En Israël-Palestine, l’Église refuse de considérer la situation comme « normale »
Par Mélinée Le Priol
Dans un communiqué paru dimanche 14 mai, la commission Justice et paix de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre sainte s’oppose à la « normalisation » des relations avec l’État d’Israël.
Appliqué au contexte israélo-palestinien, le terme de « normalisation » désigne une attitude de dialogue qui ferait abstraction du déséquilibre dans le rapport de force sur le terrain. Autrement dit, une relation à Israël qui ne s’accompagnerait pas d’une dénonciation claire de l’occupation et des discriminations subies par les Palestiniens.
Ce terme de « normalisation », déjà connoté négativement dans le monde arabe, fait désormais l’objet de la désapprobation de l’Église catholique locale, si l’on en croit un récent communiqué de la commission Justice et paix de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre sainte.
Prudemment intitulé « La question de la normalisation », ce texte adopte un ton plus ferme dans son contenu. Il a été publié le dimanche 14 mai à Jérusalem.
« Dans les deux sociétés, israélienne et palestinienne, la vie des Palestiniens est loin d’être normale et agir “comme si” les choses étaient normales fait fi de la violation de droits de l’homme fondamentaux », indique le communiqué. « En même temps, dans les deux situations, la vie quotidienne nécessite certaines relations avec les autorités israéliennes. Mais toutes les personnes et institutions impliquées dans ces relations devraient être conscientes que l’“anormalité” doit être rectifiée. »
Cette « anormalité », précise le texte, concerne aussi bien l’occupation militaire israélienne imposée en Cisjordanie et à Jérusalem-Est que les discriminations qui affectent les Palestiniens citoyens d’Israël (aussi appelés Arabes israéliens) à l’intérieur des frontières de l’État hébreu.
Censés être égaux en droits avec les Israéliens juifs, ces citoyens arabes se voient discriminés dans différents domaines comme l’éducation, l’emploi ou encore les budgets municipaux, rappellent les ordinaires.
« Une blessure ouverte »
Ces évêques et prêtres des différentes communautés catholiques de Terre Sainte, qualifiant la situation politique sur place de « troublée et sans espoir », ont toutefois réitéré leur engagement pour la paix et la justice au Proche-Orient. Ils ont aussi invité les communautés chrétiennes, les responsables religieux et les croyants vivant sur place à travailler dans ce même but.
« L’Église ne peut jamais ignorer l’injustice en faisant “comme si” tout allait bien, mais elle est obligée de prendre la parole, de résister au mal et de travailler sans relâche pour que les choses changent, poursuit le communiqué. De plus, l’Église locale en Israël-Palestine a la responsabilité de rappeler à l’Église universelle qu’Israël-Palestine est une blessure ouverte et purulente, et que la situation ne peut pas être considérée comme normale. »
Ce communiqué de la commission Justice et paix a été publié le 14 mai, c’est-à-dire 69 ans jour pour jour après la création de l’État d’Israël.
Voir aussi l’entretien avec Michel Sabbah, patriarche émérite de Jérusalem, sur radio Vatican.
Illustration : Gied ten Berge Wikimedia Commons