Silence remarquable de la congrégation doctrinale du Vatican sous François
Le rédemptoriste irlandais Fr. Tony Flannery a été interdit de célébrer publiquement la messe depuis près de six ans. La congrégation doctrinale du Vatican l’a suspendu de son ministère en février 2012 après son refus de réviser certains points de vue qu’il avait exprimés dans une revue religieuse dirigée par son ordre.
Le Palais du Saint Office au Vatican, qui abrite la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (NCR/ Joshua J. McElwee)
À la mi-janvier, Flannery a eu 70 ans. Il a annoncé qu’il violerait sa suspension pour la première fois pour célébrer une messe publique d’Action de grâces pour ceux qui lui avaient apporté leur soutien au cours des dernières années.
Le prêtre, écrivain populaire, animateur de retraites et ancien pasteur, a beaucoup réfléchi à cette décision. Il a imaginé qu’après avoir violé sa suspension, il pourrait s’attendre à d’autres pénalités de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, peut-être même, dans le cas le plus extrême, l’exclusion de la prêtrise.
Pourtant, dans une interview au début du mois d’août, Flannery a déclaré qu’il n’avait rien entendu : aucun mot n’est venu de son évêque, ni de son supérieur religieux ni du Vatican. Il en a tiré une conclusion sur ce que cela pourrait signifier concernant l’influence de la congrégation doctrinale sous le pape François, en comparaison avec les pontifes précédents.
“J’ai interprété cela comme une très bonne indication que [la congrégation] n’a plus le pouvoir qu’elle avait”, a déclaré le prêtre. “Parce que, cinq ans plus tôt, il ne fait aucun doute, je pense, qu’ils seraient tombés lourdement sur moi”.
Au-delà de l’exemple de Flannery, on peut penser à une observation faite régulièrement à Rome et dans le monde entier. La Congrégation de la Doctrine de la Foi autrefois puissante, cette ancienne Congrégation suprême sacrée de l’Inquisition romaine et universelle, semble avoir été quasi silencieuse.
Au cours des dernières décennies, le bureau doctrinal était connu pour adopter une attitude vigilante vis-à-vis des recherches théologiques, pourchasser des prêtres catholiques ou des universitaires qui risquaient de se détourner de toute ligne doctrinale. Le bureau était également connu pour sa promulgation régulière de documents officiels.
Mais il semble que ces deux fonctions publiques aient été réduites de manière drastique.
Quatre théologiens, sur deux continents, connus pour avoir été soumis à une enquête du bureau doctrinal au cours des cinq dernières années ont tous déclaré lors d’entretiens récents qu’ils ne savaient rien de plus de la congrégation depuis l’élection de François en mars 2013.
“Ma réponse est simple”, a déclaré un des théologiens en réponse à une enquête par courrier électronique. “Je n’ai eu aucun contact”.
La diminution du nombre de documents publiés par la congrégation doctrinale sous François a été tout simplement dramatique.
Pendant le règne du pape Benoît XVI dans la période 2005-2013, le bureau doctrinal a publié 19 documents et 19 autres déclarations d’accompagnement. Cinq des documents, y compris une critique formelle de la théologienne américaine Mercy Sr. Margaret Farley, pour la seule année 2012.
Depuis l’élection de François il y a quatre ans, le bureau doctrinal n’a publié que deux documents.
Le premier, produit en juin 2016 – plus de trois ans après l’élection du pape – traitait de la relation entre les évêques et les soi-disant mouvements charismatiques. Le second, publié en octobre 2016, réaffirmait des enseignements largement connus depuis plusieurs décennies sur l’enterrement et la crémation.
François a semblé minimiser le rôle de la congrégation doctrinale peu de temps après son élection, lorsqu’il aurait déclaré à un groupe de religieuses et de prêtres avec la Conférence latino-américaine des religieux de ne pas s’inquiéter si leurs membres se retrouvaient la cible d’une enquête théologique.
On rapporte que le pape aurait dit “Cela passera!” “Peut-être même recevrez-vous une lettre de la Congrégation pour la Doctrine [de la Foi], vous disant que vous avez dit ceci ou cela… Mais ne vous inquiétez pas. Expliquez ce que vous devez expliquer, mais avancez.”
Le cardinal Gerhard Müller a été à la tête de la congrégation doctrinale de 2012 à juillet dernier. François a nommé l’archevêque Luis Ladaria, ancien adjoint de Müller, pour le remplacer [1]. Le choix de Ladaria a été considéré comme une indication que François ne voulait pas une secousse radicale au bureau, mais simplement un changement de personnel.
Modifier la procédure
Jusqu’ici, les recherches théologiques de la congrégation suivaient un schéma tout à fait prévisible. Quelqu’un signale à un membre du personnel du bureau doctrinal avoir trouvé une problématique difficile chez un théologien. Le bureau examinait la question et déterminait s’il fallait enquêter.
Si le théologien à l’étude était membre d’un ordre religieux, tout contact de la congrégation passait par son supérieur religieux. Le théologien était informé que la question était une question relevant du secret pontifical et que toute discussion en public ou par voie de presse entraînerait d’autres pénalités non précisées.
En avril 2016, un groupe de théologiens, de prêtres et d’évêques mondialement connus a demandé publiquement au bureau doctrinal d’adopter un nouveau processus d’investigation théologique qui soit marqué par l’ouverture au lieu du secret.
Notes :
[1] Lire : http://nsae.fr/2017/07/02/francois-remplace-le-cardinal-muller-par-son-adjoint-ladaria-a-la-tete-de-la-congregation-pour-la-doctrine-de-la-foi/Source : https://www.ncronline.org/news/vatican/silence-vaticans-doctrinal-congregation-notable-under-francis
Traduction : Lucienne Gouguenheim
Tribunal de l’Inquisition
Francisco de Goya [Domaine public], via Wikimedia Commons