La rétention outil principal de l’éloignement : les associations demandent un changement de cap
Les six associations intervenant dans les centres de rétention administrative présentent leur septième rapport commun.
Un usage de la rétention toujours massif et trop souvent abusif
En 2016, la rétention reste le principal instrument des politiques d’éloignement, avec près de 46 000 personnes privées de liberté dans les centres et locaux de rétention administrative. Ces cinq dernières années (2012-2016), plus de 232 000 personnes ont été enfermées, démontrant ainsi la constance de cet usage au-delà de l’alternance politique.
4 507 enfants privés de liberté : année record malgré cinq condamnations de la CEDH
Malgré les engagements de François Hollande durant la campagne électorale de 2012 de mettre fin à l’enfermement des enfants et le caractère traumatisant de cette pratique, la loi du 7 mars 2016 a élargi le recours à la rétention pour les familles accompagnées d’enfants. En métropole, le nombre d’enfants privés de liberté a de nouveau fortement augmenté, passant de 45 en 2014 à 105 en 2015, puis 182 en 2016. À Mayotte 4 325 enfants ont été concernés.
Le recours abusif et/ou illégal à la rétention dans la gestion des camps de migrants
L’année 2016 a été particulièrement marquée par plusieurs démantèlements de camps de personnes migrantes sur l’ensemble du territoire national, à Paris, à Calais et à Metz, ainsi que par les « décasages » à Mayotte. De nombreuses personnes ont ainsi été placées en rétention à la suite de ces opérations, très souvent au détriment de leur situation personnelle et parfois en violation de leurs droits. Ainsi, des demandeurs d’asile, des mineurs isolés ou encore des ressortissants de pays en guerre ont été enfermés en 2016.
Une réforme qui maintient le recours prioritaire à la rétention
Si la réforme de 2016 ramène le contrôle du juge judiciaire à 48 heures, comme avant 2011, Mayotte en a été finalement exclue. Par ailleurs, le législateur n’est pas revenu sur la durée maximale de rétention, passée de 32 à 45 jours depuis six ans, alors que les chiffres montrent clairement que le taux d’éloignement diminue à mesure que la durée de rétention s’allonge. Plus globalement, la réforme constitue un recul des droits au vu de l’ensemble des mesures adoptées. Ainsi, le législateur a choisi de laisser une grande latitude aux préfectures pour le recours à l’assignation à résidence, dès lors davantage utilisée comme une mesure coercitive supplémentaire. Le régime dérogatoire ultra-marin est maintenu avec un droit au recours dont l’effectivité reste limitée, et la loi n’a toujours pas instauré de procédure suspensive de l’éloignement qui garantirait la protection des malades étrangers.
Cette année encore, nos associations constatent que l’enfermement en rétention reste le moyen privilégié par l’État pour s’assurer de l’éloignement des étrangers concernés. Elles ont décidé d’appeler l’attention du Président de la République, du gouvernement et des parlementaires pour qu’un changement d’orientation soit enfin adopté.
Quand un employeur embauche un employé tout en exigeant de pouvoir le licencier sur le champ, je ne trouve pas étonnant d’accueillir un étranger tout en exigeant de pouvoir l’expulser, sur le champ, cela procède, pour moi, de la même logique. Une liberté exercée en mode « échange » (donnant-donnant, le soin étant apporté à veiller sur l’équivalence de l’échange) arrive à destination lors de l’expulsion ; une liberté exercée en mode « réciprocité » (don/contre-don, le soin étant apporté à veiller sur la vitalité de la relation) commence exactement à l’endroit même où l’expulsion s’envisage !