Par Régine et Guy Ringwald
Samedi 14 avril, cinquante laïcs, de toute origine, se sont réunis à Santiago : ils représentaient des réseaux de laïcs, de femmes, des communautés ecclésiales de base, des paroisses, des communautés œcuméniques, des mouvements apostoliques des milieux populaires, des laïcs chargés de la catéchèse, de la pastorale mapuche, d’organisations de droits de l’homme liées à l’Église, et d’autres. Ils venaient de Santiago, Talca, Chillan, Concepcion, Temuco (pays mapuche), Valdivia, Osorno, Puerto Montt, Valparaiso. Cette rencontre a été organisée, après le départ du Pape du Chili, dans une perspective de recherche d’unité et de service de l’Église.
Ils souhaitent promouvoir
- de nouveaux styles de célébrations festives contrairement aux styles de célébrations “mortifiants et culpabilisants imposés par les prêtres”,
- “la dimension écologique, en relation avec tout ce qui est vivant dans l’environnement”, et
- un nouveau rôle pour les femmes dans l’Église,” dans des conditions égales à celles des hommes”.
Animés par une préoccupation commune concernant le cléricalisme, la marginalisation des femmes et l’oubli des pauvres, notamment là où sont envoyés les prêtres et les évêques formés par Karadima, ils se sont mis d’accord sur un plan de travail, pour renforcer le rôle des laïcs dans l’Église, qui porte sur trois axes :
- “le développement de l’autonomie des laïcs ;
- l’expérience de solidarité, en particulier avec les plus pauvres,
- la créativité pour assumer de nouveaux langages, de nouveaux thèmes et de nouveaux moyens de communication“.
Ils ont constitué une organisation en réseau dans le but d’agir dans l’unité et de “réaliser le rêve de la décentralisation”. Une coordination nationale a été mise en place (y participe, Juan Carlos Claret, d’Osorno).
Il est frappant de constater à quel point sont convergents les problèmes et les blocages ici et ailleurs. Si l’Église est universelle, les problèmes le sont aussi !
On trouvera ci-après un article de Matias Carracos, paru dans “Reflexion y Liberacion”. Il nous parle, avec des expressions “imagées”, de l’opportunité pour les laïcs de prendre enfin leur place dans l’Église. Au Chili, l’opportunité est renforcée par l’énormité du scandale, et ce qui ressemble à un effondrement de la hiérarchie.
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LE BÊLEMENT DES BREBIS
Par Matias Carrasco
Un vent de changement souffle. Après la lettre envoyée par le Pape aux évêques chiliens, et rendue publique, des mouvements au sein de l’Épiscopat sont attendus pour cette bande de terre étroite et lointaine. Certains parlent d’un tremblement de terre. D’autres de réforme. Plusieurs parlent d’une intervention historique et exemplaire. Pour le moment, il est difficile de tirer des conclusions.
Mais ce qui est certain, c’est que François a réagi. Après une longue période de déboires et certaines erreurs, l’évêque de Rome s’est réveillé. La question, qui se répète ces jours-ci, est : qui a menti au Pape ? Mais il me semble qu’il y a une autre question, plus intéressante : qui l’a réveillé ? qui l’a fait réagir ? qu’est-ce qui l’a fait changer d’avis ?
Apparemment, ce n’est pas la hiérarchie de l’Église, pas comme institution, au moins. Le Nonce n’était pas à la hauteur non plus. Ce ne sont pas les calottes, les soutanes ou les grandes croix en or qui pendent au cou de la plupart de ceux qui sont la cause de ce qui secoue l’Église.
Cette fois, c’est une communauté indignée qui a élevé la voix pendant des années pour se faire entendre. Ce sont surtout les victimes d’abus qui ont affronté courageusement le pouvoir, le silence et la paresse. Ce sont les laïcs qui se sont organisés – d’Osorno et d’autres lieux du Chili – ont fait du bruit. Les médias ont également fait leur part, mettant en devanture les abus et les dissimulations. Bref, c’est le bêlement des brebis qui a réveillé le berger.
Et c’est un fait qui mérite d’être souligné. Surtout dans une Église qui punit la dissonance, qui juge ceux qui « chantent hors du chœur » et célèbre l’uniformité de ses fidèles, celle qui étouffe la conscience et le discernement personnel. C’est pourquoi cela constitue un antécédent très important. Les laïcs doivent être les protagonistes. Les laïcs doivent être partie prenante ! Les laïcs doivent se faire un espace ! Les brebis doivent continuer à bêler inlassablement, sans crainte, car elles sont aussi communauté et elles sont l’Église !
Une Église en difficulté, visée par des crimes graves, et des autorités mises en cause pour leur travail nous donnent l’occasion de nous ouvrir à la dimension humaine. Les bévues, les crimes, nos fautes nous font apparaître plus humains. Laïcs, inspirés par la personne de Jésus, nous sommes appelés à penser et à agir avec confiance selon notre propre inspiration d’adultes raisonnables. Nous devons abandonner cette foi infantile, qui attend les ordres, qui acquiesce et obéit, sans plus.
Nous ne savons pas ce qui se passera en mai prochain, après la visite des évêques au Vatican. Mais nous savons que le temps des laïcs est arrivé. Il va falloir être capables de saisir cette opportunité.
Source : http://www.reflexionyliberacion.cl/ryl/2018/04/17/el-bramar-de-las-ovejas/
Traduction Régine et Guy Ringwald