Noël : le Couvre-Feu
Par le FrÚre François Cassingena-Trévidy
Ătrange NoĂ«l que celui que nous allons vivre cette annĂ©e⊠Et si, loin dâĂȘtre une dĂ©solation, il Ă©tait au contraire une immense aubaine Ă saisirâ?
NoĂ«l plus surveillĂ© que veilleur, NoĂ«l en retrait sur nos rĂȘves et nos exubĂ©rances accoutumĂ©es. Sâil nâĂ©touffera pas tout Ă fait NoĂ«l, le couvre-feu officiel raisonnera au moins le passage Ă lâan neuf. Beaucoup se plaignent, beaucoup sâinsurgent. Avec une naĂŻvetĂ© enfantine, mais aussi avec une certaine opiniĂątretĂ© dâenfants gĂątĂ©s, lâon veut tout, et tout en mĂȘme tempsâ: la prospĂ©ritĂ© de lâĂ©conomie et celle de la santĂ©. Lâon a devisĂ© tant et plus sur le «âmonde dâaprĂšsâ», mais lâon ne veut point embrasser cette nĂ©cessaire frugalitĂ©, cette conversion effective de nos usages, qui nous permettraient dâen ĂȘtre les artisans vĂ©ritables. Est-ce une insolence dâavancer que ce NoĂ«l est mis Ă lâombreâ? Car, loin des accessoires dont nous lâavons environnĂ©, des surenchĂšres commerciales avec lesquelles nous lâavons profanĂ©, des contes sous lesquels nous lâavons travesti, NoĂ«l est simple, et pauvre, et, dirais-je, sauvage. «âElle enfanta son fils premier-nĂ©, lâenveloppa de langes et le coucha dans une crĂšche, parce quâil nây avait pas de place Ă lâhĂŽtellerie.â» (Lc 2, 7)

NoĂ«l dĂ»t-il mĂȘme ĂȘtre strictement soumis Ă la loi du couvre-feu, que ce serait un heureux sort, car «âCouvre-Feuâ» est lâun de ses noms possibles et, loin de toute connotation calamiteuse, rĂ©sume son mystĂšre. Ce petit dâhomme, cet enfant que la femme couvre de linges resplendissants et rĂȘches comme la neige â pensons Ă la fameuse NativitĂ© de Georges de La Tour â, cet Enfant est le Feu lui-mĂȘme, «âjetĂ© sur notre terreâ» (Lc 12, 49). Feu indomptable, «âfeu dĂ©vorantâ» (He 12, 29â; Dt 4, 24), et nĂ©anmoins domestique, puisquâil vient «âhabiter parmi nousâ» (Jn 1, 14). Au cĆur de cette nuit de grand air oĂč les bergers frissonnent, lâenfant, Ă mĂȘme la terre â la terre quâil aimera Ă en mourir â brĂ»le comme un feu de bivouac, origine dâun incendie qui, depuis, ne cesse de courir, et dont la procession de la Nuit pascale, avec ses cierges communicants, nous offrira plus avant dans lâannĂ©e liturgique une Ă©mouvante image. Nâest-ce pas en effet par le Feu nouveau, le Feu robuste et autonome, que commencera cette autre Nuit dont la Nuit de NoĂ«l est la sĆur jumelleâ?
Lors mĂȘme que nous nâaurions pas de table plantureuse, de divertissements sophistiquĂ©s, dâambiance fĂ©brilement entretenue, lors mĂȘme que nous ne pourrions pas nous retrouver nombreux Ă la messe de minuit, aurions-nous vraiment sujet de nous plaindre, dĂšs lâinstant que nous avons le Feuâ? NoĂ«l, pour avoir lieu, nâa pas besoin de grand-chose. Le lieu de NoĂ«l, câest lâintimeâ; le lieu du Feu, câest lâĂątre. Et le seul Ăątre que le Feu attend, quâil «âdĂ©sire dâun grand dĂ©sirâ» (Lc 22, 15), câest notre ĂȘtre mĂȘme. Le vĂ©ritable «ârĂ©veillonâ», le voici : «âVoici, je me tiens Ă la porte et je frappeâ; si quelquâun entend ma voix et ouvre la porte, jâentrerai chez lui pour souper, moi prĂšs de lui et lui prĂšs de moi.â» (Ap 3, 20.)
Des circonstances prĂ©sentes â mais qui sait si lâavenir ne nous rĂ©serve pas dâautres austĂ©ritĂ©sâ? â, nous pouvons tirer parti pour purifier notre NoĂ«l de toutes les compromissions mondaines qui nous empĂȘchent dâatteindre aux profondeurs spirituelles de lâĂvĂ©nement dont cette fĂȘte est la mĂ©moire autant que la promesse. «âĂ tous ceux qui lâont accueilli, il a donnĂ© le pouvoir de devenir enfants de Dieu, Ă ceux qui croient en son nom.â» (Jn 1, 12.) Comme les AthĂ©niens contemporains de Paul, nous passons notre temps Ă Ă©couter, Ă voir, Ă apprendre distraitement «âles derniĂšres nouveautĂ©sâ» (Ac 17, 21)â: et si nous passions ce NoĂ«l Ă rĂ©aliser ce qui se passe, Celui qui se passe en nous, et qui est la Toute-NouveautĂ©â? En cette Nuit, ce Feu qui sâinvite au plus creux de nous-mĂȘmes, dans lâĂątre le plus secret de notre ĂȘtre, demande immĂ©diatement que nous le partagions, et ne demeure en nous quâĂ proportion de ce que nous le communiquons aux autres, alors mĂȘme quâil ne nous appartient pas. Ce Feu est aussi la plus prĂ©cieuse Ă©trenne que, jusque dans les Ă©preuves personnelles et collectives, nous puissions mutuellement nous offrir, Ă©tant bien entendu quâ«âil y a plus de joie Ă donner quâĂ recevoirâ» (Ac 20, 35).
Câest de ce NoĂ«l-lĂ , intĂ©rieur, pauvre, ardent et gĂ©nĂ©reux, que les embarras particuliers de cette annĂ©e nous rappellent le chemin et nous suggĂšrent lâexercice spirituel. Sâil Ă©teint en nous la mondanitĂ©, le couvre-feu peut rĂ©chauffer en nous et entre nous la braise de lâessentiel.
Publié le 17 décembre 2020 dans Témoignage Chrétien
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Article mis Ă jour le 8 mars 2020

(Photos Christophe Breysacher, Claude Naud et Régine Ringwald)
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