Parents, enfants et familles
Ces deux articles sont extraits du Bulletin n°65 du CELEM (Chrétiens et libres en Morbihan), association adhérente de NSAE [1]
Donner naissance
Par Thérèse Joubioux
J’ai donné naissance à 6 enfants ; aucune de ces naissances n’était désirée, mais elles sont toutes survenues dans un climat familial d’affection et de respect. Ces précisions étaient nécessaires pour rendre mon témoignage recevable : en d’autres circonstances, mes réactions auraient pu être radicalement différentes ! ‘Accoucher’, le terme n’est pas vraiment joli ; plutôt que la joie, il évoquerait la difficulté, l’effort, la souffrance : peu de femmes déclareraient avoir envie d’accoucher…
Après des grossesses sans problème, certains de mes ‘accouchements’ furent relativement faciles, d’autres longs et épuisants. Mais arrivé l’instant de la naissance… Comment décrire cela ? Dans une salle médicalisée, entourée de professionnels, médecin accoucheur, sagefemme, puéricultrice, s’affairant autour de moi et du bébé… je suis comme isolée ; tout mon être est alors immédiatement, entièrement, tourné vers cet être humain qui l’instant d’avant n’existait qu’en moi, que comme une partie de moi. Et voilà qu’il bouge, qu’il respire, qu’il pousse un cri, comme s’il voulait affirmer sa présence au monde, un monde qui désormais ne pourrait plus l’ignorer. Il était moi, il ne l’est plus ; il a déjà pris son autonomie, prêt à vivre de sa vie propre.
Inexorablement, il continuera à se détacher de moi, de son père aussi : il mangera seul, il marchera, il ira à l’école, il se mariera peut-être et deviendra parent. Dès cet instant, j’assume avec joie ces nécessaires séparations. Et en un éclair surgit en moi cette pensée : Seigneur, en cet instant je participe à ton œuvre créatrice ; cet enfant, il ne m’appartient pas, il ne t’appartient pas non plus… mais peut-être puis-je le confier à ta bienveillance.
Vous me croirez, ou pas : à 44 ans, je savais que ce sixième « accouchement » serait le dernier et j’ai senti monter en moi les larmes d’un regret profond : je devais faire mon deuil de cette expérience co-créatrice, et je n’avais jamais imaginé que ce serait si douloureux ! Mais partout dans le monde, dans toutes sortes de circonstances, dans la joie ou les difficultés, d’autres femmes donnent naissance, mettent au monde des êtres humains ; et je dédie ces quelques lignes à toutes les femmes enceintes qui attendent avec un peu d’appréhension le moment non d’accoucher, mais de « donner naissance ».
Naissance d’une famille
Par Annie Le Guern
Adoption : bien sûr, il n’y a pas eu les douleurs de l’accouchement! Mais pour les futurs adoptants, il y a le parcours du combattant, rencontres avec la Dass, les œuvres privées, visites chez les médecins et psys, les certificats de bonne moralité, et pour les œuvres privées cathos, références chrétiennes !!!!
Après quelques mois (nous avons eu de la chance), le coup de téléphone : la délivrance !!!
Le minimum de layette et de petits vêtements et en route pour connaître ce bébé qu’on avait un peu imaginé, mais que nous n’avions jamais vu, pas même en photo ! Et nous voilà dans la crèche : ce tout petit bébé de 3 mois et demi qui vous sourit : notre bébé, notre enfant!
Le retour : parents, et si heureux…
Cependant, nous voulions une famille et rebelote pour une petite sœur. Là encore, coup de chance, l’année d’après elle était là : une fratrie!
Évidemment, le grand se voyait dépossédé, comme dans les familles biologiques, de son statut d’enfant unique, objet de toutes les attentions! Mais la greffe a pris : ils jouent ensemble et se recherchent. Pour les entourer nous avons eu la chance d’avoir deux ados au pair, qui sont grand-frère et grande-soeur pour eux. C’est ainsi qu’en parlent toujours nos enfants et je leur suis toujours reconnaissante.
Puis un troisième est arrivé, déjà grand, 3 ans et demi : un peu plus difficile, l’équilibre, mais il était dans la même tranche d’âge que les deux aînés; plus facile pour les jeux et les programmes télé.
Nous avons eu des passages difficiles, comme d’autres parents, avec nos trois ados avant leur envol hors du nid. Deux d’entre eux ont tenté de retrouver leurs origines, l’un a réussi, l’autre pas, et je sais que c’est pour lui une blessure. Notre fille ne l’a jamais fait, pour elle nous étions ses parents, point barre!
Les années ont passé… mais je suis persuadée que notre famille est une vraie famille. Nos enfants aiment se retrouver, se remémorer leurs bêtises, enfants (les parents n’en avaient rien su, cela créait une complicité!). Les voir rire ensemble me fait chaud au cœur.
Parents biologiques, parents adoptifs, tous donnant le meilleur d’eux-mêmes, avec échecs et bonheurs, ce n’est que… amour !
[1] Lire le bulletin 65 du CELEM