François remplace le cardinal Müller par son adjoint Ladaria à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Par Joshua J. McElwee (National Catholic Reporter)
Le pape François a décidé de ne pas renouveler le chef doctrinal du Vatican, le cardinal Gerhard Müller, dont le mandat est venu à expiration, en choisissant plutôt de remplacer le prélat allemand par son adjoint, un théologien jésuite espagnol au profil public relativement terne.
Le cardinal Gerhard Müller
Le pontife a nommé l’archevêque Luis Ladaria, âgé de 73 ans, comme nouveau préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Il était auparavant secrétaire du dicastère.
Le communiqué du Vatican annonçant la nomination samedi 1er juillet ne dit pas si Müller recevra une nouvelle affectation. Âgé de 69 ans, il est à six ans de l’âge traditionnel de la retraite pour les évêques. Il est inhabituel qu’un cardinal de cet âge n’ait pas de poste officiel.
Le communiqué du Vatican déclare simplement que le pape a remercié Müller pour son service à la fin de son mandat de cinq ans en tant que préfet, mandat qui a commencé sous le précédent pape Benoît XVI le 2 juillet 2012.
L’annonce de samedi avait été très anticipée ce dernier jour quand, après une réunion que le cardinal avait eue vendredi avec François, ont commencé à circuler des rumeurs selon lesquelles Müller quitterait son poste.
Que le pape ait choisi Ladaria, qui a été en fonction à la congrégation doctrinale depuis sa nomination par Benoit XVI en 2008, semble signifier que François ne veuille pas de secousse radicale à l’office du Vatican, mais simplement un changement de personnel.
Avant sa nomination au Vatican, Ladaria avait enseigné à l’Université Pontificale Grégorienne dont il était vice-recteur. De 2004 à 2009, il a été secrétaire général de la Commission théologique internationale.
L’archevêque est également président de la nouvelle commission papale qui étudie la possibilité de femmes diacres dans l’Église, poste où l’avait nommé François en août dernier.
Avant de devenir responsable de la congrégation doctrinale, Muller avait été pendant dix ans évêque du diocèse de Ratisbonne dans le sud-est de l’Allemagne. On le sait proche de Benoit, qui a étudié et enseigné à l’Université de Regensburg avant de devenir évêque.
Par contre, il ne semble pas que Müller et François aient développé de relation particulièrement chaleureuse. Plus récemment, le cardinal a été incohérent quant à sa position concernant l’autorité de l’enseignement de l’exhortation de François sur la vie familiale, Amoris Laetitia (“La joie de l’amour”).
Après que quatre cardinaux aient sommé publiquement François en novembre dernier de répondre à des questions sur ce qu’ils considèrent comme des incohérences dans le document, Müller avait déclaré en janvier que l’exhortation était “très claire” et que les cardinaux ne devraient pas contester le pape publiquement.
Mais le cardinal a semblé contredire l’enseignement du document de François dans un entretien donné en mai sur la chaîne de télévision EWTN. Interrogé sur la possibilité que l’Église donne accès à la communion à ceux qui se sont remariés sans recevoir d’annulations, le cardinal a déclaré : “Nous n’acceptons pas la polygamie”.
Dans Amoris Laetitia, François a demandé aux pasteurs d’utiliser le discernement pastoral dans de tels cas et a déclaré que dans certains cas, un tel discernement «peut inclure l’aide des sacrements». Le pape a également fait l’éloge d’un ensemble de lignes directrices émanant des évêques argentins qui disent que les couples divorcés et civilement remariés pourraient finalement être autorisés à recevoir la Communion.
On s’est également publiquement interrogé ces derniers mois sur la volonté de Müller à mettre en œuvre les recommandations de la nouvelle commission pontificale sur les abus sexuels du clergé, même y compris celles approuvées par François.
Lors de sa démission de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, le 1er mars dernier, l’Irlandaise Marie Collins, [1] ancienne victime d’abus sexuel, a précisé dans une déclaration au National Catholic Reporter que la congrégation de Müller opposait des difficultés «juridiques» à la création ordonnée par François d’un nouveau tribunal du Vatican pour juger les évêques qui ont mal géré les cas d’abus, et celui-ci n’a jamais été créé.
Marie Collins a également noté qu’une ordonnance approuvée par François demandant à tous les bureaux du Vatican de répondre aux lettres des victimes d’abus n’a pas été mise en œuvre par au moins l’un d’eux.
Dans une interview du 5 mars, Müller semblait admettre que sa congrégation faisait partie de ceux qui ignorent cet ordre pontifical, en disant que si le Vatican répondait aux lettres des victimes, il ne respecterait pas le rôle des évêques diocésains dans de telles matières.
Müller semble également ne pas être d’accord avec la décision de François de créer une commission qui étudie la possibilité de femmes diacres. Il a déclaré lors d’un entretien en mai sur la chaîne de télévision EWTN qu’il est «impossible» que des femmes soient ordonnées au diaconat et que les femmes diacres «ne se feront pas».
François a nommé Müller cardinal en février 2014, dans le cadre du premier groupe de 19 cardinaux nommés par le nouveau pontife.
La congrégation doctrinale est chargée de promouvoir les bonnes interprétations de la doctrine et de la théologie catholiques. Le dicastère s’occupe également des enquêtes sur le clergé accusé d’avoir abusé de mineurs.
Dans le cadre de ses nouvelles décisions, François a également nommé Ladaria samedi à la direction de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, à la Commission Biblique Pontificale et à la Commission Théologique Internationale.
L’archevêque est titulaire un diplôme en droit civil de l’Université de Madrid. Il a obtenu un doctorat en théologie à la Grégorienne avec une thèse sur “Le Saint-Esprit chez St Hillaire de Poitiers”.
Ladaria est le sixième préfet de la congrégation doctrinale depuis la fin du Concile Vatican II en 1965. Outre Müller, il succède aux cardinaux Afredo Ottaviani, Franjo Seper, Joseph Ratzinger (futur pape Benoît) et William Levada.
Le mandat de Müller en tant que préfet est le plus court de ce groupe. Vient ensuite celui du Cardinal américain Levada avec un mandat de sept ans. Le cardinal croate, Seper, avec 13 ans, et Ratzinger, avec près de 24 ans, ont eu les mandats les plus longs.
Jean-Paul II a remplacé Seper en tant que préfet en 1981, trois ans après avoir été élu pontife en 1978. Mais Seper avait eu 75 ans à ce moment-là et devait mourir le mois suivant son remplacement.
La nomination de Ladaria apparaît immédiatement comme l’une des décisions les plus importantes de François au Vatican depuis son élection en tant que pontife en mars 2013.
En ce qui concerne les bureaux les plus importants de la ville-état, le pape n’a nommé que deux autres leaders de cette sorte : le cardinal italien Pietro Parolin, secrétaire d’État et le cardinal guinéen Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour culte divin et la discipline des sacrements.
Note :
[1] http://nsae.fr/2017/03/28/eglise-et-pedophilie-la-tolerance-zero-nest-pas-pour-tout-de-suite/Traduction : Lucienne Gouguenheim
Lire aussi :
http://nsae.fr/2017/03/07/le-groupe-we-are…-cardinal-muller/