Le baiser dans le monde antique, Mauriac, Paul Claudel, Metallica et Le Caravage. Les amateurs de littĂ©rature vont se rĂ©galer… Temps de lecture estimĂ© : 4 minutes captivantes. Avec PRIXM, dĂ©couvrez chaque semaine comment la Bible a influencĂ© l’art depuis 2000 ans, ce que ses textes disent et ce qu’ils veulent dire. Notre contenu est inspirĂ© par le programme de recherche des dominicains de l’École Biblique et ArchĂ©ologique Française de JĂ©rusalem. Comme de nombreux groupes de Heavy Metal, Metallica inverse l’interprĂ©tation chrĂ©tienne du baiser de Judas en faisant de lui le hĂ©ros de tous les dĂ©sespĂ©rĂ©s. La subtilitĂ© de l’harmonie n’invite pas exactement au calme et au repos. Pendant les 7 dimanches qui prĂ©cèdent la fĂŞte de Pâques, nous vous proposons de suivre la Passion du Christ pas Ă pas dans l’Ă©vangile selon saint Matthieu. Aujourd’hui, nous vous prĂ©sentons l’arrestation de JĂ©sus avec le fameux baiser de Judas. Comme il parlait encore voici que Judas, l’un des douze, arriva et avec lui une foule nombreuse avec des glaives et de bâtons de la part des grands prĂŞtres et des anciens du peuple. Celui qui le livrait leur avait donnĂ© un signe, disant : — Celui Ă qui je donnerai un baiser, c’est lui, saisissez-le. Et s’approchant aussitĂ´t de JĂ©sus, il dit : — Salut, rabbi ; et il lui donna un baiser. JĂ©sus lui dit : — Ami, c’est pour cela que tu es lĂ . Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur JĂ©sus et le saisirent. Et voici qu’un de ceux qui Ă©taient avec JĂ©sus Ă©tendant la main tira son glaive et frappant l’esclave du grand prĂŞtre emporta son oreille. Alors JĂ©sus lui dit : — Remets ton glaive Ă sa place car tous ceux qui prennent le glaive pĂ©riront par le glaive. Penses-tu que je ne puisse pas supplier mon Père et il me fournira sur-le-champ plus de douze lĂ©gions d’anges ? Comment donc s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en ĂŞtre ainsi ? Ă€ cette heure-lĂ JĂ©sus dit aux foules : — Comme contre un brigand, vous ĂŞtes sortis avec des glaives et des bâtons pour me prendre ! Chaque jour dans le temple j’étais assis enseignant et vous ne m’avez pas saisi. Mais tout cela est arrivĂ© afin que fussent accomplies les Écritures des prophètes. Alors tous les disciples le laissant, s’enfuirent. Chapitre 26 de l’Ă©vangile selon saint Matthieu dans le Nouveau Testament. Traduction BEST 0.1. L’épisode a marquĂ© l’imagination occidentale au point que la locution « un baiser de Judas » s’est lexicalisĂ©e pour dĂ©signer une traĂ®trise, une fourberie cachĂ©e sous un geste amical. Dans le milieu antique de JĂ©rusalem, ce geste du baiser est : Extraordinaire : Le baiser n’appartient pas au quotidien ; la salutation par un baiser est un clair signe de l’estime de Judas pour JĂ©sus et de son lien avec lui. Symbolique : Pour les Juifs, le baiser exprime le lien familial, l’estime pour les gens de marque (par exemple des rois ou des rabbins), la rĂ©conciliation et la salutation lors d’un dĂ©part ou d’un retour. Fort : Dans le monde mĂ©diterranĂ©en, trahir après un baiser Ă©tait dĂ©jĂ une honte. Trahir par un baiser est encore plus sordide. Le Caravage, L’arrestation du Christ (huile sur toile, 1598-1602), National Gallery of Ireland, Dublin. Quelques gĂ©nies littĂ©raires ont retranscrit la portĂ©e du geste et le sens qu’il pouvait avoir en fonction du point de vue des personnages. Dans Mort de Judas, Paul Claudel Ă©crit un monologue assez dĂ©routant oĂą Judas explique son baiser : « Je me souviendrai toujours de ce moment. Quand on prend congĂ© d’une personnalitĂ© distinguĂ©e Ă laquelle on a prodiguĂ© pendant trois ans des services aussi loyaux que gratuits, l’émotion est comprĂ©hensible. C’est donc dans les sentiments de la sympathie la plus sincère, mais avec en mĂŞme temps cette satisfaction dans le cĹ“ur que procure la conscience du devoir accompli que je dĂ©posai sur Ses lèvres, Ă la manière orientale, un baiser respectueux. Je savais que je rendais Ă l’État, Ă la religion, Ă Lui-mĂŞme, un service Ă©minent, – aux dĂ©pens peut-ĂŞtre de mes intĂ©rĂŞts et de ma rĂ©putation, – en L’empĂŞchant dĂ©sormais de troubler, – avec les meilleures intentions du monde ! – les esprits faibles, de semer dans la population l’inquiĂ©tude, le mĂ©contentement de ce qui existe et le goĂ»t de ce qui n’existe pas » (BNF, 1961). Gustave DorĂ©, Le baiser de Judas (gravure, 1866), Illustration dans La Sainte Bible, Paris. François Mauriac prend le point de vue opposĂ©, celui de JĂ©sus : « cette trahison par le baiser dĂ©route Celui qui pourtant s’attendait Ă tout. Cette bouche sur sa joue ! […] Jusqu’à la fin, la crĂ©ature l’étonne. Il croyait avoir touchĂ© l’extrĂŞme fond de la bassesse humaine ; mais ce baiser… » Vie de JĂ©sus (Flammarion, 1936). C’est une autre manière de lire la Bible : la mĂ©diter en se mettant Ă la place de chacun des personnages. Il faut alors essayer d’adopter leurs diffĂ©rents points de vue, d’éprouver leurs sensations propres, de deviner leurs raisonnements. Cette lecture permet de voir que derrière chaque personnage se cache un imaginaire particulier, un univers entier qu’il faut tenter de contempler pour toujours mieux entrer dans le texte. Tous nos remerciements vont au jeune docteur François Friche, dont le patient travail de recherche a permis de constituer les fondements de cette petite pastille que nous vous proposons aujourd’hui. Rien ne lui ferait plus plaisir que de savoir cette Newsletter largement diffusĂ©e. Il suffit pour cela de la transfĂ©rer Ă vos proches ou de leur dire de s’inscrire sur  www.prixm.org. Nous grandirons grâce Ă vous, avec vous. 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