FAITES DE LA FRATERNITÉ 5-6 MAI 2017 au Théâtre Toursky, Marseille 3e
Par Gérard Perrier
BILAN ET PERSPECTIVES
La « FAITES DE LA FRATERNITÉ » du Toursky est un défi.
Allumé au néon sur la façade du théâtre avec la devise républicaine le soir du 5 mai. Martelé au tam-tam de Bami du Cameroun , avec les envolées au vent de la conque marine et aux douceurs graves d’un doudouk arménien, et « le temps des cerises » venu de la Commune de Paris en 1871 par le Chœur Philarmonique de Marseille.
Avec les accents poétiques de Richard Martin, le directeur du théâtre Toursky, nous appelant tous à « faire » la fraternité.
Ce troisième mot de notre devise républicaine ne devient officiel, rappelons-le, qu’après la révolution de 1848. Il sert de base politique à l’entraide collective par les services publics, la Sécurité sociale, le régime général des retraites par répartition notamment. On s’est habitués en France à ces formes solidaires de vie inventées dans les luttes de nos ainés du mouvement du 19e siècle, du Front populaire, de la Résistance.
Elles sont aujourd’hui menacées par l’individualisation forcenée des tâches et des rémunérations à coup de primes. Et autres appauvrissements de la citoyenneté sociale.
Nous avons voulu par tous nos moments artistiques et nos débats publics nuire à la bêtise identitaire. Cette escroquerie qui voudrait transformer la question sociale en question ethnique… Vous connaissez sans doute certains descendants de migrants qui ont oublié leurs ancêtres. Comme on le dit : « le dernier arrivé ferme la porte ». Ils sont de plus en plus nombreux. Ils voudraient « purifier » nos villes. Ne nous y résignons pas.
Nous, nous avons tracé les lettres de la fraternité avec des artistes dans le ciel de l’utopie. Pour sortir de la régression actuelle. Des rêves ? Non. Le refus de la marchandisation de toutes les sphères de la vie humaine.
Les 5 et 6 MAI 2017 au théâtre Toursky.
Nous avons choisi de nous émouvoir et de nous mouvoir pour la passion démocratique par la création culturelle. Ce qui place la fraternité, non dans le registre doucereux de la guimauve, mais dans celui, plus poivré, de la rébellion.
Oui, la fraternité est révolte contre l’inhumanité des naufrages en mer Méditerranée. 30 000 victimes depuis l’an 2000 en tentant de rejoindre les côtes européennes.
L’association européenne SOS Méditerranée et son bateau AQUARIUS a sauvé 11 261 personnes en 2016. Elle était présente au Toursky. Parmi bien d’autres comme la FRAT’ de la Belle de mai, le Collectif 13 Droits des Femmes, Habitat et Humanisme, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Union juive française pour la Paix et d’autres…
Oui, la fraternité est le rassemblement pour le progrès de l’humanité !
Oui, la fraternité est l’invention de l’espoir. Celui de mettre fin aux confinements nationaux et de re- créer de la solidarité internationale pour la paix, contre les bruits de bottes des nationalismes politiques et/ou religieux…
Ainsi chante Christina Rosmini (Marseille) avec « Gracias a la vida- Merci à la vie – qui m’a tant donné, « Le chant de tous qui est mon propre chant. » (paroles et musique de la chanteuse chilienne Mercedes Sosa) accompagnée de deux guitaristes, dont un Gitan marseillais et les artistes rassemblés par Jo Corbeau , le rocker marseillais : Martin Bbaz, Paul Drik, Red Mat, Malik Faïm, Louzgaïm, Taddy Pierrot , Levon Minassian.
Ainsi Souad Massi (Alger) avec « Noir et blanc »
« … écoute chanter la foule
Avec les mots qui roulent et font battre son cœur.
De n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur.
La musique est un cri qui vient de l’intérieur
De n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur.
La musique est un cri qui vient de l’intérieur
De n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur. »
La musique est un cri qui vient de l’intérieur… »
Un film documentaire venu de Barcelone « La Granja del Pas » (2015) . La salle de réunion de l’association PAH (Plataforma de Afectados por la Hipoteca), plateforme de rencontre des victimes de la crise hypothécaire, générée par des banques sans scrupules qui ont vendu à leurs clients des prêts immobiliers toxiques. Avec la crise économique, de nombreuses familles sont menacées d’être jetées à la rue. Elles trouvent, dans cet espace de parole, la force de briser leur solitude, de partager leurs angoisses et le chemin de l’espoir. De belles histoires de solidarité.
Et ces lycéens de St Charles avec leur court métrage : « Nous ne sommes pas des papiers », une succession de rencontres pour savoir comment faire pour que tel voisin de classe irakien, russe ou autre qui veut étudier en France et qu’on pourrait expulser, ne le soient pas. Des lycéens, des parents , des profs avec le réalisateur Luc Thauvin. Et aussi lors de débats sérieux et calmes sur le thème de notre trilogie républicaine à partir d’une vidéo-trottoir réalisée par Ahmed Nadjar de Med’in Marseille, le conteur Philémon, le poète Jo Ros, le psychanalyste Roland Gori, la chercheuse Francoise Lorcerie… échanges pour voir mieux où l’on va. Et tous les danseurs de Flamenco accompagnés par la musique arabo-andalouse du groupe Nasser Méditerranée autour du repas des trois cultures de Horizontes del Sur et ces musiques du monde sur la scène du théâtre, emmenées par Jo Corbeau.
Les arts de la FAITES furent tous métis.
On a connu une importante participation, de vrais échanges sur le fond des problèmes, une excellence artistique bénévole.
On a noté l’homogénéité de la tranche d’âge et des histoires militantes.
SI ON CONTINUE L’AN PROCHAIN… on pourrait envisager différentes pistes : faire venir des artistes des pays de la Méditerranée, qui parleraient de leurs engagements personnels. Les associations invitées pourraient être mieux impliquées : on les solliciterait pour produire des animations explicatives de leur travail. On essaiera enfin, si on veut une manifestation internationale de la Méditerranée solidaire, de rechercher des financements plus importants (par un « Crow Funding» associatif et participatif ainsi qu’auprès des Fondations culturelles avec d’autres pays de la Méditerranée.
Le travail de préparation de cette FAITES DE LA FRATERNITE s’est étalé sur 6 mois. Il a mobilisé une quinzaine de participants bénévoles associatifs réguliers, dont ceux du Pacte Civique, comme l’an passé, toujours fidèles. Ainsi que l’équipe de l’administration, de la communication (très réussie, bravo !) et des personnels techniques du théâtre Toursky animés par la jeune flamme de Richard Martin.
Sans eux rien n’aurait vu le jour. Que tous soient remerciés chaleureusement.
L’art non comme divertissement, mais bien contribution à l’invention d’un nouveau monde commun.
Pas de table rase, mais la rencontre des fils de 89, de 48, de la Commune du temps des cerises, du Front popu, des « Jours heureux” du Conseil national de la Résistance, de mai 68 et enfant bientôt (qui sait ?) d’une Europe à reconstruire, d’une nouvelle gauche à inventer.
2017, année de tous les dangers et de tous les espoirs.
Voir aussi : http://nsae.fr/2016/04/24/faites-de-la-fraternite/