La dernière parution des Réseaux des Parvis
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Plutôt qu’un fonctionnement pyramidal, NSAE a choisi de privilégier un fonctionnement en réseau(x) : des collectifs locaux, des associations adhérentes, mais aussi des structures auxquelles NSAE participe aux côtés d’autres entités, pour porter des combats ou des réflexions dans lesquels nous nous retrouvons.
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Dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juin 2016, près de 50 personnes ont été assassinées, et d’autres blessées grièvement, à Orlando (USA) dans une discothèque. Cette attaque visait tout particulièrement la communauté LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, trans, intersexes).
Notre première pensée va aux victimes et à leurs proches à qui nous exprimons notre profonde peine.
En tant qu’êtres humains, nous sommes choqué-e-s par la barbarie de cette tuerie.
En tant que lesbiennes, gays, bi, trans et intersexes, nous disons notre colère contre le caractère homophobe de cette attaque.
En tant que chrétien-ne-s, nous réaffirmons que pratiquer le terrorisme et tuer quiconque au nom d’une religion est un outrage à notre commune humanité et contraire à l’appel de Dieu dans nos vies.
Des frères et des sœurs humains sont morts car ils-elles étaient LGBTI, ou participaient à une fête gay. Nous appelons toutes les personnes de bonne volonté à lutter contre la haine envers les minorités et leur négation. Nous les invitons à éviter tout amalgame en particulier islamophobe et à lutter contre toutes les formes de violence.
David & Jonathan
Par la Communauté Point 1
Nous nous sommes retrouvés une cinquantaine autour de Lucienne Gouguenheim, coauteure du livre, pour évoquer avec nos partenaires la richesse de ces 9 chapitres qui rassemblent de très nombreuses pages, publiées dans la Revue des Réseaux des Parvis et ses 30 hors série depuis la naissance de la fédération en 1999. Lucienne a eu la difficile tâche de résumer l’essentiel en 1/4heure ! Gageure vue la richesse du livre.
Conçue dans le sillage de Vatican II, la fédération a pris corps face aux menaces de reprise en main cléricale et réactionnaire illustrée par l’éviction de l’évêque Jacques Gaillot.
Témoins et héritiers des débats et de l’espérance invincible de ce concile qui ouvrait l’Église au monde et à sa modernité, ces «chrétiens en liberté » s’efforcent d’être « à l’écoute de l’évangile » (…) « engagés avec les femmes et les hommes de tous horizons qui travaillent à bâtir un monde plus juste et plus fraternel ». C’est ce chemin qu’une cinquantaine d’associations très diverses ont choisi d’emprunter ensemble.
Notre Communauté Point 1, membre de la fédération depuis 1999, mais beaucoup plus ancienne à Rouen, a été présentée en introduction de la soirée.
La diversité des Réseaux et de leurs préoccupations, sociales, économiques, environnementales, mais aussi bien sûr spirituelles, apparaît grâce à la multiplicité des thèmes repris dans le livre.
Les engagements concrets des associations des Réseaux et de leurs membres dans ces divers domaines, sont le fil rouge de l’ouvrage.
En effet, comme l’écrivait dans la revue en 2009 MD Chenu : « Être chrétien, c’est à dire croire que Dieu est venu dans l’Histoire, c’est se tenir là où naissent, où jaillissent des forces neuves qui construisent l’humanité (..). Dieu vient dans un monde, comme à sa rencontre. Il est devant et il appelle. Il bouscule, il envoie, il fait grandir, il libère. (…) Tout autre Dieu est un faux dieu, une idole, un dieu mort, et il est temps que notre conscience moderne l’enterre ».
Nos partenaires de la soirée, Jean-Louis Meuric pour le CCFD-Terre Solidaire, Philippe Hardouin pour Témoignage Chrétien-Yvetot, Jean-Marie Héricher pour les théologies de la libération, Patrice Siard pour l’ACO et Laurence Renou pour la JEC, ont successivement pris la parole pour présenter leurs engagements et dire ce qui, dans le livre des Parvis, les avait particulièrement intéressés : « de nombreuses pages ont fait écho en nous », ont-ils dit ; « sa lecture est aisée et prenante » a témoigné quelqu’un d’autre..
Une grande cohérence est apparue entre les engagements des uns et des autres pour faire grandir l’Humain en chacun(e) en essayant d’être fidèles à quelques règles qui nous sont communes :
– être à l’écoute de l’autre, principalement de celui qui est en souffrance à nos côtés,
– entrer en dialogue avec lui dans la vérité,
– avoir le souci impérieux qu’il soit acteur de sa propre émancipation.
La réflexion qui prend racine dans la vie concrète, et l’agir collectif qui en découle sont communs, au-delà de nos diversités : aux paysans des pays du Sud que le CCFFD-Terre solidaire soutient dans leurs luttes contre l’accaparement des terres par les multinationales.
Aux équipes d’ACO dont les membres aux appartenances syndicales ou politiques diverses, parfois même opposées, savent dépasser les situations conflictuelles pour réfléchir leur foi en Jésus-Christ et agir ensemble.
Aux communautés de base d’Amérique latine qui, faisant vivre la théologie de la libération, sont très souvent en conflit avec la hiérarchie ecclésiale liée aux pouvoirs locaux.
Aux jeunes, chrétiens ou non, des équipes JEC collège et lycée, à la recherche d’un « vivre ensemble », bousculé par l’actualité proche et lointaine ; des équipes qui sont avant tout des lieux de parole où l’on se coltine le réel, et de là peut naître une interrogation sur soi même et sur la foi chrétienne. ».
Quant aux amis de TC-Yvetot, ils nous ont dit la diversité et la richesse des thèmes sur lesquels ils réfléchissent au cours de leurs soirées mensuelles, y compris en interreligieux (et un ami musulman présent a été salué). Ces échanges permettent à chacun de repartir avec des forces et des stratégies nouvelles pour faire advenir « un autre monde », car l’Espérance est au cœur de nos démarches, a-t-il été dit plusieurs fois.
Durant 45 min les interventions de la salle ont aussi mis l’Humain au cœur des échanges, qu’il s’agisse du dialogue de membres du MCC (mouvement des cadres chrétiens) avec l’ACO, de la présence aux prisonniers dans le cadre de l’aumônerie catholique ou de visites individuelles, du soutien du Secours catholique aux personnes en grande fragilité, ou d’actions diverses, dans le cadre d’une mairie par exemple (on ne peut tout citer).
Que les personnes impulsant ces actions soient chrétiennes ou ne le soient pas, là n’est pas la question puisque nous sommes « sur le terrain » ensemble, et quelqu’un, se présentant comme athée, a dit : « j’ai de nombreux engagements, je me sens très près de vous ; qu’est-ce qui nous sépare ? ». « La même Source nous fait vivre, que nous la nommions ou pas » a-t-il été répondu, et cette affirmation a été forte : « mettons ensemble tous les dynamismes ; j’ai besoin de votre énergie ; vous avez besoin de la mienne ».
Et puis, comme naturellement, est venue plusieurs fois une interrogation qui interpelle les chrétiens individuellement et collectivement : « qu’est-ce que l’évangélisation aujourd’hui dans notre monde ? ». Plusieurs réponses ont été apportées et lorsque Lucienne a dit « prendre au sérieux l’Évangile et le vivre, c’est cela l’évangélisation », quelques applaudissements se sont fait entendre, car c’est bien l’aspiration que nous partageons. Des questions intéressantes n’ont pas pu être creusées, entre autres celle de la laïcité, mais plusieurs ont dit « il faudrait poursuivre ensemble de temps en temps » ; alors pourquoi pas sur ce thème très actuel que deux des associations du Parvis (l’OCL – Observatoire Chrétien de la Laïcité – et le CEDEC – Chrétiens pour une Église Dégagée de l’École Confessionnelle) travaillent tout spécialement, comme en témoignent les articles du chapitre 3 intitulés « Laïcs laïques ».
Le chapitre 9 « Foi et spiritualité » et plusieurs échanges à ce sujet, ont permis d’évoquer Joseph Moingt ou John Song.
Les théologies de la libération (chapitre 8) vécues en Amérique latine par des témoins, tels que Gui Lauraire ou le Rouennais Michel Jeanne, seraient aussi un thème à approfondir, de même que « le pacte des catacombes », rédigé par quelques évêques, surtout du Sud, pour pallier à ce qu’ils estimaient être les manques du Concile.
Pour nous inciter à poursuivre dans ce sens, Jean-Marie Héricher nous a laissé un texte élaboré lors d’une session de formation d’équipes populaires belges en février 2015, texte intitulé : « Construire ensemble une théologie de la libération pour aujourd’hui » « Paupérisation galopante et annonce de la Bonne Nouvelle ». Après le sous-titre : « nous nous engageons à progresser dans ces diverses directions », 10 points sont énumérés, que nous pourrions approfondir ensemble pour tenter de les mettre en œuvre dans nos associations et nos vies personnelles.
Nous ne pouvons tout vous dire de cette soirée très riche !
Que ce compte-rendu vous incite à acheter et lire « l’Évangile sur les Parvis » dont la Procure a quelques exemplaires.
C’est une bonne boussole…
Lire l’intervention de Jean-Marie Hericher
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A la fin du mois de juillet, tu partiras avec tes amis en Pologne, pour la grande fête des JMJ. Vous serez des milliers de jeunes chrétiens et les medias du monde entier parleront de cet évènement.
Et sans doute, aux différents moments de cette rencontre, dans les diocèses où vous serez accueillis d’abord, puis au grand rassemblement autour du pape François à Cracovie, on vous rappellera la nécessité d’annoncer l’Evangile dans le monde. Ce qu’on vous dira peut-être moins, c’est que votre première mission devrait commencer là où vous serez, dans cette Pologne si catholique qu’elle en oublie la loi d’amour enseignée par Jésus de Nazareth.
Alors permets-nous de te rappeler quelques faits récents.
La Pologne refuse catégoriquement d’accueillir des réfugiés et de prendre sa part de l’effort demandé à tous les pays européens. Sous prétexte de préserver sa sécurité, elle ferme donc ses portes à des femmes, des enfants, des hommes en détresse. Il faut espérer que le pape François saura trouver les mots pour rappeler aux Polonais que la fraternité universelle n’est pas une option facultative dans la vie des chrétiens. Mais toi aussi, et tous les autres participants aux JMJ, parlez à vos interlocuteurs polonais, et dites-leur la nécessité mais aussi la joie d’accueillir et d’aider ceux qui frappent à nos portes.
Malgré les mises en garde de l’Union Européenne, dont la Pologne fait partie, son gouvernement ultra autoritaire cherche à entraver le fonctionnement démocratique en paralysant le tribunal constitutionnel et menace la liberté d’expression en prenant le contrôle de la plupart des medias publics. Le pape François, qui vient de recevoir le prix Charlemagne [1], trouvera certainement les mots pour rappeler au gouvernement polonais les valeurs fondatrices de l’Europe. Il pourra pour cela s’appuyer sur l’ancien président Lech Walesa, ami de Jean-Paul II, qui, avec deux autres anciens présidents, a appelé les Polonais à défendre la démocratie. Mais toi aussi, et tous les autres participants aux JMJ, rappelez-leur que l’Europe s’est fondée, après la deuxième guerre mondiale, sur le sacrifice de ceux et celles qui ont donné leur vie pour la liberté. Rappelez-leur aussi que l’Union Européenne a accueilli avec joie, après la chute du rideau de fer, la Pologne et les autres pays qui sortaient du joug de la dictature soviétique.
Le parti actuellement au pouvoir en Pologne cherche à faire adopter une loi visant à interdire l’IVG dans presque toutes les situations, alors que la loi polonaise est déjà l’une des plus restrictives en ce domaine. Certes, tu as le droit de penser que l’avortement est un mal et qu’il faut tout faire pour l’éviter. Mais tu es certainement convaincu de l’importance de la liberté de conscience. Et se contenter de condamner, renvoyer des jeunes femmes, des jeunes filles à leur désespoir, les laisser prendre les risques terribles d’un avortement clandestin, est-ce une attitude humaine et a fortiori chrétienne ? Même Danuta Walesa, l’épouse de Lech Walesa, catholique fervente, s’oppose à ce projet de loi.
Car, vois-tu, ce qui nous préoccupe particulièrement, c’est que l’épiscopat polonais soutient ce gouvernement si éloigné des valeurs fondatrices de l’Europe et du message d’amour de l’Evangile. Sans doute tous les catholiques ne sont-ils pas sur la même ligne, mais il importe vraiment que vous, jeunes de tous les pays, sachiez vous opposer pacifiquement mais fermement, au nom de l’Evangile, à toutes les paroles ou actions qui ferment les portes au lieu de les ouvrir, surtout si c’est au nom de la préservation de « l’identité chrétienne de l’Europe ». Apportez un message de fraternité et de liberté partout où vous serez en Pologne. Les Polonais en ont besoin, l’Europe et le monde en ont besoin.
Nous te souhaitons de tout cœur, ainsi qu’à tous ceux et celles qui seront avec toi aux JMJ, de beaux moments de joie, d’espérance et de partage fraternel. Et que souffle l’Esprit !
Pour le bureau de la Fédération des Réseaux du Parvis,
Marie-Anne Jehl, présidente.
Note :
[1] Le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle est un prix fondé en 1949 et décerné depuis 1950 par la ville d’Aix-la-Chapelle à des personnalités remarquables qui se sont engagées pour l’unification européenne.
« A l’écoute de l’Evangile, libres et unis dans la diversité des Réseaux du Parvis, nous partageons nos recherches et nos convictions, et nous sommes engagés avec les femmes et les hommes de tous horizons qui travaillent à bâtir un monde plus juste et plus fraternel. »
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Par Colette Gluck
Notre vécu n’est que celui du « colibri » du conte indien rapporté par Pierre Rabhi. Mais dans la situation actuelle, encore aggravée par l’accord honteux UE/Turquie, notre expérience nous fait vivre toute la richesse de la solidarité humaine. La communauté Point 1, réunie en septembre pour réfléchir à la manière de venir en aide aux demandeurs d’asile arrivés dans la ville et vivant à la rue, a créé le 19 octobre 2015, avec chrétiens et non-chrétiens, un groupe d’appui à des associations sensibles à notre problématique. Dès ce jour-là, un nombre suffisant de personnes s’étaient engagées à verser 20 euros par mois, un an minimum, pour que le financement d’un appartement F3 soit possible.
Le bail a été signé par la conférence Saint Vincent de Paul de Rouen en lien avec un couple et quatre enfants, Roms de Serbie, vivant en caravane depuis leur arrivée fin mars. FTDA (France Terre d’Asile) les avait fait inscrire comme demandeurs d’asile à la préfecture, avait veillé au dépôt de leur récit de vie pour l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), mais ne les avait pas logés car ils étaient en « procédure accélérée » (c’est-à-dire ressortissants d’un pays dit « sûr »). Nos amis Roms ont donc pu s’installer au chaud début novembre, dans le soulagement et l’émotion de tous.
Notre groupe d’appui, dénommé « Point Accueil Migrants » (PAM) puisqu’ouvert au-delà de la communauté Point 1, a décidé d’accompagner cette famille au quotidien, en partenariat avec la Société Saint Vincent de Paul (SSVP), inhabituel pour nous mais peu à peu « rôdé ». Nous nous sommes partagé les responsabilités : pour SSVP, vie matérielle quotidienne et scolarisation des petits ; pour PAM, aide à la scolarisation des grands en collège, alphabétisation des parents et prise en charge, avec la Cimade et un avocat en aide juridictionnelle, de leur dossier d’appel à la Cour Nationale d’Asile ; en effet l’OFPRA a refusé leur droit au séjour malgré les persécutions dont la famille a été victime. La convivialité est assurée par les deux groupes, en évitant de multiplier les personnes « aidantes » pour ne pas « noyer » la famille dans les visites et la dépendance. Dès le refus de l’OFPRA, l’aide à l’asile a disparu et c’est la paroisse voisine qui a demandé l’engagement de ses membres pour financer la vie quotidienne avec l’appui de la Banque alimentaire. Cela a été facilité par le fait que cette famille orthodoxe s’est intégrée dans la paroisse catholique du quartier, qui a accueilli parents et enfants avec joie.
Puis des personnes nouvelles ont proposé à PAM de financer un second logement, dont le bail a été signé par Welcome Rouen Métropole, association non confessionnelle créée fin 2015. En principe, Welcome organise l’hébergement des demandeurs d’asile chez l’habitant, avec « rotation » des accueils ; mais PAM a fait inscrire dans les statuts la possibilité de louer un appartement, seule solution pour une famille nombreuse. L’une d’elles est accueillie et accompagnée depuis début avril dans ce nouveau logement que nous avons meublé.
Presque toutes les familles réfugiées sans toit sont déjà déboutées du droit d’asile, donc sans papiers. En les logeant, nous nous engageons sur le long terme, au-delà du seul paiement du loyer puisque ces personnes, sans droit au travail, n’ont aucune ressource. Nous pensions que nos appartements ne seraient que des gîtes provisoires en attendant un logement en CADA (Centre d’accueil de demandeurs d’asile) par FTDA. Il a fallu nous adapter… en espérant que d’autres personnes pourraient relayer les premières et que le délit de solidarité vis-à-vis des sans papiers ne serait pas remis au goût du jour.
En bref, pour la première fois, notre communauté est engagée collectivement dans une action de longue durée. Le partenariat concret avec d’autres associations et d’autres personnes est enrichissant ; et par ailleurs, notre expérience semble stimulante. Des paroisses s’étant engagées à leur tour, des liens ont été noués avec des catholiques plus « ecclésiaux » que nous. Avec les non-chrétiens embarqués avec nous, nous sommes davantage en terrain connu, mais certains copains avec lesquels nous avons l’habitude de militer trouvent que nous faisons de la « pêche à la ligne » au lieu de garder nos forces pour mettre l’État devant ses responsabilités.
Pour nous, l’un n’empêche pas l’autre et accueillir le mieux possible chaque personne ne peut que motiver davantage pour des luttes globales sur la question de l’immigration car, en ce moment, celles-ci sont également indispensables.
Le samedi 2/4/2016, à la Roche-sur-Yon, SEL 85 accueillait Lucienne Gouguenheim et Jean-Bernard Jolly, coauteurs avec Didier Vanhoutte de L’ÉVANGILE SUR LES PARVIS. Ce livre, édité par « Temps Présent », rassemble une sélection d’articles parus dans la revue LES RÉSEAUX DES PARVIS entre 2000 et 2015.
La dernière page de l’Evangile sur les Parvis atteste de la grande diversité du catalogue de Temps Présent qui depuis 1937 a incarné une mise en marche de l’Eglise, dans la ligne du personnalisme d’Emmanuel Mounier et de l’Action Catholique. Une ligne encouragée par le pape Pie XI qui voyait avec lucidité la montée du fascisme en Europe. Temps Présent produisait « la Quinzaine » qui fut condamnée par le pape suivant en 1955. Puis ce fut « la Lettre » avec Jacques Chatagner « qui a participé en France, pendant plus de 50 ans à tous les combats de la gauche et de l’extrême gauche chrétiennes » (page 246).
On trouve en fin de livre, la présentation des invités de SEL 85 ; Lucienne : astrophysicienne. Adhérente et administratrice de « Nous sommes aussi l’Église. » (NSAE), animatrice du Groupe « Évangile et société- Parvis » et Jean-Bernard, religieux mariste, retraité de l’Éducation Nationale, Adhérent de l’association «Communautés chrétiennes dans la cité ».
Comment sont nés les Réseaux des Parvis ? L’événement déclencheur fut la destitution de l’évêque Jacques GAILLOT, après qu’il eut écrit « Coup de gueule contre l’exclusion » en concomitance avec une requête de chrétiens d’Autriche concernant des problèmes de pédophilie dans l’Église. Un groupe de lecteurs « Témoignage chrétien » sur Paris a pris la parole. Plusieurs associations concernées par «l’exclusion » pratiquée par l’organisation de l’Église catholique romaine décidèrent, en 1999 de se regrouper pour fonctionner en Réseau sur le PARVIS en créant la fédération Réseaux du Parvis qui regroupera bientôt une cinquantaine d’associations. Puis par solidarité avec les exclus de tous bords, le titre des Réseaux des Parvis s’imposera. La revue de l’association « Femmes et Hommes en Église » avec Alice GOMBAULT comme rédactrice en chef, acceptait de se saborder pour faire naitre la revue des Réseaux des Parvis. Par la suite Didier VANHOUTTE du CEDEC, Jean-Marie KOHLER, et Jean-Paul BLATZ lui succèderont.
Aujourd’hui Jean-Bernard précise : nous sommes de la génération des témoins de Vatican II. Depuis 1999 et jusqu’à Council 50, une équipe a relu l’ensemble des articles : on a là un trésor. Lucienne continue : Après une préface de René Valette, ancien président du CCFD, ce livre « l’Évangile sur les Parvis » s’ouvre sur un premier article par Jacques Chatagner : « le droit à la parole. » Les réseaux des Parvis sont un espace ouvert, sans frontière, sans clôture et un passage du sanctuaire à la rue et de la rue au sanctuaire.
Suit l’article de Marie-Dominique Chenu, « Le lieu de Dieu, c’est le monde. Il est donc insensé de se séparer des hommes pour rencontrer Dieu.» Un deuxième chapitre explique les racines évangéliques des engagements dans la vie du monde selon les Réseaux.
Un courrier des lecteurs et « la vie des Réseaux » apparaissent sous le titre « Florilèges » à la fin des chapitres. Nous sommes tous militants, engagés en des causes diverses et la revue est un lien entre les personnes qui vivent un engagement, comme le présente le dépliant de SEL 85, que nous soyons très marqués par l’institution ecclésiastique ou que nous en restions très loin.
À ce point de la rencontre, Lucienne et Jean Bernard proposent un tour de table à partir des solidarités dans lesquelles on est immergé.
La variété et la richesse des engagements évoqués lors de la présentation des participants est remarquable, d’autant que la plupart ne sont pas étrangers entre eux. La réalité de « réseaux » s’y révèle clairement.
Les engagements vont du local à l’international. Accueil des migrants, aide alimentaire, visites des prisonniers, participation à de nombreux groupes d’inspiration religieuse ou pas : CCFD Terre Solidaire, Secours catholique, ATD quart monde, ACO, ACE, CMR, CFDT, ACAT, CIMADE, FHEDLES, CCBF, Artisans du monde, Citoyens du monde, Dialogue pour la Paix, France Palestine, Amnesty international, Meravenir, Mer et Bible. Il a aussi été évoqué des groupes de prêtres solidaires par des prêtres présents et un appel à soutenir les jeunes, totalement absents à cette rencontre, en faisant connaître des groupes comme COEXISTER. Des Sites ont été créés et alimentés par plusieurs participants.
L’énumération de ces divers engagements signalés lors de la présentation de chacun invite à quelques remarques et questions.
L’importance accordée aux plus pauvres et à l’actualité. Le souci de construire la Paix, le Vivre ensemble, l’avenir, semblent bien en phase avec la proposition de Joseph Moingt, page 207 : « A nous, chrétiens qui voudrions « communiquer » notre espérance de « communier » plus intensément à ce qui se vit et se pense au plus profond du cœur et de l’esprit de ceux dont nous partageons le destin, et de travailler avec eux à construire l’avenir de notre monde « commun ».
La foi qui s’y devine n’est pas toujours en référence à l’Église même si elle semble se ressourcer par des groupes de partage biblique, réflexion entre croyants de proximité : groupes de prêtres, communautés de base.
Comment ne pas y retrouver la problématique de SEL85 depuis plusieurs années, qui n’a guère trouvé de solution ? Comment « célébrer » ce Souffle de l’Évangile » vécu aujourd’hui dans ces divers et nombreux engagements, y révéler la « Présence réelle » de notre guide Jésus de Nazareth ?
La « messe dominicale » pourrait être une réponse. Mais ce qu’elle est devenue au cours des siècles,et telle qu’elle se vit actuellement dans les paroisses,apparait bien loin de la mémoire du « dernier repas du Seigneur » tel que nous le présentent les Évangiles.
À nous de continuer à chercher, inventer… ?
Après la pause pique-nique, Lucienne et Jean Bernard ont continué de partager des chemins d’espérance, se réclamant d’un optimisme militant, car partout, même dans les situations les plus désespérées, se lèvent des femmes et des hommes sans plus de soutien que leur conscience. Sans n’est-ce pas un hasard si on voit reparaitre l’horizon de la guerre,car dans le combat il y a une excitation de l’acte violent, mais partout aussi il y a des faiseurs de paix. L’Europe avait vogué sur un idéal de paix. La guerre était devenue comme quelque chose d’exotique, mais elle est reparue à partir des années 2000,Irak,11 septembre,conflit palestinien réactivé,d’oùl es sentiments xénophobes qui dominent en Europe.Tout l’ancien bloc soviétique bascule vers un nationalisme exacerbé lors de la guerre en Ukraine. Le retour de la guerre, un risque comme celui des années 30. Lire de Jean-Claude Guillebaud « Le tourment de la guerre ». Aujourd’hui une violence multiforme est générée par le triomphe de l’argent. Lire aussi « L’illusion économique »Gaël Giraud (poche).
Un système de pensée différent est possible. Quoi faire ? S’interroger par exemple sur le choix d’une banque plutôt que d’une autre. À la COP 21 il y eut unanimité pour une même cause sans avoir à avancer son drapeau. Le pape François, dans « Laudato Si, propose une parole crédible bien au-delà des chrétiens.
COUNCIL 50 a marqué l’anniversaire de la clôture de Vatican II. Le pacte des catacombes témoignait d’un choix d’une Église pauvre qui prend parti pour les pauvres. Apprendre à trouver Dieu en des situations qui semblent le nier quand la prostitution, la drogue et la violence continuent de sévir. Il n’y a pas les bons et les mauvais pauvres,les bons et les mauvais réfugiés. Dieu est présent en toute réalité. Prendre conscience de la merveille de la vie. Vivre de « la joie de l’évangile »et valoriser toutes actions qui honorent la dignité de l’autre reconnu comme mon semblable : commerce équitable,micros-réalisations,actions auprès des opinions publiques pour un accueil du réfugié selon ce qui est prévu par les accords internationaux.
LUCIENNE ajoutait : « mettre l’image de Dieu à la place de Dieu lui-même, c’est de l’idolâtrie »et JEAN- BERNARD : « Jésus vient à notre rencontre sur nos chemins ». « L’Évangile sur les parvis »,un livre de référence pour trouver Dieu dans notre histoire humaine aujourd’hui.
http://sel85.monsite-orange.fr
Lire le compte-rendu de la rencontre dans L’Écho de l’Ouest du 8 avril 2016 :
À l’appel de Richard Martin, Directeur du Théâtre Toursky, des artistes et des associations se sont mis en chemin début février 2016 pour créer ensemble
Une Fête de la Fraternité.
Vous, chrétiens engagés dans des associations, des paroisses, des communautés, qui par leurs engagements et leurs actes font vivre dans notre ville, cette fraternité au quotidien, inspirée par Jésus de Nazareth…
… amplifiez cette formidable vague qui va produire la Fête de la Fraternité,
Vendredi 20 en soirée, samedi 21Mai
Espace Toursky, 16 Passage Léo Ferré 13003 Marseille
Dimanche 22 mai 2016, Parc de Font Obscure 13014 Marseille
Nous sommes attendus à ce rassemblement de forces vives : se connaître, se faire connaître, prendre souffle et enthousiasme… Nous y apporterons les signes, les écrits, les évocations de nos gestes qui témoignent de notre appartenance à ce grand courant humaniste qui traverse les quartiers et les courants de pensée.
Dans cette pièce jointe, vous trouverez le programme définitif de ces trois grandes journées pendant lesquelles « nous allons échanger, nous allons communiquer, nous allons nous aimer ».
Chaque association trouvera au théâtre Toursky une table et deux chaises pour installer sobrement écrits, photos, expressions de sa manière d’être fraternelle.
Des débats auront lieu et des opportunités pour prendre la parole et dire exigences et espérances.
Pour faciliter l’organisation de ces journées, nous aimerions connaitre vos intentions : Serez-vous présents ?
À titre personnel ?
Au nom de quelle association ?
Les réponses sont à donner à l’adresse de l’un des expéditeurs de ce message, dallaportam@yahoo.fr.
Cordialement à vous pour que vive la fraternité !
Bernadette et Jean-François Tronchon, en attente de signature de « Evreux 13 /Parvis ».
Autres signatures sollicitées : Amis de La Vie ; Communauté Saint Luc.
Michel Dallaporta : « Nous Sommes Aussi l’Eglise / Parvis».
Jacques Bonnadier et autres chrétiens sans feu ni lieu…
Lire le Programme définitif
Par Francine Trannoy, à partir des notes d’un participant.
SEL 85, (Solidarité, Église, Liberté) de la Fédération des Réseaux des Parvis invitait Jacques Musset, un voisin nantais, sur le thème de son récent livre : REPENSER DIEU DANS UN MONDE SÉCULARISÉ aux éditions Karthala. C’était à La Roche-sur-Yon le samedi 16 janvier 2016. Exposé, partage en petits groupes et mise en commun des remontées ont alterné le matin et l’après-midi. Un pique-nique convivial a permis rencontres et partages.
REPENSER DIEU DANS UN MONDE SÉCULARISÉ. L’enjeu c’est d’ÊTRE CHRÉTIEN dans la modernité et la sécularisation qui caractérisent notre époque. Une réflexion, non pas théorique, mais s’enracinant dans l’expérience la plus personnelle. Pour que ma foi soit crédible, elle doit s’appuyer sur mon expérience humaine. Selon Marcel Légaut, on ne peut pas être chrétien si on ne cultive pas sa propre humanité.
La voie de la raison. Le concordat de Napoléon Ier a gardé un lien, voire une dépendance vis-à-vis de la religion jusqu’en 1905. Avec l’avènement de la philosophie des Lumières, c’était déjà une énorme brèche dans une culture basée sur le religieux. La raison qui était jusque là la servante de l’autorité religieuse revendique son autonomie, avec le droit pour les individus de juger par eux-mêmes. Une véritable révolution copernicienne. Ce courant a gagné les mentalités et l’organisation de nos sociétés en prônant l’exigence de vérification. Descartes écrivait : « jamais ne tenir quelque chose pour vrai que je ne le connaisse comme tel.» L’Église catholique a réagi négativement : condamnations, répressions, proscriptions d’exégètes, d’historiens, de philosophes et même de théologiens. En1971 Hans Kun en publiant « Infaillible ? » a subi les foudres du Vatican [1].
Si DIEU est un héritage périmé pour l’athéisme, il se trouve qu’aujourd’hui la proposition catholique officielle sur Dieu perd de sa crédibilité, y compris chez un grand nombre de chrétiens. On veut expérimenter et vérifier. On ne peut pas croire en faisant fi des exigences de l’intelligence et des découvertes scientifiques. Or un postulat, non démontrable dont on part, comme l’affirmation que Dieu existe et s’est révélé, qu’il est omniscient et tout puissant, n’est plus crédible pour un grand nombre de nos contemporains. Un Dieu que l’on mettait au service de toutes les causes, que l’on sollicitait pour faire la pluie ou le beau temps par les processions des Rogations, à qui l’on fait appel par les prières universelles de la messe pour des choses qui dépendent de nous. De plus comment une hiérarchie, pape, évêques, prêtres, peut elle s’arroger le droit de parler au nom de Dieu ?
D’ailleurs le mot Dieu n’a pas toujours existé, il a émergé quand la quête de sens s’est fait jour, à travers le questionnement des phénomènes naturels, foudre, maladie, infirmité… D’abord « les dieux » des civilisations anciennes, puis sous l’appellation d’un Dieu unique. Quand on n’a pas prise sur le réel, la pente spontanée est de s’en remettre à quelqu’un dont on se concilie les bonnes grâces. L’histoire des religions montre qu’elles se transforment vite en savoir, en enseignement didactique. Le dernier avatar, le catéchisme de l’Église catholique est un empilement de doctrines, un dépôt du passé : comme on est loin du souffle qui émane de la Bible, invitant à la justice et à la fraternité. Car la grande tradition biblique est une invitation à vivre une Bonne Nouvelle!
Peut-on définir Dieu ? Des millions de gens ont été associés à cette aventure de la définition de Dieu. Des dizaines et dizaines de siècles d’une évolution de la conscience du peuple juif sur Dieu ont précédé notre ère : on a des outils pour montrer l’affinement de la conscience juive. Dans l’expérience de l’exil, le peuple juif qui a failli disparaitre a vécu un approfondissement en revenant à l’essentiel. La protestation du livre de Job laisse entendre qu’il n’y a pas réponse. Jésus, profondément juif, a affiné la conscience religieuse juive de ce peuple dont il était membre. Il a fait émerger un visage de Dieu, de celui que dans l’évangile de Jean il nomme son Père.
Les mystiques de tous les temps, de toutes les religions sont l’illustration de cette recherche des multiples visages du divin. Jean de la Croix : « je sais une source qui jaillit et qui fuit, mais c’est de nuit »… Il parle de Dieu, mais avec ses mots à lui. Il y a aussi des mystiques agnostiques ou athées. Ils vivent très intérieurement d’une source inconnue qui les éclaire et les anime dans un souci d’authenticité profonde. Ils demeurent nos contemporains et nous renvoient à notre propre profondeur.
Dieu est-il l’inconnaissable ? Faut-il alors s’en remettre à cette tradition qui pense qu’il est impossible de dire quoi que ce soit sur Dieu ou peut-on rechercher une nouvelle approche qui rende croyable une parole sur Dieu ? Oui, sans doute : en procédant d’abord à une réappropriation de nos propres sources. C’est ce que chaque religion est amenée à faire. Vatican II l’a permis. L’Islam a besoin de faire ce travail de réinterprétation de ses sources. On n’empêche pas les gens de penser. Éviter l’arrêt sur image, car nous sommes en chemin. Je suis l’héritier de toutes ces approches réalisées au fil des siècles. On peut s’attendre à ce que cette réinterprétation soit réprimée par les autorités religieuses en place. Mais cette réinterprétation s’impose. Elle rend heureux. À travers de multiples décapages, c’est un chemin de libération.
Nous sommes des HÉRITIERS et des ÊTRES CRÉATEURS : nous faisons partie d’une histoire, avec ou sans tradition religieuse. Il nous revient de faire de ce qui n’est pas nous, quelque chose de nous.
Jésus et les évangiles. L’évangile de Jean fait dire à Jésus : « il est bon que je m’en aille si je ne pars pas, le souffle qui est vous ne viendra pas sur vous… vous ferez des choses plus grandes que moi. » Jésus a traversé une expérience humaine qui a donné vie à beaucoup de gens. Les apôtres à leur tour ont vécu une expérience qui a permis l’émergence de l’Église.
Qu’en est-il pour nous après 20 siècles de christianisme? Dans la crise du modernisme, le philosophe Maurice Blondel a montré que la voie d’accès à cette réalité qu’on appelle Dieu, ne peut que passer par notre humanité. La fidélité n’est pas répétition, mais recréation dans la société d’aujourd’hui. Nous avons un devoir d’inventaire si nous voulons « repenser Dieu », car le monde n’a pas commencé avec nous. Mais plutôt qu’un catéchisme à déclamer, nous avons à entendre des témoins d’hier et d’aujourd’hui, celles et ceux qui ont compté dans notre propre cheminement par leur manière de vivre. Parler de foi, avant toute adhésion à une confession religieuse, c’est faire crédit à un témoignage qui a un écho en nous et qui nous permet de vivre.
L’athéisme qui nous interroge devrait épurer notre foi. Souvent l’athée a raison de ne pas croire à l’image du Dieu que nous présentons. Quand nous constatons l’impossibilité de transmettre ce qui nous tient à cœur, notre responsabilité est de participer au débat pour faire advenir quelque chose, même au risque de conflits. Par exemple en vue de la juste place des femmes dans une Église catholique qui n’a pas la culture du débat.
Comment approcher aujourd’hui le « mystère de Dieu ? » Une réalité dont nous vivons, mais Dieu nous échappe et c’est heureux. Pourtant, nous ne pouvons pas nous passer de représentations ni de langages tout en expérimentant que langages et représentations ne rejoignent pas cette réalité dans sa totalité. On n’épuisera jamais ce qu’est l’être humain. Même en couple, l’autre est toujours un mystère. Chacun est en marche vers un certain accomplissement.
Une théologie négative conclut à l’impossibilité de définir Dieu. En fait quand on dit Dieu, on dit bien quelque chose.Mais quand nous absolutisons ces représentations, nous tombons dans le dogmatisme. Comme lorsque le doigt désigne la lune et que le regard s’arrête au doigt. L’importance c’est le sens que produisent ces représentations.
Le christianisme s’est implanté très tôt dans la culture grecque qu’il s’est appropriée, puis ce fut l’arrivée des premiers dogmes : mais nous n’avons pas les clés pour savoir ce que représentaient les mots « personne », « nature » qui ont passionné les premiers siècles de la théologie chrétienne. Aujourd’hui pour nombre de chrétiens qui s’interrogent sur l’héritage que nous avons reçu, une autre approche de Dieu est un besoin vital et pas seulement accessoire : quelle est cette réalité mystérieuse que les croyants expérimentent depuis des siècles et qu’on appelle Dieu ? Honorer cette exigence est un défi impossible. « L’impossible nous ne l’atteignons jamais, il nous sert de lanterne. » (René Char)
D’en haut ou d’en bas ?
Puisque la voie surplombante, avec ses postulats sur l’existence de Dieu, n’est plus acceptée, la recherche se fait à partir de la voie ascendante, celle qui part de l’expérience d’humanisation des hommes et des femmes qui ont le souci de penser et vivre juste. Ce qui exige de ne pas tricher avec soi-même, d’être attentif à débusquer les illusions. Quelle que soit son histoire singulière, c’est avant tout une exigence de vivre en vérité et authenticité dans toutes les dimensions de notre existence. Sentiment d’une présence quand on est acteur et témoin.
Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, il y a cette exigence de lucidité, sur la cohérence du dire et faire, sur ses limites, de vivre vrai dans sa relation à autrui, du respect , du pardon. C’est une exigence de probité intellectuelle que l’on a trop négligée dans le milieu catholique. Laisser venir les questions en évitant les réflexes de peur. Ne pas mettre de limites à ces questionnements ni au chemin à parcourir. Le cheminement d’un être humain est périlleux, ne pas céder non plus à l’activisme qui prend l’apparence de la générosité. Prendre la réalité sans la fuir.
Cette exigence, comme une voix intime, qui s’impose avec insistance, comment la nommer ? Provient-elle d’une source commune à tout homme ? Dans l’expérience de cette exigence accueillie et mise en pratique on atteint l’humain de l’humain, avec la conscience d’être parfois aux limites de ce que l’on peut attendre : Pascal écrivait : « l’homme passe infiniment l’homme. »
En appui sur ce fond commun d’humanité, dans ce sentiment du plus insondable au plus profond de l’être humain, avec Marcel Légaut, chercher trace d’une action au plus profond de soi. Répondre pour chacun à l’exigence intérieure qui le sollicite. Lorsqu’on dit, c’est la vérité, il n’y en a pas d’autres, c’est le totalitarisme. Définir le sens que l’on met sous les mots pour un message qui a toujours besoin d’être réactualisé. Aucune représentation ne peut être absolutisée, mais la durée est un critère qui nous dit si nous sommes sur le bon chemin.
Que l’on soit croyant ou non, nous vivons la même expérience d’humanisation. La ligne de partage n’est pas entre chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques ou athées, mais dans la manière dont chacun s’humanise, quelles que soient les références spirituelles auxquelles il se ressource. D’où l’importance d’un dialogue pour un réajustement perpétuel. Jean Sullivan : « on ne voit pas la lumière, mais les visages qu’elle éclaire ». Rien ne nous interdit de balbutier notre expérience de Dieu à travers cette humanisation : vivre vrai et penser juste. Avec Dieu, nous sommes coauteurs. C’est une expérience de co-création quand nous sommes témoins de quelqu’un dont la qualité de vie fait écho en nous. Il est important de le dire, de dire aux gens qu’ils nous font du bien.
Avec Jésus de Nazareth. Cette approche est elle dans la ligne de Jésus de Nazareth? Jésus avait des représentations de son Dieu qui étaient celles de la religion de son temps. L’engagement de toute sa vie a été contre les forces de l’égoïsme, du rejet de l’autre. Notre fidélité à Dieu s’inscrit dans celle de Jésus. Elle se vit aujourd’hui dans la manière que nous avons d’accueillir l’étranger, celui qui est sans toit… Car cette réalité qu’on appelle Dieu est au cœur de chaque humain et donne sens à notre vie.
La foi : quand on a décapé, qu’est-ce qui reste ? demande quelqu’un. Réponse. Nous ne sommes pas des morts en sursis. Il nous reste l’Évangile. Jésus de Nazareth,reconnu dans nos frères et sœurs, nous fait grandir en humanité et nous ouvre au divin.
Source : http://sel85.monsite-orange.fr/page-5675aa03701fe.html
[1] On peut lire : http://nsae.fr/2016/03/09/infaillibilite-hans-kung-en-appelle-au-pape-francois/
« Ne venez pas en Europe », c’est l’avertissement de Donald Tusk, président du Conseil européen, en réponse à des personnes qui sont contraintes, par la faim, le changement climatique ou la brutalité de la guerre, de chercher asile en dehors de leur propre pays. « Ne venez pas en Europe », c’est l’épitaphe de l’échec de la politique migratoire de l’Union européenne – en grande partie responsable des 25 000 personnes noyées en mer au cours des dernières années (3 600 en 2015 et plus de 400 jusqu’ici cette année), des 10 000 enfants disparus, du viol des femmes migrantes, et de l’abandon des malades et des vieux dans les camps de concentration surpeuplés – et de la souffrance et de l’humiliation de la dignité humaine tellement inutile. Le dernier épisode de cette politique obscène vient d’être consommé par la signature de l’accord avec la Turquie les 17 et 18 mars 2016. Il nous laisse l’image d’êtres humains déportés comme des troupeaux d’animaux vers un pays tiers, plus pauvres et moins respectueux des droits de l’homme, similaire au colonialisme du 17e au 19e siècle, ou – plus récemment – au nazisme des années vingt du siècle dernier.
L’UE, ou plutôt le Conseil européen et la Commission européenne ne doivent pas se laver les mains comme Pilate dans ce drame, parce que sa politique néolibérale d’appropriation des ressources de la planète et l’imposition des intérêts géostratégiques des grandes puissances (les États-Unis, la France et ses alliés, l’Arabie saoudite, les Émirats et la Turquie) et la destruction des ressources agricoles laissées par les guerres en Afghanistan, en Irak et en Syrie, sont les raisons principales de ces exodes massifs. En outre, l’Union européenne, selon El Confidencial, finance de 13 000 millions d’euros des entreprises privées qui vendent des navires et des drones pour empêcher l’arrivée des réfugiés sur ses côtes. Tout cela a créé un contexte favorable pour que dans différents pays – Pologne, Hongrie, Autriche, Danemark, etc. – la xénophobie et le racisme se sont réveillés et ont éclaté; dans d’autres, comme l’Espagne, le gouvernement a créé des centres d’internement immigrants et élevé des clôtures avec des couteaux pour empêcher l’entrée des immigrants.
Derrière tout cela, il y a une crise des valeurs qui a été capable d’humilier la Grèce – berceau, dans une large mesure, de l’âme européenne – et de céder aux eurosceptiques de Brexit – qui ont tant contribué à la dénaturalisation actuelle du projet européen. Cet accord avec la Turquie signifie le coup de grâce à l’Europe comme la patrie des libertés, de la sécurité et de la justice – fondée sur les valeurs de la dignité humaine, l’égalité et la solidarité -, confirmé dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et dans les traités internationaux des politiques d’asile. Si ce n’est pas la mort définitive de l’Union, c’est un signe avant-coureur sombre. Ni le Conseil européen, ni la Commission européenne n’ont eu le talent ou le courage suffisant pour répondre à ce grand défi du 21e siècle autrement que par une réponse militaire et monétaire, avec des clôtures et des déportations. Ils ne nous représentent pas, nous avons honte d’eux!
Nous, Redes Cristianas, après avoir rejeté catégoriquement cette solution inhumaine et honteuse donnée au défi des flux migratoires – qui vont se poursuivre -, conscients que l’ouverture de nos frontières, sans plus tarder n’est pas non plus une solution facile, nous sommes convaincus qu’il y a autres et de meilleures solutions, ayant plus de compassion pour les êtres humains. Nous croyons en une alternative qui surmonte la politique instrumentale actuelle – qui n’accueille les migrants que quand ils sont nécessaires et qui a été pratiquée de façon rentable par l’Allemagne -, au profit d’une autre plus généreuse et égalitaire, juste et compatissante avec tous les êtres humains et tous les peuples: une politique pour sauver l’âme de l’Europe, actuellement kidnappée par les marchands et les xénophobes et qui remet en cause le concept même de « pays sûr », qui a si généreusement été accordée à la Turquie d’aujourd’hui; une politique qui rejette ouvertement le modèle de l’Espagne avec le Maroc qui par l’argent et autres motifs politiques, bloque le flux migratoire en provenance d’Afrique du Nord.
Ayant cela à l’esprit, nous approuvons les paroles de Mgr Santiago Agrelo, évêque de Tanger: Comment décririez-vous une société qui persécute des hommes vulnérables et sans défense, des femmes et des enfants, dont des lois iniques ont fait des illégaux, des irréguliers, des clandestins, qui les chasse comme s‘ils étaient des parasites, qui les persécute comme s’ils étaient des criminels et les enferme pour en venir à bout par la faim ?
Source : http://www.redescristianas.net
Traduction anglaise: Don’t come to Europe par Hugo Castelli
Traduction française : Lucienne Gouguenheim