L’Église n’est pas réformable par le haut
Patrice Dunois-Canette.
Les questions qui vont décider de l’avenir de l’Église de France, de ce qu’elle doit faire et plus encore doit être ne peuvent être renvoyées sans cesse à plus loin, plus haut.
Attendre de Rome les changements nécessaires serait accepter que se perpétuent dans l’Église des rapports de pouvoir hiérarchique qui empêchent les Églises locales qui chacune sont l’Église de se doter de méthodes collectives de travail et de réflexion pastorales et doctrinales adaptés aux besoins des communautés et aux urgences de la communication du message évangélique.
L’Église catholique est une Église d’Églises.
L’Église de Rome ne peut prétendre détenir au niveau théorique comme au niveau empirique toutes les ressources pour déterminer ce que peuvent ou ne peuvent entreprendre ces Églises. Cette vision patriarcale et monarchique doit être questionnée, contestée, remise en cause.
Les Églises locales et leurs fidèles doivent cesser d’attendre tout du centre, de cultiver une papaphilie qui voit les papes comme les censeurs autorisés ou les pères Noël bienveillants des aspirations.
Pour emprunter au langage théologique, il est urgent que les questions du « local » et de « l’universel », du respect des différences et de la nature de la communion des Églises soient reprises.
Il est urgent que chaque Église locale prenne conscience de son identité et de ses responsabilités sans toujours se défausser en renvoyant sur Rome.
Il est urgent que Rome lâche la bride qui paralyse les Églises locales. Il est urgent que les Églises locales s’affranchissent de la tutelle de Rome et de leur absolue dépendance au pontife universel, fut-ce-t-il doué d’un caractère pastoral aimable.
Chaque Église locale, doit pouvoir se donner capacité à trouver les voies et moyens de vivre et de partager le message de sens qu’elle porte dans les conditions géographiques, culturelles, sociales, concrètes de son insertion.
Pour le dire autrement, il est pertinent d’interroger les notions théologiques qui déclarent de droit divin le pouvoir romain. Nécessaire de s’interroger sur la réalité du titre « serviteur des serviteurs de Dieu » donné à l’évêque de Rome ». Vital de repenser une communion ecclésiale compatible avec la reconnaissance de l’existence dans l’Église catholique d’Églises catholiques.
Les images d’Épinal du pape François portées par les médias ne peuvent cacher que ce pape comme ses prédécesseurs a plutôt centralisé le pouvoir et les décisions, tout en qualifiant par ailleurs le Vatican de « monarchie ».
Sur cette question essentielle, le Concile a ouvert des portes. Il faut reprendre le travail engagé. Il faut s’affranchir du poids des structures romaines et de la représentation du Pape comme monarque absolu, sortir des frilosités théologiques qui empêchent que soient prises en considération les attentes des communautés, et la réalité d’un monde qui bouge vite.
Les Églises locales ne peuvent, sous peine d’être de plus en plus en porte à faux, renvoyer à plus loin et plus haut les questions sur lesquelles se joue leur avenir : discours, normes, dogmes, organisation, services et ministères pratiques de l’autorité. Sauf à vouloir demain être dénoncée comme dernier bastion du conservatisme patriarcal et être traduit devant les tribunaux pour non-respect des droits fondamentaux, les Églises locales n’ont plus de temps à perdre notamment, pour répondre concrètement à la question de la place et des rôles des femmes. Il n’est plus temps d’attendre je ne sais quelle autorisation Romaine ou une « bonne nouvelle » proclamée par François. On l’a vu avec la question du diaconat. Dire sa déception ne suffit pas. Constater que le Pape dont le pontificat s’achève serait « empêché », attendre un pontificat qui regarderait les demandes des baptisés comme relevant du sensus fidei est, dans le contexte que l’on voit se dessiner illusoire.
Aujourd’hui, les catholiques qui se sont engagés dans l’immense travail de propositions que l’on connaît doivent faire pression pour que toutes les questions posées au long de la démarche synodale soient traitées au sein des Églises locales, au sein de l’Église locale qui est en France.
Invitons les évêques à faire preuve enfin d’un peu de courage et de liberté. À dire publiquement ce qu’ils disent en privé ou lorsqu’ils sont devenus « émérites ». À moins que secrètement ils voient le demain de l’Église comme un demain aux mains d’une sorte de Rassemblement national catholique ou s’y résignent.
C’est de l’avenir dont il est question pas de sauver les meubles par des atermoiements, dérobades, compromissions, croyances qu’hier puisse devenir demain et replis sectaires, campement dans des visions intransigeantes. Et cet avenir concerne aussi les baptisés désignés comme non-clercs ou laïcs. Demandons par exemple, à la CEF (Conférence épiscopale de France) la création d’une instance, d’un bureau, d’une commission qui sérieusement, de manière organisée et durable s’empare de manière concrète de la question de la place et des rôles des femmes dans l’Église en France. Et pour être précis proposons à ladite commission de définir avec les représentants.es des associations féminines catholiques quelles sont parmi les propositions des « cahiers » du synode celles qui pourraient être abordées prioritairement et pourquoi, de préciser celles qui paraissent problématiques ou conflictuelles et pour quelles raisons, de constituer avec les représentants et les experts de ces associations, des commissions de travail sur les propositions faisant l’objet de convergences voire d’accords ; sur les propositions faisant l’objet de divergences ou désaccords et qui justement doivent faire l’objet d’un travail permettant de « démonter » et de « nettoyer » mes crispations conduit dans un esprit de conversion d’ élaborer, dans un jeu de relectures croisées, un document dressant un état des lieux précis, informé, de l’examen de chacune des propositions, des points d’accord et de désaccord, des questions à reprendre et à poursuivre. D’arrêter pour chacune des propositions soumises à l’examen et au débat, un calendrier des travaux, d’élaborer des rapports communs d’étape documentés, et mis à disposition de tous.tes…
Cessons de penser que l’Église serait réformable par le haut. Mais prenons acte qu’elle l’a été quand la hiérarchie a accepté de marcher avec les baptisés, de les entendre. Et que ceci s’est souvent fait dans la douleur.
Quittons cette posture « filiale » qui fait de nous des subordonnés, des assujettis, des dépendants ou encore des « soutanes » roses ou bleues d’un épiscopat qui ne bougera pas si nous ne le bousculons pas. Ne nous laissons plus « berner » par cette sempiternelle ritournelle qui voudrait que l’Église s’inscrivant dans un temps long, tout puisse être différé.