” Ils ” : ce sont les juifs, évidemment. Bach, Tissot et un membre éminent de l’Académie Française pour se pencher calmement sur la question.
Temps de lecture estimé :
4 minutes pour dissiper les malentendus.
Avec PRIXM, découvrez chaque semaine comment la Bible a influencé l’art depuis 2000 ans, ce que ses textes disent et ce qu’ils veulent dire.
Notre contenu est inspiré par le programme de recherche des dominicains de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem.
Dans la Passion selon Saint Matthieu, le procès de Jésus commence par une mise en tension musicale qui amène l’auditeur au cœur de l’action.
Passion selon Saint Matthieu, Jean Sébastien Bach, BWV 244, Vendredi Saint, (Première audition à Leipzig, 11 avril 1727).
Pour écouter l’extrait, cliquez sur le tableau de Gerrit van Honthorst
Gerrit van Honthorst, Le Christ devant le grand prêtre Caïphe (huile sur toile,1617), National Gallery, Londres.
Pendant les 7 dimanches qui précèdent la fête de Pâques, nous vous proposons de suivre la Passion du Christ pas à pas dans l’évangile selon saint Matthieu.
Après le baiser de Judas et son arrestation, Jésus est interrogé par les grands prêtres.
Ceux qui avaient arrêté Jésus l’emmenèrent chez Caïphe le grand prêtre où se réunirent les scribes et les anciens. Or Pierre le suivait de loin jusqu’au palais du grand prêtre et étant entré à l’intérieur, il était assis avec les servants pour voir la fin. Les grands prêtres et tout le Sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n’en trouvèrent pas alors que beaucoup de faux témoins s’étaient approchés. Finalement vinrent deux faux témoins qui dirent :
— Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours.
Se levant le grand prêtre lui dit :
— Tu ne réponds rien ? De quoi ces hommes témoignent-ils contre toi ?
Mais Jésus gardait le silence et le grand prêtre lui dit :
— Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu.
Jésus lui dit :
— Toi tu l’as dit. Cependant je vous dis : Désormais vous verrez le fils de l’homme assis à la droite de la puissance et venant sur les nuées du ciel.
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, disant :
— Il a blasphémé. Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Voici que vous avez entendu maintenant le blasphème. Que pensez-vous ?
Et eux, répondant, dirent :
— Il mérite la mort.
Chapitre 26 de l’évangile selon saint Matthieu dans le Nouveau Testament. Traduction BEST 0.1.
James Tissot, Anne et Caïphe (huile sur toile, 1886-1894), Brooklyn Museum, New York.
Le peuple juif a longtemps été stigmatisé et même persécuté, en tant que peuple “déicide”, littéralement : le peuple “qui-a-tué-Dieu”. Cette appellation répond à une accusation classique : les juifs auraient tué Jésus, Dieu fait homme. Peut-on l’affirmer ?
Christ vient du mot grec Christos qui lui-même vient de l’hébreu MaShiaH, Messie. En gros Christ = Messie. Quand on parle de Jésus Christ, on parle donc de celui qui est reconnu par ses disciples comme le Messie d’Israël. Or le premier cercle de Jésus est juif dans sa quasi-totalité.
Première conclusion : de nombreux Juifs ont reconnu Jésus comme le Messie, on ne peut donc pas les soupçonner d’avoir participé à sa mort.
D’autres Juifs ne l’ont pas reconnu comme le Messie : parmi eux, certains ont participé à sa mise à mort, d’autres non.
Deuxième conclusion : tout le peuple juif n’a pas participé à la mise à mort de Jésus. Il est absurde de lui en attribuer la responsabilité totale alors qu’elle n’est le fait que de certains responsables politico-religieux du peuple à ce moment-là de l’histoire.
Enfin, dans le mode d’exécution de Jésus, c’est Pilate, le gouverneur Romain, qui avait le dernier mot. La puissance romaine a donc la responsabilité ultime. Les textes du Nouveau Testament sont très clairs sur ce sujet. Un éclairage historique le confirme : le supplice de mise à mort pratiqué par les juifs étaient la lapidation plutôt que la crucifixion.
Duccio du Buninsegna, Jésus devant Caïphe, détail du verso du retable de la Maestà (tempera et or sur bois, 1308-11), Museo dell’Opera del Duomo, Sienne, Italie.
Tout cela a été rappelé maintes et maintes fois par Jean-Marie Aaron Lustiger. Il naquit dans une famille juive, reconnut en Jésus le Messie d’Israël à l’adolescence et fut baptisé dans l’Église Catholique. Il deviendrait ensuite archevêque de Paris, cardinal et membre de l’Académie Française. Au-delà de l’aspect polémique de cette question, il invite ceux qui croient à approfondir leur méditation :
« On ne cesse de dire que ce sont les Juifs, et non les païens qui ont crucifié le Messie. Mais ce n’est pas vrai. […]
On présente Pilate comme un gouverneur colonial qui aurait affaire à des indigènes et ne comprendrait rien à leurs histoires. Ce n’est pas vrai. Le droit romain représentait la plus haute ambition de la rationalité et de la justice, et Pilate va commettre, dans les formes, un déni de justice absolu ; il en porte la responsabilité juridique, et ce sont les soldats de Rome qui ont crucifié Jésus. Les païens se sont montrés pécheurs là où ils prétendaient être justes, tout comme les juifs ont méconnu Celui qu’ils avaient vocation de reconnaître. Ainsi en va-t-il dans l’histoire humaine remplie d’injustices et d’infidélités. […]
Autrement dit, quelqu’un qui prétendrait : je suis innocent de cette mort, ce sont les « autres » qui l’ont mis à mort, ne peut pas croire au Christ. C’est même une preuve qu’il ne croit pas. Car croire au Christ, c’est avoir le ‘cœur brisé’. » Le choix de Dieu (Paris, 1987).