Par Gilles Castelnau
Jésus dit :
Je suis le chemin, la vérité, et la vie.
Nul ne vient au Père que par moi.
Jean 14. 6
L’œcuménisme fraternel et confiant entre protestants et catholiques a véritablement commencé avec l’ouverture créée dans l’Église catholique par le concile de Vatican II (1962-65). Les cercles de réflexion, les échanges de chaire, les célébrations mixtes de mariages et de baptêmes ont dédramatisé et rendu sympathiques les relations qui étaient jusqu’alors globalement hostiles et divisaient les familles.
On a appris à dire le Notre Père d’une même voix, on a publié une Traduction Œcuménique de la Bible. C’était une période heureuse.
Et puis d’autres religions sont arrivées en France, que l’on n’avait pas l’habitude de fréquenter et des divisions interreligieuses sont apparues.
D’autant plus qu’une différence a surgi à l’intérieur de chacune de ces nouvelles pensées, entre les traditionalistes et les libéraux qui se trouvent dans chacune d’elles, comme d’ailleurs dans la société globale. D’où la question de cette réflexion : « moi qui suis protestant, suis-je plus proche, par exemple, d’un catholique intégriste ou d’un musulman libéral ? »
La même question se pose évidemment à propos d’un protestant évangélique étroit, d’un juif conservateur, d’un athée incompréhensif, d’un bouddhiste fanatique (pensons aux atrocités commises au Sri Lanka), d’un hindous partisan (des églises chrétiennes sont brûlées en Inde).
Il faut sans doute s’interroger : Qu’est-ce qui compte essentiellement, pour moi ? Quelle est ma préoccupation fondamentale, la question primordiale de ma vie ?
On peut proposer deux réponses selon qu’on est plutôt centré sur la « religion » ou sur la « spiritualité ».
La « religion »
On peut la définir comme l’ensemble de doctrines, de rites, l’organisation de la structure dans laquelle on vit. Un catholique « religieux », conservateur, intégriste jugera ainsi qu’à ses yeux l’essentiel est d’être intégré dans l’absolu de la Vérité divine révélée. Il y trouve sa sécurité morale et religieuse.
Il se focalisera ainsi sur les affirmations qu’il jugera indiscutables que Dieu est le créateur tout-puissant du ciel et de la terre, que Jésus-Christ est son Fils unique, né du Saint-Esprit, que le dogme de la Trinité affirme justement que le Père, le Fils et le Saint-Esprit constituent un Dieu unique en trois personnes, que le sang de la croix du Christ nous purifie de nos péchés et notamment du Péché originel.
Il ajoutera que le Pape est garant de la Vérité révélée et que les 7 sacrements donnés au nom du Christ nous unissent à Dieu par leur propre efficacité.
Il expliquera ainsi l’affirmation de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » :
– Le chemin, évidemment unique, est celui que l’Église décrit par ces dogmes et qui conduit vers l’au-delà de Dieu.
– La vérité, évidemment unique, est que ces dogmes décrivent de manière absolue l’organisation du monde, ici-bas et au-delà.
– La vie, éternelle, unique elle aussi, car il n’est pas sûr que ceux qui ne partagent pas ces doctrines lui soient aussi destinés, est effectivement signifiée et transmise par les seuls sacrements de l’Église.
La « spiritualité »
C’est considérer que l’essentiel est de développer la conscience d’être profondément enraciné dans Terreau divin comme une plante qui laisse monter en elle la sève de la vie. La spiritualité nous fait ainsi puiser en nous le dynamisme créateur divin qui anime tout ce qui respire et habite l’univers.
On n’y cherche pas la sécurité morale ou intellectuelle, mais le courage, l’élan permettant d’affronter les épreuves et les forces destructrices.
– Le chemin de Jésus n’est pas balisé par des doctrines et des rites, mais il est un mouvement infusé par Dieu, dirigé par sa créativité et la conviction de la « grâce », bienveillance donnée à tous sans discrimination.
– La vérité est celle de la seule ouverture à Dieu par la foi et non celle des pharisiens qui qualifiaient Jésus de pécheur dans la mesure où il n’obéissait pas aux règles de la religion qu’étaient le respect du sabbat, les rites de pureté, et le pardon réduit au seul Yom Kippour et suivant l’expression d’une repentance.
– La vie que révèle Jésus est celle de l’énergie intérieure qui fait « se lever et marcher », guérir spirituellement, vivre et penser dans l’esprit d’une résurrection intérieure.
Un musulman libéral mettra l’accent sur sa spiritualité. Il mettra sa confiance en Dieu « miséricordieux et compatissant ».
Il citera la sourate 2, 177 :
La piété ne consiste pas à tourner votre face vers la Mecque ou vers l’occident. L’homme bon est Celui qui, pour l’amour de Dieu, donne de son bien à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, au voyageur, aux mendiants. Celui qui s’acquitte de la prière, celui qui fait l’aumône, ceux qui sont patients dans l’adversité, le malheur et le danger : Voilà ceux qui sont justes ! Voilà ceux qui craignent Dieu.
Protestant et musulman libéraux, nous ne récuserons pas systématiquement les doctrines différentes de nos « religions » respectives, nous ne polémiquerons pas sur nos idées et nos pratiques mutuelles. Nous établirons un dialogue heureux et souriant sur la vie profonde que nous sentons en nous et que nous vivons dans la prière, la fidélité, l’amour du prochain, la paix intérieure, l’universalité de Dieu.
Nous partagerons ensemble les graves problèmes que sont la guerre, la violence, la pauvreté, la protection de la nature, les injustices et les violations des droits de l’homme.
En nous rencontrant ainsi nous approfondirons chacun notre spiritualité et sans le vouloir particulièrement propre tradition religieuse.
Nous nous garderons de l’attitude exclusiviste où l’on dit : mon chemin est le seul qui conduit au sommet d’où l’on contemple le vaste univers.
Nous nous méfierons de l’inclusivisme récupérateur selon lequel les autres chemins conduisent tous au même sommet que le mien.
Nous pratiquerons le pluralisme qui voit divers chemins menant à différents sommets d’où l’on voit le même univers. (On se demandera évidemment s’il s’agit bien du même univers)
Source : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-interreligieux/i210.htm
Pierre et Anne Marie BOUCHARD
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Le 13 mars 2017
Mon cher Gilles,
Tu ne te rappelles probablement plus de moi, peut-être d’Anne-Marie.
En tout cas, tu as eu une influence énorme sur notre vie.
Tout a commencé par notre fréquentation d’un de tes groupes d’études bibliques. Nous vivions à l’époque à Saint-Quentin-en-Yvelines.
Ensuite, quand tu étais à Montrouge, je t’ai rencontré de nouveau et c’est toi qui m’as dis que je devais retourner vers l’église catholique, alors que j’étais plutôt tenté, à l’époque, par le protestantisme, religion de la famille de mon père.
Mon retour à l’église catholique m’a amené à découvrir ma vocation pour le diaconat permanent et j’ai été ordonné le 13 octobre 1990.
L’appel à la vocation ne vient donc pas de toi, mais c’est grâce à toi que j’ai pu discerner cet appel.
Bien des choses se sont passées depuis, nous sommes partis dans le midi, j’ai été « curé » de la paroisse de Pierrefeu du Var (l’évêque du Var m’avait confié la responsabilité pastorale de cette paroisse).
Avant mon ordination, dans le prolongement de nos rencontres sur la Bible, j’ai passé quelques années d’études à l’institut catholique de Paris pour des études de théologie, de langue et d’exégèse. J’ai eu pour professeur un pasteur protestant que tu as peut-être connu, Maurice Carrez.
À la suite d’une discussion avec lui, j’ai entamé un travail portant sur une « théologie du service dans l’Évangile de Matthieu » en ne travaillant que sur le texte grec de l’Évangile et en référence avec quelques textes en hébreu.
Comme tu vois, ton influence sur ma vie n’a pas été négligeable, bien au contraire.
J’ai eu la surprise aujourd’hui de tomber, sur le site de « nous sommes aussi l’église », sur un article de toi intitulé « suis-je plus proche d’un catholique intégriste ou d’un musulman libéral ? »
Outre son contenu, cet article m’a interpellé car, dans le prolongement de certaines études que j’avais faites à la Catho sur l’islam, j’ai entamé, dans le cadre de notre ensemble paroissial de Saint Mitre les Remparts et Istres, une série de conférences pour faire découvrir, à ceux qui le veulent bien, ce qu’est l’islam. Ma prochaine conférence (au mois d’avril) portera sur la femme dans le monde musulman.
Ces rencontres me permettent de conserver un semblant d’activité car, maintenant que j’ai plus de 80 ans, je suis pas mal handicapé par une polyarthrite rhumatismale et des problèmes cardiaques (je suis sorti de l’hôpital avant-hier : rien de grave, on m’a posé un stent).
Je voulais, depuis longtemps, pouvoir te remercier de l’influence que tu as eue sur notre vie, à Anne-Marie et moi, mais je ne savais pas très bien à qui m’adresser et, pour tout dire, je n’avais pas vraiment le temps de me livrer à des recherches approfondies. Ton article est donc tombé à point nommé et me permets donc de te dire toute ma reconnaissance pour ton action au profit de ma vie spirituelle.
À cause de mes handicaps actuels, je ne me déplace pratiquement plus, je veux simplement te dire que, si par le plus grand des hasards tu viens te promener dans la région d’Aix-en-Provence et de Salon-de-Provence, je serais très heureux que tu nous fasses signe pour que nous puissions nous rencontrer.
Avec, encore une fois, tous mes remerciements, reçois mes sentiments fraternels dans le Christ.
Pierre Bouchard
Article éclairant.
J’ai aimé cette phrase :
“D’autant plus qu’une différence a surgi à l’intérieur de chacune de ces nouvelles pensées, entre les traditionalistes et les libéraux qui se trouvent dans chacune d’elles, comme d’ailleurs dans la société globale. D’où la question de cette réflexion : « moi qui suis protestant, suis-je plus proche, par exemple, d’un catholique intégriste ou d’un musulman libéral ? »
C’est bien sûr quelque chose que l’on connait, mais qu’on gagne à entendre préciser.