Le Roundup face à ses juges
Un film et un livre de Marie-Monique Robin
Capture d’écran du film projeté sur Arte le 17 octobre 2017 et visible pendant 20 jours à l’adresse : https://www.arte.tv/fr/videos/069081-000-A/le-roundup-face-a-ses-juges/
À la lumière du procès symbolique de Monsanto tenu en 2016, Marie-Monique Robin expose l’ampleur du scandale sanitaire lié au Roundup, herbicide le plus vendu au monde. Un réquisitoire accablant, paroles de victimes et d’experts à l’appui.
C’est l’histoire d’une colère citoyenne, jusque-là quasi inaudible, et d’une lutte contre un écocide, ou crime contre l’environnement, commis en toute impunité par la firme championne des OGM. En octobre 2016, à La Haye, victimes et experts témoignent – une première – devant le Tribunal international Monsanto, au fil d’un édifiant procès symbolique contre le Roundup, l’herbicide le plus vendu au monde, et sa très toxique molécule active, le glyphosate. Cette année-là, quelque 800 000 tonnes de ce “tue-tout” (son surnom en espagnol) ou de ses génériques ont été déversées sur la planète. Si la multinationale a refusé de comparaître, les victimes ont raconté à la barre les conséquences de son épandage : malformations des enfants, cancers, maladies respiratoires ou rénales et destructions environnementales. Éclairé par des scientifiques, cet accablant réquisitoire révèle l’ampleur de ce scandale sanitaire, qu’illustrent des reportages bouleversants sur la tragédie en cours, de la France à l’Argentine en passant par les États-Unis et le Sri Lanka – premier pays à interdire le glyphosate. “Ce pulvérisateur nous a apporté la mort, alors qu’on voulait simplement gagner notre vie”, lâche, amer, un riziculteur sri-lankais contaminé.
Lanceuse d’alerte
Presque dix ans après son enquête “Le monde selon Monsanto”, Marie-Monique Robin démontre, faisceau de preuves à l’appui, l’extrême nocivité du Roundup, à l’heure où l’Union européenne doit décider de prolonger ou non l’autorisation du glyphosate sur le marché. Déclaré en mars 2015 “cancérigène probable” par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), et reconnu comme tel par des études scientifiques secrètes commanditées par Monsanto, l’herbicide, omniprésent dans l’eau, l’air, la terre et les aliments, est aussi un perturbateur endocrinien, un antibiotique et un chélateur de métaux – il séquestre les minéraux. Face au silence coupable des agences de santé et à l’inertie des gouvernements, le film, à travers ce procès, montre également la mobilisation à l’œuvre de la société civile mondiale pour faire reconnaître l’écocide. L’enjeu ? La poursuite au pénal des multinationales dont les activités menacent la sûreté de la planète et la santé des hommes.
L’avenir du Roundup se joue à Bruxelles
L’Europe reconduira-t-elle l’autorisation de commercialisation du glyphosate ? Pour Monsanto, l’enjeu se chiffre en milliards de dollars. De la décision européenne dépend l’avenir du Roundup, pivot du modèle économique de la multinationale, mais aussi celui des semences OGM capables de le tolérer. Pas étonnant donc si l’on assiste à l’une des batailles les plus colossales jamais menées autour d’une molécule de synthèse, et qui rappelle, à bien des égards, les stratégies des industriels du tabac. Une controverse violente, pleine de rebondissements, où industriels, scientifiques et société civile s’affrontent sur cette question clé : le glyphosate est-il cancérigène ? Oui, selon l’agence de l’OMS chargée du cancer, le Circ, qui se base sur des études publiées par des experts dont l’indépendance a été vérifiée. Improbable, selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), deux agences qui se fondent, quant à elles, sur des études… confidentielles, fournies par les industriels. Depuis, la bataille fait rage. Les « Monsanto papers », des documents internes à l’entreprise déclassifiés par la justice américaine dans le cadre de procès, ont révélé l’ampleur des mensonges et manipulations pratiqués par Monsanto : campagnes de dénigrement contre des scientifiques, lobbying intense, conflits d’intérêts soigneusement cachés, rapports internes prouvant que la firme connaissait la nocivité du glyphosate mais tenus secrets… Le feuilleton continue.
Le Roundup face à ses juges, éd. La Découverte, 180 p., 18 €
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