Jésus a détesté les frontières
Par José María Castillo
Une frontière est la ligne qui sépare et divise une nation d’une autre, un pays d’un autre et souvent une culture d’une autre. Par conséquent, les frontières nous séparent, peut-être nous divisent, et souvent nous excluent mutuellement. Donc, très souvent, les frontières nous font nous opposer. C’est inévitable.
Vous direz que j’exagère le négatif. C’est possible. Mais personne ne peut nier que l’histoire soit pleine de péripéties et d’événements malheureux liés à ce que je viens de souligner.
Ceci dit, du fait de ma formation professionnelle (ou de ma déformation), quand je vois un problème ou une situation comme celle que nous vivons actuellement en Espagne, en Europe et dans le monde, je me plonge dans l’Évangile et je me demande “Jésus de Nazareth m’apprend-il quelque chose qui m’aidera à me guider dans ce qui se passe ?”.
Jésus a donné des signaux nationalistes. Quand il a envoyé ses apôtres proclamer l’avènement du royaume de Dieu, la première chose qu’il leur a dite était de ne pas aller chez les païens ou dans les villes samaritaines (Mt 10, 5). Et à la femme cananéenne qui lui a demandé de guérir sa fille malade, il a répondu qu’il était venu seulement pour les brebis perdues d’Israël (Mt 15, 24). Ceux qui analysent ces histoires recherchent des explications à ces épisodes étranges. Parce que, par ailleurs, nous savons très bien que Jésus avait une grande considération pour les Samaritains (Lc 9, 51-56, 10 : 30-35, 17 : 11-19, Jn 4). Et il semble que, dans l’esprit de Jésus, les «brebis perdues» étaient précisément parmi ces gens, en Israël. D’où son insistance pour que les apôtres assistent en priorité ceux qui sont perdus et égarés. La mentalité de Jésus n’était pas nationaliste. Pas du tout. C’était une mentalité humanitaire.
Ainsi, notre attention est attirée sur le fait que la première fois, selon l’évangile de Luc, où Jésus est venu dans sa ville natale (Nazareth), on lui a demandé de faire la lecture dans la synagogue. Et il n‘a rien trouvé de mieux, lisant un texte du prophète Isaïe (61 : 1-2), que de se contenter de mentionner «l’année de grâce» et de sauter le «jour de vengeance». Ce qui a provoqué la confrontation (selon la traduction la plus correcte. J. Jeremias) du peuple (Lc 4, 22). Et le pire était que, au lieu de calmer ses concitoyens, il a poursuivi en disant que Dieu préfère les étrangers (une veuve de Zarephath et un politicien de Syrie) (Lc 4, 24-27) à ses proches de Nazareth. Cela a rendu les gens furieux et c’est vraiment un miracle qu’ils ne l’aient pas abattu (Lc 4, 28-30). Jésus a détesté les frontières au point de risquer sa vie pour préciser qu’il n’a pas soutenu les frontières qui nous séparent et nous divisent.
Mais ce n’est pas le plus frappant. Une des choses les plus étonnantes dans les évangiles c’est que les trois hommages les plus remarquables que Jésus ait rendus à la foi, ne l’ont pas été à ses apôtres ou à ses compatriotes ou à ses amis. Il les a rendus à un centurion romain (Mt 8, 10), à une femme cananéenne (Mt 15, 28) et à un lépreux samaritain qui est venu remercier Jésus, par opposition aux neuf lépreux juifs qui se contentèrent d’obéir à leur «loi» (Lc 17, 11-19).
Jésus, en train de mourir, “a rendu l’esprit” (Jn 19:30). Est-ce qu’il a quitté cette vie ? Bien sûr, il l’a fait. Mais quelque chose de bien plus profond : il “a rendu” (“paradídomi”) “l’esprit”. Pour le 4e évangile, Pâques, Ascension, Pentecôte, tout s’est passé en ce moment (H. U. Weidemann). Et à partir de ce moment, qui a changé l’histoire, le mythe de la Tour de Babel, les nombreuses langues, nos divisions et l’incapacité à se comprendre et à vivre ensemble dans l’unité et la paix ont pris fin. C’est le summum de l’Évangile. Et si ce que demande Dieu est bon pour toute chose, qu’en est-il pour nous si chaque jour qui passe, il nous devient plus insupportable de vivre ensemble ? Est-ce que l’Espagne et la Catalogne sont plus importantes que l’Évangile de Jésus ? De ce que nous voyons, pour beaucoup de chrétiens et pas mal de prêtres, c’est le cas. Ou c’est en tout cas l’impression qu’ils donnent.
Traduction anglaise : http://iglesiadescalza.blogspot.fr/2017/09/jesus-hated-borders.html
Traduction française : Lucienne Gouguenheim
Cet article est beaucoup trop simpliste et, d’une certaine façon, anachronique: nation, pays et frontières n’avaient pas du tout le même sens à l’époque de Jésus.
En fin, paradidomi ne signifie pas “rendre”, mais laisser en héritage”: c’est un terme du vocabulaire juridique.