer benoitement et de se plier à la doctrine de « l’Église de toujours ».
Eh bien ! nous, nous avons décidé d’en parler ! Il nous reste peu d’années à vivre ; il est temps, nous semble-t-il, de nous réunir en un petit groupe informel d’amis pour échanger sur les fondements de notre vie spirituelle, sur ce qui fait encore sens vraiment et sur ce qui ne fait plus sens du tout dans nos croyances et nos pratiques religieuses.
Certains d’entre nous font partie des 9 % de catholiques français qui vont à la messe (les « tala », comme on dit). Pour diverses raisons, à l’occasion de certains événements, d’autres ont pris quelque distance discrètement, se sont repliés provisoirement sur le parvis. D’autres encore sont partis « sur la pointe des pieds » ou ont carrément claqué la porte et se disent aujourd’hui « chrétien sans feu ni lieu » parce que, dans la plupart des cas, Jésus leur reste quoiqu’il arrive, envers et contre tout, chevillé au cœur. Et je n’oublie pas ceux qui s’affirment désormais agnostiques.
Alors, on va se parler, échanger entre nous, en toute simplicité, en toute humilité, en toute fraternité… Vous êtes d’accord ?
Jacques Bonnadier, Michel Dallaporta
Courriel d’organisation de la rencontre
Début décembre : Nous sommes heureux de vous annoncer que notre groupe est constitué et déjà de fort belle dimension. Quelques réponses sont encore en suspens, ce qui pourrait porter notre groupe à plus de vingt-deux. La date de la rencontre sera samedi 14 janvier.
La phase d’organisation est ensuite engagée de façon à favoriser l’échange et le partage : découverte de la diversité, bienveillance pour nos différences, accueil de notre fraternité – c’est le « mot d’ordre ».
La journée du 14 se déroulera en 4 temps.
1er temps, 10 h – 12 h 30. Réunion plénière. Chacun prendra la parole entre 2’ et 8’ pour dire en qui et en quoi il croit ou ne croit plus. Pas de débat.
2e temps. Déjeuner, préparé par quelques-un(e)s d’entre nous, en 3 tables de 7 à 8 personnes. Le partage se poursuit. On peut visiter une bibliothèque éphémère constituée de livres et de revues apportées par les participants.
3e temps. 14 h 30-17 h. Réunion en trois groupes dans trois espaces séparés. C’est le temps de l’échange sur les questions évoquées le matin : 7 ou 8 personnes par groupe réunies par tirage au sort ; animation par trois modératrices.
4e temps. 17 h 18 h 30. Espace libre pour tout commentaire, déclaration d’affection, de déception, d’espoir de retrouvailles. Lecture de poèmes et autres textes.
La rencontre se déroula comme prévu le 14 janvier dans une atmosphère sereine, fraternelle. À noter qu’en plus des 22 participants, 4 personnes candidates ont été retenues par une grippe, une activité imposée ou un déplacement.
Compte rendu envoyé aux participants
« Nous avons vécu, samedi 14 janvier, une journée exceptionnelle de rencontre et de partage, dans un climat de simplicité, de franchise et de fraternité.
« En qui et à quoi croyons-nous ou ne croyons-nous pas (ou plus) ? », tel était le thème sur lequel les vingt-trois personnes présentes se sont d’abord exprimées l’une après l’autre, durant près de trois heures dans la matinée, puis ont échangé en trois groupes distincts au cours de l’après-midi.
Notre assemblée était composée de femmes et d’hommes issus de familles bourgeoises aisées ou « ne roulant pas sur l’or », la plupart grands-parents, souvent engagés dans divers mouvements, communautés, associations, notamment d’aide aux plus pauvres et aux exclus.
Des témoignages entendus, tous émouvants à divers titres, se sont dégagés les points suivants :
- La figure centrale de Jésus. Fils de Dieu, Dieu fait homme, à l’enseignement de qui tous adhèrent pleinement même si tel ou tel s’interroge sur le mystère de son identité. « Le Christ est en chacun de nous ! “
- La foi s’inscrit généralement dans une continuité familiale. Celle-ci a rarement été bousculée mais elle a subi des modifications. Pour un qui croit au « Credo » qu’il récite le dimanche à la messe, beaucoup ont « fait le ménage » par rapport aux « diktats » et aux dogmes de l’Église. « Je ne crois pas à Dieu-le-Père-tout-puissant »… « La résurrection de la chair, je m’en fous » !… « La Sainte Trinité est une usine à gaz ! »… « Les dogmes ne m’intéressent pas, ils n’ont pas de sens »… « Ma foi en Dieu : quelque chose en moi, viscéralement »… « Je n’ai pas la foi, la foi m’a ! »…
- La messe demeure un rendez-vous auquel très peu ont complètement renoncé, même si certains en récusent les rites, le langage. : « Je ne vois pas pourquoi je ne serais « pas digne »!... Le repas pascal de l’Eucharistie conserve toute sa place au cœur de la célébration. Ceux qui se rendent parfois à l’office dominical « avec des semelles de plomb », continuent d’y aller « pour entendre encore la parole du Christ ».
- Marie est vénérée comme mère de Jésus. On la prie, on l’appelle « dans les situations tendues ». La plupart refusent les dogmes qui lui sont attachés. « La Vierge n’était pas vierge et Jésus n’était pas fils unique »…
- La foi n’a de sens que dans l’altérité. C’est l’autre point fort de la rencontre – « Je crois plus aux Béatitudes qu’aux Dix commandements ! »… Si le mot « amour » ne figure pas dans le Credo des chrétiens, c’est au service de l’autre que se sentent appelés ceux qui se réclament du Dieu d’amour. Nombre d’exemples en sont donnés par les participants.
- La révolte s’exprime sans fard, très directement, souvent de façon inattendue « contre le catholiquement correct » : on glisse sur une enfance qui a été « marquée par le péché et l’enfer», mais on constate aujourd’hui que « la notion de pêché m’a empoisonné la vie ». « J’ai du mal à entendre : « Jésus est mort pour nos péchés ; il est mort pour nous sauver ! »… On gémit sur la place faite aux femmes dans l’Église.
- Le pape François est néanmoins unanimement salué. « Il faut l’aider ! »… « Sa rencontre à Rome a amené un surcroît de foi en nous ! » Quant à l’Église, elle est « une vieille personne». On y adhère vaille que vaille – malgré les appareils, malgré la Curie – sans croire que « hors de l’Eglise, pas de salut »… ! « On n’est pas d’accord mais on y va quand même »… « J’ai foi en elle, si faible qu’elle me semble parfois ; je suis avec un peuple qui est mien… Je contribue à faire vivre la boutique ; sans illusions. »
- La prière. « C’est difficile, la prière. « Je prie peu seul mais je peux prier en groupe», dit l’un. Et l’autre (hôtesse de l’air) : « je prie… pour tous ces gens, les passagers »…
- L’espérance, qui nous permet de « croire à la victoire finale du beau, du bien de la fraternité, de la vérité ». Espérance plus que certitude, pour l’une. Et pour une autre : certitude que « l’amour de Dieu est plus fort que nous». L’espérance, malgré tout : « L’espérance, c’est changer l’eau en vin ! » Et encore, mêlant espérance et engagement : « trois fleurs dans la vie : la joie qu’on attend, celle qu’on reçoit et celle qu’on donne »
- Nos enfants et petits-enfants. Certains enfants sont restés dans le giron de l’Église ; d’autres se sont éloignés. Parmi les petits-enfants, nombre ne sont pas baptisés. « Refusant l’appareil, les liturgies, je ne peux pas dire à mes petits-enfants : c’est ça, ma foi !» …Globalement, « on n’a pas pu faire partager ce trésor à nos enfants. À eux d’inventer une nouvelle façon de croire ! »
Retours
Ce compte-rendu a donné lieu à de nombreux retours des nos amies et amis. Nous les présentons sans signature de leurs auteurs.
- Il a fallu que tu aies foi en nous pour oser organiser une journée comme celle-ci. Merci pour la joie que j’ai ressentie après cet échange. Maintenant comment transformer cet « entre-soi » en plus « entre-nous » ?
- Les 22 participants avaient de grande qualité, et oser nous mettre ensemble pour un tel partage, c’était osé ! Mais l’Esprit a soufflé et chacun a joué le jeu du partage ! Merci à vous et à chacun, merci à notre Dieu qui était là invisible au milieu de nous.
- C’était passionnant d’entendre le récit de nos routes diverses, parties de points variés, s’éloignant et se rapprochant aussi dans la recherche de ce Dieu qui, par Jésus, a donné un sens à l’univers et aussi à notre vie.
- Tout ça était dit dans la confiance et la joie du partage, en fait une belle expérience qui m’a fait penser à la rencontre de Jésus au puits avec la Samaritaine… Encore merci, avec toute mon amitié. Oui cette halte sur notre chemin dans la vie éternelle a été joie, amitié, paix entre nous.
- Super compte-rendu qui m’a fait revivre la richesse de ce partage étonnant ! Merci au trio organisateur et aux participants.
- Merci à tous : Merci aux participants pour leurs paroles et pour leur écoute.
Nous étions proches du paradis !
- Merci, chers amis, d’avoir recueilli et diffusé ces beaux « fioretti » de nos échanges… et grand merci, également, à Elizabeth et Michel pour la chaleur de leur hospitalité !
- Merci à vous tous pour cette journée de réflexion très enrichissante qui m’a permis de faire le point sur ma propre foi et de découvrir que nous étions tous en chemin.
- Moment très fort de partage et de communion, et merci à tous d’y avoir participé et d’avoir su écouter et comprendre les préoccupations, voir les souffrances de l’autre dans sa recherche de la vérité. Merci Elisabeth de nous avoir ouvert ta maison ; on t’a laissé probablement pas mal de boulot pour tout remettre en état.
- Nous joignons notre merci à tous les autres. Excellent compte rendu, tout comme notre rencontre.
- Cette journée : pleine comme un œuf ! Chapeau bas J, D, M, et merci d’en avoir résumé pour tous ces extraits savoureux. Je repars au taf et là-haut, je pourrai le remachouiller, comme une petite vache qui rumine dans son pré.
- Quelle unanimité (à laquelle je m’associe!) pour dire ” MERCI”… Moi, ce qui m’a le plus touchée, c’est que TOUT le monde a osé parler, ce qui n’était pas forcément acquis.
Ce qui montre qu’un climat de bienveillance et d’écoute libère la parole : belle leçon de vie !
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Le sentiment des organisateurs
• Nous avons montré tous ensemble que l’organisation d’une telle réunion n’avait rien d’audacieux. Qu’elle tombait même sous le sens ! J’ai été émerveillé par la simplicité, l’humilité, la sincérité, avec lesquelles chacun a pris la parole, livrant à tous sa vérité intime tout naturellement, dans une confiance totale d’être entendu et compris, alors même que nul d’entre nous peut-être n’en avait dit autant à ses plus proches. J’en ai été profondément ému, comme je l’ai été par le climat vraiment fraternel qui a régné tout du long. Je crois que l’on s’est vraiment « aimés les uns les autres ». Y avait de la tendresse dans l’air ! Jacques Bonnadier
• Grâce à son esprit, cette journée de prise de parole et d’échanges a tenu toutes ses promesses. Dans un premier temps, avant la rencontre, elle a incité nombre d’entre nous à faire le point ; dans un deuxième temps, elle a permis de s’enrichir de témoignages d’autant plus forts qu’ils étaient portés par un visage, une personne, un ami. Je suis heureux d’avoir pu vivre cette journée-événement. Dominique Fine
• J’arrive en dernier ! Mais pour autant je ne prétends pas au mot de la fin pour avoir eu l’audace d’avoir eu le premier. Le dernier mot n’appartient à personne et j’ai beaucoup apprécié qu’aucun d’entre nous n’est laissé paraître avoir le moindre droit au dernier mot… Liberté, égalité, fraternité : ces trois mots sortis tout droit de l’Evangile ont plané dans notre journée et l’ont embellie. Je dirais même avoir été enchanté par des saveurs d’autogestion tant nous étions tous participant. Notre communauté de base éphémère les ont fait entrer en douce, dans un temps de l’Eglise de Jésus, par la porte de la sacristie… Très heureux d’avoir partagé avec vous cette avancée. Michel Dallaporta
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Conclusion à l’adresse des lecteurs du site de NSAE
Nous n’avons pas voulu proposer quelque suite à cette rencontre, pensant qu’il était préférable de laisser à une initiative le temps de naitre.
Nous sommes heureux d’avoir pu partager, nombreux, cette rencontre innovante entre chrétiens différents, avec les lecteurs du site NSAE et lirons les commentaires de celles et ceux qui sont intéressés tant par le sujet que nous avons abordé que par la façon dont notre groupe s’est constitué.
Pour contacts : jbonnadier@modulonet.fr ou dallaportam@yahoo.fr