François, Jésus et les femmes
Par Frère Betto [1]
François a nommé une commission chargée d’étudier si les femmes pourraient avoir accès au diaconat, comme cela se produit déjà avec les hommes célibataires et mariés. Dans la hiérarchie, le diacre occupe une position inférieure à la prêtrise. Il peut présider des mariages et baptiser, mais il ne peut pas célébrer la messe. Il y avait des femmes diacres dans l’Église primitive.
Dans de nombreux pays, y compris au Brésil, il y a déjà des religieuses qui, avec l’autorisation de l’évêque local, président les mariages et célèbrent les baptêmes, sans être cependant des femmes diacres.
François est très intelligent. Au lieu de faire imploser le bâtiment avec de la dynamite, il préfère le démolir pierre par pierre. C’est ce qu’il fait en bricolant autour de questions qui, pendant des siècles, ont été gelées par les tabous qui entourent la doctrine catholique traditionnelle – remariages, accès des divorcés aux sacrements, homosexualité, célibat obligatoire, corruption dans la Curie romaine, punition stricte des pédophiles, etc.
L’exclusion des femmes du sacerdoce, ou même du droit d’être évêques ou pape, n’a aucun fondement biblique. Le grand obstacle est la culture patriarcale qui a été prédominante dans les premiers siècles du christianisme et qui est toujours dominante dans l’Église catholique.
Matthieu mentionne cinq femmes dans l’arbre généalogique de Jésus : Tamar, Rahab, Ruth, Marie, et, implicitement, la mère de Salomon, celle « qui était la femme d’Uri ». Ce n’est pas exactement l’ascendance dont aucun d’entre nous ne serait fier.
Une veuve, Tamar se déguisa en prostituée pour séduire son beau-père et engendrer un fils du même sang que son défunt mari. Rahab était une prostituée à Jéricho. Ruth, grand-mère de David, était une Moabite, à savoir une païenne aux yeux des Hébreux. Celle « qui était la femme d’Uri », Bethsabée, a été séduite par David pendant que son mari était à la guerre. Et Marie, la mère de Jésus, n’a pas échappé non plus aux soupçons, parce qu’elle est apparue enceinte avant même d’épouser Joseph. Comme vous le voyez, le Fils de Dieu est entré dans l’histoire humaine par la petite porte.
Jésus a été accompagné par les Douze et quelques femmes : Marie de Magdala, Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode, Suzanne, « et plusieurs autres », dit Luc (8: 1). Par conséquent, Jésus ne fut pas du tout chauvin. Et à Béthanie, il avait l’habitude de fréquenter la maison de ses amies Marthe et Marie, les sœurs de Lazare.
Le premier apôtre a été une femme : la Samaritaine qui dialogue avec Jésus à côté du puits de Jacob, puis sort pour proclamer qu’elle a rencontré le Messie. Le premier témoin de la résurrection a été Marie-Madeleine. Et en guérissant la belle-mère de Pierre, Jésus a montré que la prêtrise et le célibat ne sont pas associés. Pierre était marié et cela ne l’a pas empêché d’être choisi comme le premier pape.
La misogynie est, dans l’Église catholique, un syndrome injustifiable, surtout si l’on considère que, dans les communautés rurales et celles des périphéries urbaines, ce sont surtout les femmes qui dirigent l’activité pastorale. Aujourd’hui, heureusement, un certain nombre de femmes mariées, y compris au Brésil, détiennent le titre de docteur en théologie.
La théologie de mon confrère Thomas d’Aquin date du XIIIe siècle et sert encore de fondement à la doctrine catholique officielle. Aujourd’hui, elle a besoin de mise à jour, comme la question des femmes, considérées comme des êtres ontologiquement inférieurs aux hommes. Ce qui fait que l’esclave libéré peut être prêtre, mais pas la femme.
Il n’y a pas un seul exemple dans les Évangiles où Jésus ait répudié une femme – comme il l’a fait avec Hérode Antipas – ou prononcé une malédiction sur elles, comme il l’a fait avec les scribes et les pharisiens. Avec elles, il se montra miséricordieux, chaleureux et affectueux, et il exaltait leur foi et leur amour.
Le temps est venu pour l’Église d’assumer son côté féminin et d’ouvrir l’ensemble de ses ministères aux femmes. En fin de compte, les femmes sont la moitié de l’humanité. Et l’autre moitié, ce sont des enfants de femmes.
Note :
[1] Frère Betto est écrivain, auteur entre autres de “Um homem chamado Jésus” (“Un homme nommé Jésus” – Rocco).Source : http://oglobo.globo.com/sociedade/francisco-jesus-as-mulheres-19860311
Traduction anglaise : http://iglesiadescalza.blogspot.fr/2016/08/francis-jesus-and-women.html
Traduction française : Lucienne Gouguenheim
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