Par Inés San Martín
Le cardinal Reinhard Marx de Munich, en Allemagne, a présenté sa démission au pape François, bien qu’il soit à huit ans de l’âge obligatoire de la retraite (75 ans). Il a déclaré vouloir assumer sa part de responsabilité dans la « catastrophe des abus sexuels » commis par des représentants de l’Église catholique.
Selon le droit ecclésiastique, un évêque peut offrir sa démission, mais c’est toujours au pape de décider s’il l’accepte. Dans l’attente, a déclaré R. Marx dans un message aux journalistes, François lui a demandé de rester en fonction.
« Il est important pour moi de partager la responsabilité de la catastrophe des abus sexuels commis par des responsables de l’Église au cours des dernières décennies », a écrit R. Marx au pape François dans une lettre datée du 21 mai qui devait être « confidentielle et personnelle », mais qui a été communiquée aux médias par l’archevêché de Munich après que le souverain pontife lui ait dit que la lettre serait rendue publique.
« Les enquêtes et les rapports des dix dernières années ont montré constamment qu’il y a eu de nombreuses défaillances personnelles et des erreurs administratives, mais aussi des défaillances institutionnelles ou “systémiques” », écrit le cardinal.
L’Église catholique d’Allemagne lutte depuis longtemps pour résoudre la crise des abus commis par des clercs, plusieurs hauts responsables, dont Marx, mais aussi le cardinal Rainer Woelki de Cologne entre autres, étant accusés d’avoir mal géré les plaintes.
Le cardinal Marx, qui est membre du conseil des cardinaux qui conseillent le pape sur la réforme de la curie romaine, a commencé sa lettre au pontife en disant que « sans aucun doute » l’Église en Allemagne traverse des moments de crise. Les raisons de cette crise sont nombreuses, a-t-il écrit, y compris « notre propre échec, par notre propre culpabilité ».
« Cela est devenu de plus en plus clair pour moi en regardant l’Église catholique dans son ensemble, non seulement aujourd’hui, mais aussi au cours des dernières décennies », a écrit Marx.
« Mon impression est que nous sommes dans une “impasse” qui, et c’est mon espoir pascal, a aussi le potentiel de devenir un tournant », a-t-il écrit, reconnaissant qu’il avait réfléchi depuis un an à sa décision de donner sa démission au pape, et qu’il a été encouragé par la « période de Pâques » à demander à François de l’accepter.
R. Marx a déclaré que, même si certains membres de l’Église refusent de reconnaître leur part de responsabilité dans la crise des abus sexuels, il estime que tous les aspects doivent être pris en compte : « Les erreurs dont vous êtes personnellement responsables, et l’échec institutionnel qui nécessite des changements et une réforme de l’Église. »
« En tant qu’évêques, nous devons préciser que nous représentons également l’institution de l’Église dans son ensemble », a-t-il déclaré.
« Un tournant pour sortir de cette crise n’est, à mon avis, possible que si nous empruntons une “voie synodale”, une voie qui permet effectivement un “discernement des esprits”, comme vous l’avez souligné et répété à plusieurs reprises dans votre lettre à l’Église en Allemagne », a écrit Marx.
La crise des abus commis par des clercs et leur dissimulation ultérieure, a reconnu le cardinal dans sa lettre au pape, ne peut pas être simplement liée à des problèmes du passé, et en gardant le silence en se concentrant uniquement sur la réputation de l’Église, il est lui-même personnellement coupable et responsable.
« Ce n’est qu’après 2002 et encore plus depuis 2010 que les personnes touchées par les abus sexuels ont été mises en avant de manière plus conséquente et ce changement de perspective n’est pas encore achevé », écrit Marx. « Le fait de négliger et de ne pas tenir compte des victimes a certainement été notre plus grande faute dans le passé ».
Marx a demandé « fermement » au pape d’accepter sa démission, tout en se rendant disponible pour continuer à être prêtre et évêque, en s’engageant pour les questions pastorales et en soutenant un renouveau ecclésiastique.
Dans une lettre adressée aux journalistes, R. Marx écrit que François lui a demandé de continuer à agir en tant qu’archevêque de Munich jusqu’à ce que sa décision soit prise. Le prélat a écrit que la crise des abus a changé sa foi, car elle ne nécessite pas seulement une amélioration de l’administration, mais un renouveau de l’Église et une nouvelle façon de proclamer la foi.
Le cardinal a fait référence à un rapport de 2018 connu sous le nom d’étude de Mannheim, Heidelberg et Gießen, ou MHG, dans lequel les chercheurs ont analysé la réponse aux cas d’abus sexuels du clergé dans 27 diocèses d’Allemagne entre 1946 et 2014, et ont constaté que plus de 4 % du clergé aurait commis des abus sexuels et décompté 3 677 mineurs comme victimes.
Les victimes qui avaient subi des abus de la part d’un membre d’un ordre religieux n’étaient pas couvertes par le rapport.
Le rapport du MHG met en évidence les problèmes systémiques qui sous-tendent la crise des abus sexuels dans l’Église catholique, à savoir le pouvoir excessif du clergé, les vues strictes de l’Église sur la moralité sexuelle et la mauvaise formation des prêtres.
« Les inspections des dossiers et les recherches concernant les erreurs et les échecs spécifiques du passé, y compris la question des responsabilités respectives, sont des composantes inévitables du traitement du passé, mais elles ne constituent pas l’ensemble du renouvellement », écrit Marx dans une lettre publiée le 4 juin. D’où son soutien au « Chemin synodal » de l’Allemagne, qui reprend des aspects de ce rapport et vise à les approfondir théologiquement.
Le prélat a déclaré qu’il devra faire face aux éventuelles erreurs et défaillances qu’il a commises pendant les 20 ans où il a été à la tête d’un grand diocèse, mais il est convaincu qu’il ne suffit pas d’accepter la responsabilité des erreurs concernant le droit canonique ou résultant d’un examen des allégations.
« En tant qu’évêque, j’ai une “responsabilité institutionnelle” pour les actes de l’Église dans son ensemble, ainsi que pour ses problèmes institutionnels et ses échecs dans le passé », écrit Marx. « Et n’ai-je pas contribué à favoriser des formes négatives de cléricalisme par mon propre comportement et les fausses préoccupations concernant la réputation de l’Église ? ».