Gaza : les témoignages qui accusent Israël (source : Ouest-France)
Civils tués de sang-froid, tirs sur des hôpitaux… L’opération Plomb durci n’a pas été aussi « propre »que l’affirment le Premier ministre Ehoud Olmert et l’état-major.
Des Israéliens seront-ils un jour poursuivis par la Cour pénale internationale ? Cette hypothèse semble de moins en moins déraisonnable. Car deux mois après la fin de Plomb durci (27 décembre-18 janvier), les accusations de crimes de guerre se multiplient contre l’armée israélienne, qui a transformé Gaza en champ de ruines et laissé derrière elle plus de 1400 morts, en majorité civils.
Des soldats racontent
Fait nouveau, ces accusations émanent d’Israël même. Ainsi, celles formulées, hier, par Médecins pour les droits de l’Homme : « L’armée a non seulement empêché l’évacuation de familles assiégées et blessées, mais elle a aussi interdit aux équipes médicales de les atteindre ». L’ONG a recensé seize secouristes palestiniens tués en opérations, huit hôpitaux et vingt-six dispensaires attaqués.
Il y a là des « suspicions de violation du droit international », souligne Dani Filc, son président. Après B’Tselem et l’Association des droits civiques, il réclame une « enquête neutre ».
D’autres révélations ébranlent l’argumentaire d’Ehoud Olmert et de l’état-major, selon lesquels seuls étaient visés le Hamas et ses combattants. Celles de soldats qui ont partagé leurs expériences à Gaza, le 13 février, lors d’une réunion à l’académie militaire de Tivon.
« Grave crime de guerre »
Un chef de section a rapporté comment une mère et ses deux enfants ont été tués de sang-froid : « Le commandant (les) a sommés de s’en aller par la droite. Ils n’ont pas compris. Un tireur d’élite les a vus franchir les lignes que personne ne devait franchir… »
Un autre a relaté comment un officier a ordonné d’abattre une vieille femme qui marchait à 100 m d’une maison investie par l’armée ; les graffitis « mort aux Arabes » peints sur les murs ; les crachats sur des photos de familles… « Cela a été un choc », confesse Dany Zamir, le directeur de l’académie. Il a tout consigné dans un bulletin interne… et transmis à sa hiérarchie.
Il aura fallu la publication de ces récits par le journal Haaretz, du 19 au 21 mars, pour qu’une enquête soit diligentée sur ces « cas isolés ». Le ministre de la Défense, Ehoud Barak, objecte que Tsahal est l’armée « la plus morale ». Ce n’est pas l’avis de Richard Falk, rapporteur de l’Onu pour les territoires palestiniens, qui parle de « grave crime de guerre ».
Dès le 22 janvier, un collectif international de 350 ONG avait saisi la Cour pénale internationale du sort de Gaza. Une démarche a priori vouée à l’échec, vu qu’Israël n’a pas signé le traité de Rome créant la CPI. Sauf que l’Autorité palestinienne, elle, l’a aussitôt signé. La CPI doit maintenant déterminer : 1) si l’Autorité palestinienne peut-être considérée comme un État, ce qui fonderait les poursuites ; 2) s’il est « raisonnable » d’ouvrir une enquête.
En attendant, Israël recommande à ses officiers d’éviter les voyages en Europe, les tribunaux britanniques, belges ou espagnols n’hésitant pas à se prévaloir du principe de compétence universelle.
Auteur : Bruno RIPOCHE
Source : Ouest-France, 24 mars 2009