A propos d’un appel de don pour la communauté Saint Martin
Jean Riedinger a envoyé la réponse ci-après à la suite d’une demande de financement du séminaire de la communauté Saint Martin de Tours. Il précise : “je ne suis pas sûr que ce genre de correspondance ait la moindre chance d’être compris ; mais j’avoue que j’avais besoin de leur dire ce que je leur dis. Si un jour un dialogue franc et fraternel pouvait renaître entre personnes et groupes qui se disent chrétiens, il faudrait de toute façon que ce genre de choses soit dite. Alors comme notre génération n’a plus beaucoup d’années devant elle, j’aime assez laisser quelques traces de notre engagement chrétien.”
J’ai reçu une publicité en faveur de la communauté St Martin et plus précisément une demande d’une aide financière pour son séminaire. Je ne me sens pas, chers amies et amis, en accord avec votre façon de concevoir la vie ecclésiale, dans une optique qui reste cléricale, traditionaliste et selon des pratiques qui certes ne sont pas toutes sans intérêt mais qui reposent en dernier ressort sur une dogmatique à laquelle je n’adhère plus.
Je n’en veux pour exemple que cette référence à la maîtrise pour ainsi dire monopolistique de Thomas d’Aquin dans la formation théologique de vos prêtres. Certes Thomas d’Aquin fut, en son temps, un grand théologien et un grand philosophe. Au point d’ailleurs d’avoir des ennuis avec une partie de la hiérarchie de l’époque. Je le respecte d’autant plus que je suis moi-même retraité, mais ex-prof de philo dans l’enseignement public – c’est-à-dire respectueux de toutes les cultures et toutes les philosophies et ouvert à toutes les évolutions positives de l’humanité. Or depuis le 13ème siècle, la philosophie, les sciences naturelles et humaines, les pratiques et les mœurs ont tant évolué qu’il me semble complètement insuffisant voire obsolète d’en rester à ce maître comme si la pensée humaine s’était brutalement figée avec son œuvre !
De même ce qu’on appelle la « religion » chrétienne est en pleine mutation tant dans la fidélité à l’incarnation historique de Jésus prise au sérieux, qu’à l’attention intelligente aux évolutions humaines et elle ne saurait servir de conservatoire d’une tradition figée. Les images – sur le dépliant – qui représentent la communauté Saint Martin au cours de célébrations liturgiques sont pour moi des pièces dignes du musée Grévin. Je n’ai plus depuis longtemps aucune pratique de ce genre. Peut-être plaisent-elles en effet à certaines personnes. Libre à elles. Mais je ne me sens pas d’obligation à encourager cette vision du catholicisme. Ce qui compte à mes yeux c’est la constitution de communautés de femmes et d’hommes, égaux dans toutes les fonctions, rôles, ministères ecclésiaux, car désormais les femmes et les hommes sont égaux en droits dans nos sociétés. Un séminaire pour hommes célibataires seuls est une injure pour les femmes. La priorité des communautés chrétiennes est – comme fut celle de Jésus – le service des êtres humains, c’est le développement de l’amitié fraternelle non pour recruter mais pour aider les femmes et les hommes en difficulté, pour transformer le monde et lutter contre les injustices, aussi bien sur le plan interindividuel et local que dans le domaine socio-politique au sens large (ce qui ne signifie évidemment pas un parti politique ou un syndicat « chrétiens »).
Je ne juge pas la qualité de votre Foi. Au nom de quoi le ferais-je ?
Mais je ne me sens pas du tout le désir d’aider la façon dont se présente, au-delà des belles images et du beau langage, la façon cléricale dont vous croyez et pratiquez cette Foi. Et, si je peux me permettre, je trouve assez ridicule ce témoignage de Sébastien (qu’il me pardonne ma sincérité) quand il prétend partager sa foi sur une piste de ski grâce à des tee-shirts conçus pour l’occasion… On témoigne de sa Foi par l’amitié fraternelle. Non par des déguisements. D’ailleurs je pense qu’il le fait aussi. Je dis cela aussi pour la tenue des ensoutanés.
Je ne crois pas que Jésus ait jamais agi ainsi en son temps – compte tenu bien sûr des activités qui furent les siennes dans la culture et les usages de son temps. A la suite des Prophètes d’Israël il s’est opposé au ritualisme, aux pratiques sacrificielles et au dogmatisme des maîtres en religion juive – étant d’ailleurs lui-même de cette religion et sans aucun désir d’en créer une autre !
Enfin si vous pensez que le saint Esprit fait surgir des vocations sacerdotales du type de celles que vous encouragez je ne vois pas de preuve de cette conviction et même pourquoi ne pourrait-on pas penser que le manque de vocations cléricales est aussi une inspiration de l’Esprit pour nous inviter à découvrir d ‘autres visages d’Eglises ?
Avec ma considération
Jean Riedinger