L’arrivée du Pape à Santiago
Par Régine et Guy Ringwald
Le texte que nous publions ci-dessous, d’Anibal Pastor, relate le trajet du Pape François entre l’aéroport et la nonciature, où il doit résider les trois jours qu’il passe au Chili. Après la réception protocolaire par la présidente Michelle Bachelet à l’aéroport, il s’est arrêté – selon l’Osservatore Romano, ce détour n’était pas initialement prévu au programme – pour prier sur la tombe de Mgr Alvear, “évêque des pauvres”, mort en 1982. Il est ensuite reparti vers la nonciature. Cette démarche résonne avec le “Pacte de conversion pastorale” [1] qu’un groupe de laïcs et de religieux avaient proposé aux évêques chiliens, samedi dernier, et qui citait spécifiquement à Mgr Alvear.
Le site chilien El Mostrador a publié le texte d’Annibal Pastor avec l’introduction suivante :
Peu après la fin du premier déplacement du Pape à Santiago, un message des communautés de La Legua [2], qui n’est signée que par Aníbal Pastor, théologien, dénonce le manque de considération pour la communauté de la paroisse Saint-Louis Beltrán, où se trouve la tombe de Mgr Enrique Alvear, appelé “Evêque des Pauvres”. Les membres présents n’ont pu le saluer que de loin, ce qui a généré un contraste frappant avec ce qui s’est passé à la Nonciature apostolique, où le Pape a approché les gens, dont la plupart étaient des “adolescents des écoles catholiques de l’Opus Dei”.
Dans ses discours et homélies de mardi, le Pape François a fait plusieurs fois référence à Saint Alberto Hurtado, jésuite chilien (1901-1952) très engagé auprès des défavorisés, particulièrement les jeunes, un héros national, ainsi qu’à Mgr Alvear, et de nombreux emprunts à Pablo Neruda, la poétesse Gabriela Mistral, la chanteuse Violetta Parra.
Père Alberto Hurtado Mgr Enrique Alvear
Empruntant les mots du célèbre poète Pablo Neruda, il a appelé les Chiliens à refuser toute «prostration négative » et toute « immobilité paralysante » qui ne visent qu’à enfermer les consciences dans un conformisme tranquillisant, alors que les béatitudes peuvent contribuer à faire naître un avenir de paix et de réconciliation au Chili. En Araucanie, ce mercredi 17, il a emprunté à Violetta Parra un chant de plainte : “Arauco est une peine que je ne peux pas taire : ce sont des injustices qui durent depuis des siècles qui vont continuer”. A la suite de Gabriel Mistral, il a chanté cette terre “bénie par le Créateur”, sa verte campagne, ses forêts.
Le Pape François qui, jusqu’ici, avait ostensiblement manifesté son désir d’être au contact de la foule, a parcouru la plus grande partie du trajet, ainsi que tous les trajets de la journée de mardi, dans une voiture fermée, entourée d’une nuée de voitures assurant la protection. Il est à peine visible et salue et bénit la foule de loin, par la vitre ouverte.
Notes :
[1] Texte fortement inspiré du Pacte des Catacombes [2] Communauté de base dans une poblacion , au sud de Santiago_________________________________
Ce n’est que de loin que les pauvres ont vu passer le Pape.
Par Anibal Pastor N.[1]
Une sécurité rigoureuse et une manifeste sortie du protocole ont marqué l’arrivée de François au Chili.
Voyageant à l’intérieur d’une voiture fermée qui entrait même jusque dans les jardins intérieurs de la paroisse San Luis Beltran [2], entourée de quelque 20 gardes, le pape François saluait de loin les pauvres, qui attendaient à l’extérieur de l’église. Ce fut la première étape du voyage entre l’aéroport et la nonciature apostolique.
Cette paroisse est située dans un secteur populaire de l’ouest de Santiago, près de l’aéroport. Elle se caractérise par une population marquée par la pauvreté, le chômage, la drogue et l’absence de perspectives. Là-bas, cinq mille personnes environ avaient stationné tout l’après-midi, avec des chansons et des hymnes populaires, attendaient avec enthousiasme l’arrivée du Pape François, mais ont fini par être “déçues” de ne pas avoir eu de contact avec lui, comme ils l’ont dit aux médias.
C’est en ce lieu que se trouve la tombe de Monseigneur Enrique Alvear, qu’on appelle « l’évêque des pauvres » et qui était, durant la dictature, un fidèle collaborateur du Cardinal Raúl Silva Henriquez et du « Vicariat de la Solidarité ». A cette époque, Alvear défendait, non seulement les droits humains, mais il encourageait également les communautés chrétiennes populaires et proclamait avec courage une église des pauvres et pour les pauvres.
Cette première déception de ceux qui sont exclus de l’organisation de la visite de François contrastait fortement avec son arrivée à la nonciature apostolique.
Ici, à la fin du trajet, la papamobile [3] s’est arrêtée dans la rue, sans entrer dans l’enceinte diplomatique, où environ 300 personnes attendaient le pape. Celles-ci avaient été dûment invitées et enregistrées par le comité national d’organisation, et par conséquent c’est en une évidente entorse au protocole qu’elles ont pu saluer et embrasser François alors qu’il bénissait les enfants, les familles et les malades.
La plupart étaient des adolescents d’écoles catholiques appartenant à l’Opus Dei, comme certains d’entre eux l’ont signalé à la presse et de quelques jeunes familles avec des enfants dans les bras, appartenant à des mouvements et des paroisses des classes moyennes.
Pour le reste du trajet, il a seulement été souligné le haut niveau de sécurité. Alors que certaines organisations populaires de jeunes manifestaient leur protestation contre la visite papale dans le centre de Santiago, et que les laïcs d’Osorno brandissaient leurs pancartes contre l’évêque Barros, on pouvait observer dans les bâtiments du trajet des tireurs d’élite qui surveillaient le comportement des citoyens.
Sur les trottoirs, des pèlerins argentins et des migrants, surtout des Vénézuéliens et des Haïtiens, s’étaient joints aux Chiliens et aux Chiliennes qui, à la dernière minute, décidèrent de se rendre à l’Alameda Bernardo O’Higgins, pour recevoir François. C’était une foule très différente de la foule massive qui avait reçu Jean-Paul II, il y a 31 ans en pleine dictature militaire.
Source : Y los pobres sólo vieron pasar de lejos al papa (http://www.elmostrador.cl/noticias/pais/2018/01/16/y-los-pobres-solo-vieron-de-lejos-al-papa/)
Traduction : Régine et Guy Ringwald
Notes :
[1] Anibal Pastor N. est théologien et journaliste.[2] Le pape se rendait en ce lieu pour prier sur la tombe de Mgr Alvear (voir plus loin)
[3] Le Pape avait changé de voiture avant d’arriver à la nonciature par l’Avenue principale de Santiago.
Source des illustrations :
– Alberto Hurtado : Biblioteca del Congreso Nacional de Chile [CC BY-SA 3.0 cl (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/cl/deed.en) or CC BY-SA 3.0 cl (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/cl/deed.en)], via Wikimedia Commons
– Mgr Enrique Alvear : Philippus2011 (Own work) [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons