Par Marie Françoise BORDET [1]
L’Allemagne caracole en tête des pays de l’Union Européenne quant à son dynamisme économique et à son plus bas taux de chômage enregistré depuis la Réunification, 5,9 % en février dernier, même si l’écart entre les différents Bundesländer est important. Et tout au long de cette année, il n’a cessé de baisser. Mais celui-ci ne cache-t-il pas d’autres réalités ?
Gerhard Schröder
Effectivement suite aux réformes Hartz sur le travail (nom de l’ancien directeur du personnel de Volkswagen) initiées par le gouvernement Schröder (coalition SPD-Verts) en 2003-2005, les « mini-jobs » ont été créés pour faire baisser le chômage et les travailleurs précaires ont vu le jour ! Ces emplois ont permis au marché du travail allemand d’être plus dynamique. En 2016, les Allemands ont créé 450.000 emplois selon le ministère du Travail. Plus de 7 millions d’Allemands sont employés dans les mini-jobs. Pour l’employeur, ce type de contrat est intéressant, car les charges sociales sont peu élevées. Il a été mis en place pour aider les personnes à trouver un premier emploi et leur mettre le pied à l’étrier, mais il s’est vite avéré que celui-ci est devenu une impasse et conduit à la pauvreté. Ce type d’emploi a une date d’embauche, mais aucune durée. Et la flexibilité chère au patronat facilite la suppression des emplois. À titre d’exemple, dans l’hôtellerie et la restauration, des emplois ont été supprimés et sont devenus des mini-jobs dans des sociétés extérieures. Ces travailleurs souvent peu qualifiés se voient obligés d’enchaîner plusieurs mini-jobs afin d’avoir juste de quoi vivre. De plus, ces travailleurs à l’heure de la retraite toucheront une pension de misère (140 euro). Les réformes Hartz ont permis également le job à un euro de l’heure ! Si l’allocataire chômage refuse ce job, il peut se voir supprimer son Hartz IV (équivalent du RSA français). Comment expliquer un tableau d’où il ressort que plus le taux de chômage baisse, plus le taux de pauvreté augmente. Cela ne devrait-il pas être le contraire ?!.. Ces réformes ont transformé les chômeurs en travailleurs pauvres. L’Allemagne est aujourd’hui le pays européen qui compte le plus de pauvres.
Alors, comment ne pas voir dans le vote pour l’AFD un vote contestataire contre ces inégalités criantes, même si bien sûr, ce n’est pas l’unique raison loin de là, de la montée de l’extrême droite allemande. Ne serait-il pas judicieux que nos gouvernants, avant de vouloir faire une sorte de « remake » des réformes Hartz par les ordonnances sur la loi travail, n’analysent en profondeur les tenants et les aboutissants, avant de ne voir qu’un aspect, la baisse du nombre de chômeurs !
Note :
[1] Professeur d’allemand, membre de NSAE-CherSource de l’illustration : Marco Urban ( http://www.marco-urban.de ) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/)], via Wikimedia Commons