Un journal extrémiste brésilien attaque et calomnie Pedro Casaldáliga
Par José Manuel Vidal, 14 octobre 2017
Dom Pedro Casaldáliga, l’évêque émérite de Sao Felix do Araguaia [1] est constamment la cible, y compris physique, des propriétaires terriens et de leurs alliés politiques et médiatiques. Bien qu’il soit retraité depuis 2003 et fragilisé par la maladie de Parkinson, ils continuent à le persécuter. La dernière attaque a été lancée par le rédacteur en chef de la « Gazeta de Vale do Araguaia » qui accuse le prélat d’origine espagnole de tous les maux dont souffre la Prélature jusqu’à le qualifier de « cancer » de la région.
Dans le journal qu’il dirige, Paulo Batista de Melo, a publié le 29 septembre un article partial, déformé et complètement faux [2]. Une attaque violente empreinte de haine contre Casaldáliga et contre les nobles causes qu’il représente : défense des indigènes et de la paysannerie. En d’autres termes, la cause de ceux qui, tout au long de l’histoire, ont été dépossédés, dans cette région du Mato Grosso à laquelle il a consacré sa vie entière.
Le journaliste commence ses diatribes en accusant le prélat d’avoir fait obstacle à la construction de l’autoroute BR-158 « Malheureusement, dit-il, de nombreuses pierres furent placées sur la route à l’instigation malveillante de Dom Pedro Casaldáliga qui, avec des centaines de paysans, s’immisça dans les travaux et les pétitions qui circulaient à cette époque.
Selon ses dires, Paulo Batista prétend que les entrepreneurs perdirent patience et que certains d’entre eux abandonnèrent leurs projets dans cette zone, alors que d’autres finirent par créer une « puissante station de radio (Radiobras) à Sao Felix do Araguaia pour combattre la folie de Casaldáliga ».
Il ajoute qu’en plus de s’opposer à la construction de la route, l’évêque avait mis les indigènes sur le pied de guerre, en refusant que l’on passe sur leurs terres, ce qui obligea à modifier le tracé, et à faire un détour de 60 kilomètres.
Dom Pedro ne s’est pas opposé à la construction de la route, pas plus qu’il n’a incité les Indiens Xavante à le faire, étant donné que cela se passait en 2013, époque à laquelle il était déjà émérite et que sa santé s’était détériorée.
Mais le journaliste de « A Gazetta » continue ses attaques, allant jusqu’à l’insulter personnellement en s’abritant sur de supposés « colons » de la région, non identifiés qui « auraient dit que Dom Pedro Casaldáliga était le cancer de la Valle de Araguaia ».
La vérité, comme tout le monde le sait, est que l’évêque-poète a non seulement permis de faire connaître au monde la Prélature de Sao Feliz, et que, par sa lutte, il a défendu les droits des petits paysans à un travail digne les sortant du « travail-esclave », en même temps qu’il défendait le droit à la terre des indigènes.
Tout cela en risquant littéralement sa vie. En fait, la police militaire a assassiné le Père Joao Bosco, un de ses collaborateurs en visite à la Prélature, en le confondant avec Casaldaliga. Il fut l’objet d’innombrables menaces de mort de la part des propriétaires terriens et de leurs alliés politiques.
Mais les accusations ne s’arrêtent pas là. De façon maladroite, le journaliste essaie de disqualifier Casaldáliga (citant toujours des sources sans les identifier). Il va jusqu’à l’accuser de faire une discrimination contre les riches sur le plan pastoral. « Selon les habitants de Sao Feliz, l’évêque ne célébrait pas le mariage et n’accueillait pas les personnes qui avaient de grandes propriétés, ainsi que leurs familles » dit le rédacteur en chef.
Tout le monde sait que la maison de Dom Pedro a toujours été ouverte à tous et qu’il a toujours défendu les droits et les pauvres, sans jamais refuser les sacrements aux propriétaires terriens et à leur famille. En fait, il n’a jamais refusé les sacrements aux propriétaires terriens, sauf à ceux qui se déclaraient ennemis du peuple et les opprimaient.
Dans son accusation le journaliste va encore plus loin, et c’est à l’intérieur de l’Église qu’il cherche des raisons pour justifier ses propos. Ce faisant, il montre le caractère insensé de ses calomnies. En effet, afin de rendre crédible l’affirmation selon laquelle Dom Pedro a été le cancer de la Vallée de Araguaia, il écrit que « même le Vatican lui a reproché d’avoir causé du mal aux paysans, aux Indiens et aux habitants de la Vallée de Araguaia ».
Il est bien connu que Paul VI le nomma évêque [3], et lui a fait pleinement confiance, même si Jean-Paul II lui fit des remarques lors de son unique visite au Vatican. Mais ce n’était pas à cause de sa défense des pauvres, des paysans et des Indiens, mais du fait de son refus de quitter Sao Felix pour se rendre en visite ad limina. Et bien sûr, le Pape François le considère comme une des icônes de l’Église pauvre qu’il voudrait instaurer. Il lui a même demandé conseil pour son Encyclique « Laudato Si ».
Paulo Batista termine son article en s’étonnant que, malgré toutes ces accusations, « il y a encore des gens dans les capitales qui défendent Dom Pedro. » Et pour parachever ses allégations, il dévoile ses préférences idéologiques et ecclésiales : « Ceux qui racontent la véritable histoire de Casaldáliga, c’est l’Institut Plinio Correia de Oliveira (fondateur du TPF – Tradition, Famille, Propriété ».
Plinio Correia (Sao Paulo, 1908–1995) était un homme politique et journaliste brésilien, idéologue et fondateur de « Tradition, Famille et Propriété », un des mouvements ultra-catholiques des plus fondamentalistes. Dans un premier temps, il se rallia à l’archevêque schismatique Marcel Lefebvre.
Ensuite, il s’écarta des lefebvristes pour rejoindre un mouvement ultra-catholique si rigide qu’il pratiquait des châtiments corporels et des humiliations publiques et, selon la CIA, « l’entrainement dans le maniement des armes et le combat corps à corps ».
De fait, le 18 avril 1985, l’Assemblée Nationale des Évêques du Brésil déclara que par « le caractère ésotérique, le fanatisme religieux, le culte voué au fondateur et à son père, » le TFP n’était plus en communion avec l’Église catholique, et demandait aux fidèles brésiliens de ne pas rejoindre l’organisation ni travailler avec elle.
Tels sont les compagnons de route du rédacteur en chef de la « Gazeta » qui essaie de noircir l’image de la figure exceptionnelle, et de renommée mondiale, de la Vallée d’Araguaia. En s’appuyant sur cette source ultra-catholique dénuée de toute crédibilité, et sur d’autres sources non dévoilées (probablement inventées), Paulo Batista fait sienne la vielle maxime : « Calomniez, il en restera toujours quelque chose ».
Pourtant dans ce cas, et bien que cela soit le but recherché, le journaliste ne parviendra pas à ternir l’histoire exemplaire d’un des prophètes de l’Église d’aujourd’hui. Dans sa 90e année, Casaldáliga continue à être une icône pour tous à Sao Felix do Araguaia, comme dans le monde.
Lucide dans son silence, il continue à vivre dans sa maison de briques et de tôles ondulées de toujours, près de la communauté des Augustins qui veille sur lui, et continue à encourager la « caminhada » et la libération des opprimés, comme il l’a fait sa vie durant. En prodiguant de l’amour à tous, mais avec une préférence pour les plus pauvres et les plus déshérités. À la façon de Jésus de Nazareth. C’est pour cela que, comme pour Jésus, certains ne cessent de le crucifier.
Notes :
[1] Pedro Casaldáliga est un prêtre catholique espagnol, originaire de Catalogne, naturalisé Brésilien. Religieux de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, prélat émérite de São Félix do Araguaia depuis février 2005.
[2] http://agazetadovale.com.br/2017/09/29/rodovia-br-158/ [3] En 1971Traduction : Guy et Régine Ringwald
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