Par Jacques Gaillot, évêque de Partenia, avec Bertrand Gaufryau, chef d’établissement, citoyens du monde (Témoignage Chrétien).
Des citoyens, jeunes ou âgés, femmes, hommes, français ou étrangers, simplement décidés de partager des moments de joie ensemble. Depuis vendredi soir, l’émotion nous a submergés et la tristesse nous fait mal à l’âme et au corps. Nous avons tous été blessés par cette violence aveugle, qui ne se voulait pas cibler symboliquement un lieu, une communauté, mais plus profondément ce que nous sommes : des citoyens vivant dans une République qui s’est donnée au fil du temps comme ciment les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité auxquelles nous pouvons ajouter celle de laïcité. Ainsi, peu à peu nous avons construit ce vivre ensemble, au-delà de nos opinions politiques, nos convictions religieuses, nos aspirations ou choix philosophiques.
Avec patience et ténacité, nous avons accueilli celui qui est différent parce que venant de pays de culture autre que la nôtre. Peu à peu, les amalgames, les stigmatisations, les raccourcis, les mots interdits nous ont fait dévier de l’essentiel.
Peu à peu les petites lâchetés au quotidien, l’acceptation de ces facilités sémantiques se traduisant par couleur de peau = étranger = islam = islamisme = terrorisme ont conduit à blesser notre bien commun. Au nom de Dieu, la violence a été justifiée par les terroristes. Derrière Dieu qu’ils ont pris en otage, c’est la démocratie qu’ils bafouent parce qu’ils l’exècrent.
Au-delà des douleurs, tragédies individuelles, familiales et collectives, demeurer des artisans de Paix, ne jamais céder à l’essentiel qui serait de surjouer la violence au-delà de celle que nous avons vécue, subie. Il y a en nous le risque de s’opposer aux barbares en les imitant, c’est-à-dire en cédant aux tentations de la haine, au rejet et à l’exclusion de ceux et celles qui seraient différents de nous. Parce que ressort cette inévitable tentation mortifère de la domination que nous pourrions, devrions exercer.
Et demeurer plus que jamais fidèles aux valeurs de la République. Oui, la Paix doit être plus forte que la violence, la haine, la barbarie. Et demeurer plus que jamais fidèles aux valeurs de la République ! C’est la seule arme qui puisse nous rassembler, nous aider à dépasser la douleur, la souffrance et permettre de reconnaître en chacun, une personne unique, digne d’être respectée pour ce qu’elle est.
La Paix sera-t-elle plus forte que la violence, la haine, la barbarie ?
Notre pays est en guerre. Nous intensifions les frappes, nous continuons le commerce des armes, nous intervenons militairement dans des pays qui ne sont pas les nôtres, et pendant ce temps nous délaissons des peuples amis, dont le peuple palestinien. Voilà des causes qui provoqueront hélas de nouveaux attentats à l’avenir. Vivre les valeurs de la République est un chemin juste, l’emprunter est nécessaire, mais ne suffira pas à procurer la paix, car nous prenons les sentiers de la guerre.
Comme il est difficile de prendre les chemins de la Paix !
Source : TC