Le Dieu théiste devrait (doit) disparaître
Par Alan Goss (pasteur à Napier, Nouvelle-Zélande)
Que penser des textes bibliques qui présentent un Dieu violent ? Ces images violentes de Dieu sont fréquentes dans la Bible et aussi dans d’autres textes sacrés. Elles posent une question qu’on ne saurait ignorer.
Le cœur du problème est la croyance persistante et très répandue en un Dieu théiste, c’est-à-dire un être personnel et surnaturel « là-haut », qui intervient souverainement dans les affaires du monde. Dans la conception théiste, Dieu est omniscient, tout-puissant seigneur créateur de la terre où nous vivons, qui nous donne les lois qui structurent notre vie de la naissance à la mort et qui nous a affirmé que finalement et de toute façon ce sera sa Volonté qui prévaudra.
Au cours des siècles, la croyance en un Dieu personnel et aimant a été pour beaucoup de fidèles source de réconfort et d’inspiration. Elle l’est encore, mais de moins en moins. C’est d’ailleurs une notion qui peut être dangereuse : Je possède la boucle de ceinture d’un soldat allemand qui porte une croix gammée et la mention « Gott Mitt uns » (Dieu avec nous).
Le nom de Dieu est parfois utilisé pour appuyer des conceptions nationalistes totalement inhumaines. Les télévangélistes américains Pat Robertson et Jerry Falwell ont affirmé que la catastrophe des tours jumelles de New York était le châtiment d’un Dieu violent qui voulait punir l’humanité pour avoir admis l’homosexualité, le féminisme et l’IVG. Je pense que le Dieu théiste doit disparaître.
Des efforts sont en cours pour repenser Dieu de manière nouvelle et plus satisfaisante. Lloyd Geering a écrit que le mot Dieu est utilisé « pour désigner nos valeurs suprêmes, l’idéal qui donne son sens et sa valeur à notre existence. Et ce Dieu se rencontre en tout lieu et toute occasion. »
La première Épître de Jean dit que « Dieu est amour ». D’autres auteurs bibliques désignent Dieu par les mots Présence ou Voix. John Hick, l’éminent théologien de l’interreligieux, propose même d’arrêter – au moins provisoirement – de mentionner Dieu. Et l’ombre de Bonhœffer disait que nous devons désormais apprendre à nous passer de Dieu.
Quelle que soit l’image de Dieu qui est la nôtre, que nous le concevions « là-haut au ciel » ou comme une construction humaine, il nous faut la passer au filtre de notre propre compréhension.
Nous concevons Dieu de la même manière que nous le faisons pour la politique, la science, le sport, l’éducation et les diverses religions.
Richard Holloway a écrit dans son remarquable petit livre How to Read the Bible (Comment lire la Bible) que nous avons souvent imaginé Dieu de façon erronée !
Alors que l’on s’efforce de donner un nouveau visage au christianisme et que l’on abandonne beaucoup d’idées et de nombreuses pratiques traditionnelles d’autrefois, un service important que nous pouvons rendre à la société est de récuser ouvertement et publiquement toutes les images d’un Dieu théiste.
Évidemment ceci est énorme et nous n’y arriverons pas tout de suite. L’idée d’un Dieu théiste autoritaire confère évidemment puissance et privilège aux responsables d’Églises et de gouvernements comme celui des États-Unis.
Mais nous conservons l’espoir de temps nouveaux et d’une nouvelle aube du christianisme qui et en train de naître lentement.
Source : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc621.htm
L’article original en langue anglaise a été publié par le réseau « Sea of Faith » – Théologie « non-réaliste » (http://www.sof.org.nz/soflet071.pdf)
Présentation du réseau Sea of Faith
par Gilles Castelnau
Les membres du réseau Sea of Faith se nomment eux-mêmes « non-réalistes », en reprenant le vocabulaire de la scolastique du Moyen-âge, dans la mesure où ils ne croient pas à l’existence « réelle » des images véhiculées par le langage religieux. Elles n’ont pas de « réalité » en elles-mêmes. Dieu, le diable, le ciel, l’enfer, le bien, le mal, la vérité, la beauté n’ont pas d’existence métaphysique « réelle », mais sont des constructions de l’esprit humain. La doctrine chrétienne provient de l’effort de rendre compte dans un langage humain et intelligible de l’expérience de la présence transcendante de Dieu. Les énoncés religieux sont une construction humaine.
Personne ne peut nier qu’ils sont forcément marqués par les conceptions de l’époque où ils ont été rédigés. Aucune vérité religieuse ne peut donc être considérée comme absolue, éternelle, universelle et infaillible. Ainsi la foi au Christ a été vécue et exprimée dans les structures de pensée et de langage du monde juif du 1er siècle. C’est donc tout naturellement que l’on a dit de lui qu’il était l’Agneau pascal vainqueur des puissances de la mort, l’Agneau du Yom Kippour qui ôte le péché du monde, le Fils de l’Homme qui viendrait sur les nuées du ciel inaugurer la fin des temps, le Royaume de Dieu selon la prophétie de Daniel, le Serviteur souffrant du Second Ésaïe qui devait souffrir et mourir pour sauver les hommes.
Les premiers chrétiens exprimaient ainsi leur foi au Christ dans le langage du judaïsme de leur époque. Ce langage était inconnu en dehors de la culture juive et n’était donc ni universel ni éternel, ni « réaliste ». il ne doit pas être interprété littéralement.
Demandons-nous seulement dans quel langage la même foi au Christ aurait été transcrite si le Christ était apparu au Royaume-Uni à la fin du 20e siècle et on en Palestine du 1er siècle. Nous n’aurions évidemment pas utilisé les images d’Agneau pascal, de sacrifice du Yom Kippour, de Fils de l’Homme et de Serviteur souffrant !
On peut faire la même remarque à propos du langage des credo de l’église élaborés aux 3e et 4e siècles dans le monde hellénistique ; aujourd’hui où nous n’avons plus la notion d’un univers à trois étages, nous ne dirions plus qu’il est descendu du ciel sur la terre, qu’il est descendu au séjour des morts, qu’il en est remonté et qu’il est finalement remonté au ciel. Un tel langage marqué par son temps n’a rien d’éternel. Les credo ne fixent pas la vérité immuable de Dieu, ils reflètent seulement l’expérience de cette vérité. On ne peut parler de « réalisme ». Si l’on veut pouvoir dialoguer avec nos contemporains dans le monde post-moderne qui est le nôtre, il nous faut tenir compte de ces évidences.
Source : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc539.htm
On peut lire aussi :
http://nsae.fr/2014/03/21/jesus-pour-le-xxieme-siecle/
http://nsae.fr/2012/12/16/royaume-de-dieu-eglise-religion/
http://nsae.fr/2016/04/22/il-est-encore-question-de-dieu/
http://nsae.fr/wp-content/images/LA-QUESTION-DE-DIEU.pdf
Tout à fait d’accord avec cet article.
Une phrase retient mon attention ” un service important que nous pouvons rendre à la société est de récuser ouvertement et publiquement toutes les images d’un dieu théiste”
Compte tenu des interlocuteurs, ce n’est pas simple à faire, spécialement avec ceux qui restent en lien avec l’Eglise institution…