Duel entre les évêques américains et le pape lors de l’investiture de Joe Biden
Par Christopher White
Le Vatican est à plus de 6000 km de la Maison-Blanche, mais mercredi, il était beaucoup plus proche du deuxième président catholique de la nation que de la direction de la hiérarchie américaine.
Alors que des millions de téléspectateurs regardaient l’investiture le 20 janvier, le catholicisme de Joe Biden était à l’honneur avec une messe matinale, des citations du pape, de Saint Augustin et des Écritures pendant la cérémonie, et une photo de Biden avec le pape François dans son bureau ovale nouvellement aménagé.
À la fin de la journée, cependant, cette foi était sérieusement scrutée par certains dirigeants de sa propre Église.
Comme c’est la coutume au Vatican, François a envoyé un télégramme à Biden pour le féliciter et l’exhorter à poursuivre des politiques « marquées par une justice et une liberté authentiques ». Cette déclaration, encourageant Biden à travailler pour le bien commun, est arrivée deux mois après que le pape l’ait personnellement appelé pour le féliciter de sa victoire électorale et après que François ait envoyé à Biden un exemplaire dédicacé de son nouveau livre.
En revanche, le président de la conférence des évêques américains, l’archevêque de Los Angeles José Gomez, a publié une déclaration de 1 200 mots dans laquelle il présente ses prières pour Biden, mais souligne également les domaines de désaccord politique, en particulier sur la question de l’avortement, en écrivant : « Notre nouveau président s’est engagé à poursuivre certaines politiques qui feraient progresser les maux moraux ».
La déclaration reprend ensuite la position des évêques américains selon laquelle « l’avortement reste la “priorité absolue” » de la conférence épiscopale, faisant écho à un texte adopté en 2019 avant l’élection présidentielle américaine, avec la justification que la nation était sur le point de faire tomber l’arrêt Roe v. Wade [1].
« Nous ne pouvons pas rester silencieux alors que près d’un million de vies à naître sont rejetées dans notre pays, année après année, par l’avortement », a écrit Mgr Gomez dans sa déclaration du jour de l’investiture.
La déclaration de Mgr Gomez a rapidement été approuvée et partagée par un certain nombre de prélats, dont l’archevêque de San Francisco Salvatore Cordileone, dont l’attaché de presse a envoyé une déclaration sous le titre « +Cordileone fait l’éloge de +Gomez : l’avortement est une priorité absolue » et les Chevaliers de Colomb, qui ont qualifié la déclaration d’« équilibrée et prophétique ».
Le cardinal de Chicago Blase Cupich, proche collaborateur du pape François, n’a pas été d’accord.
Dans une réprimande publique de Gomez et de la conférence épiscopale, Cupich a déclaré que la déclaration était « irréfléchie » et a noté qu’il n’y avait pas de précédent pour en publier une.
« La déclaration a été élaborée sans que soit impliqué le Comité administratif, une consultation collégiale qui est normale pour des déclarations qui représentent les évêques américains et bénéficient de leur approbation réfléchie », a-t-il déclaré.
L’évêque de San Diego Robert McElroy a également publié une déclaration disant que François a donné un modèle aux évêques américains sur la façon dont ils devraient s’engager vis-à-vis de la nouvelle administration.
« Le message du pape François au président Biden lui parle fondamentalement dans son humanité, un homme de foi catholique s’efforçant de servir sa nation et son Dieu », a écrit McElroy. « C’est ainsi que nous, les évêques des États-Unis, devrions encourager notre nouveau président : en entrant dans une relation de dialogue, et non de jugement ; de collaboration, et non d’isolement ; de vérité dans la charité, et non de dureté ».
À Rome, un haut fonctionnaire du Vatican a déclaré au magazine America que la déclaration de Gomez était « très malheureuse et risque de créer des divisions encore plus grandes au sein de l’Église aux États-Unis ».
Tout au long de la journée de l’investiture, de nombreux autres évêques du pays ont publié des déclarations, la plupart offrant des prières pour le nouveau président et le pays. Catholic Charities, l’une des plus grandes organisations caritatives du pays, a également déclaré qu’elle se réjouissait de travailler avec l’administration Biden.
Quant au nouveau pasteur local de Biden, le cardinal Wilton Gregory de Washington, aucune déclaration spécifique n’a été publiée ; cependant, lorsque Biden est arrivé dans la capitale mardi pour son événement officiel, Gregory était présent pour le saluer. Lors d’un service commémoratif pour les 400.000 Américains qui sont morts pendant la pandémie, Gregory a délivré l’invocation. Il a inclus dans sa prière un appel à l’unité.
Note de la rédaction :
[1] Arrêt historique rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l’accès à l’avortement. La Cour a statué, par sept voix contre deux, que le droit à la vie privée en vertu de la Due Process Clause du quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis s’étendait à la décision d’une femme de se faire avorter, mais que ce droit doit être mis en balance avec les intérêts de l’État dans la réglementation de l’avortement : protéger la santé des femmes et protéger le potentiel de la vie humaine.
Source : https://www.ncronline.org/news/politics/dueling-statements-us-bishops-pope-inauguration-day
Traduction : Lucienne Gouguenheim