« On fait corps avec ces gars-là » : une grève de la faim en soutien aux migrants à Calais
Par Rémi Brancato
Depuis lundi 11 octobre, trois militants ont entamé une grève de la faim, à Calais (Pas-de-Calais). Installés dans une église du centre-ville, ils dénoncent les expulsions de campement, les confiscations de biens et l’absence de dialogue de la part de l’État.
Trois lits de camp, des bouteilles d’eau, une bouilloire et quelques chaises. L’installation est sommaire dans cette petite chapelle au fond de l’église Saint-Pierre de Calais. Mais le terme ne plaît pas à Anaïs Vogel : « Non ce n’est pas sommaire, on a un toit sur la tête, des habits, des couvertures et la police ne vient pas nous les prendre, donc ça va ! »
Avec son compagnon, Ludovic Holbein, et Philippe Demeestère, prêtre et aumônier du Secours catholique à Calais, elle a entamé ce lundi 11 octobre une grève de la faim pour dénoncer la situation des quelques 1.500 à 2.000 exilés vivant dans l’agglomération de Calais. Les grévistes de la faim portent trois revendications : la suspension des expulsions de campement de migrants durant la trêve hivernale, l’arrêt des confiscations de leurs biens et l’ouverture d’un dialogue entre l’État et les associations qui leur viennent en aide.
Des évacuations de campements quotidiennes
Ce dialogue est inexistant selon eux et les évacuations de campements de migrants sont devenues quotidiennes. Alors que la situation « se dégrade » depuis quelques mois selon Ludovic Holbein, la mort, il y a deux semaines, d’un migrant soudanais mineur, écrasé par un camion alors qu’il tentait de rejoindre l’Angleterre a agi comme un déclencheur pour lui et sa compagne. « On s’est demandé comment faire pour être encore écoutés et malheureusement la seule réponse qu’on a trouvée, c’est la grève de la faim ! »
Ce choix, le préfet du Pas de Calais le désapprouve. En réponse à notre sollicitation, la préfecture nous précise qu’il « regrette la méthode employée » par les trois militants. « On est d’accord avec la préfecture, arrêter de manger c’est déplorable, surtout pour des revendications aussi faibles, car expulser quelqu’un de son lieu d’habitation durant la trêve hivernale, c’est interdit », lâche pour sa part Anaïs Vogel.
La préfecture défend son « dispositif humanitaire » à Calais
La préfecture estime dans sa réponse que « le dialogue avec les associations n’a jamais été rompu » et que l’État dépense chaque année 20 millions d’euros dans le secteur de Calais pour un « dispositif humanitaire de proximité unique en France », comprenant des mises à l’abri « plusieurs fois par semaine » ainsi qu’une « distribution de repas » par « l’opérateur La Vie Active, mandaté et financé par l’État ». Les distributions sont par ailleurs interdites par arrêté préfectoral aux autres associations.
Anaïs Vogel, elle, considère que la grève de la faim, action « pacifique » était le seul moyen de se faire entendre, même si la fatigue commence à se faire sentir. « Si effectivement, à un moment donné, il y a des conséquences graves, ce sera la faute de l’État et de la municipalité » estime la militante. La maire de Calais, Natacha Bouchart, n’était pas disponible ce mercredi pour répondre à nos questions.
« Leur seul capital, c’est leur corps »
Philippe Demeestère, lui, dénonce une politique de « harcèlement » envers les exilés de Calais. « On a affaire à des gens qui sont l’objet d’une traque, qui vivent sous la menace d’une intervention de la police, leur seul capital c’est leur corps, alors on fait corps avec ces gars-là » détaille le prêtre de 72 ans.
Un constat que partage l’ONG Human Rights Watch, qui a publié il y a une semaine un rapport qui dénonce « une humiliation et un harcèlement quotidiens » des migrants à Calais, de la part de l’État.
La révolution qui s’opère en sciences sociales à partir des années 1970 se caractérise à la fois par l’extension à toutes les disciplines de la problématique couramment qualifiée de théorie du choix rationnel, jusque-là cantonnée à l’économie, et par la nécessité, reconnue et pratiquée dans toutes les disciplines, de prendre en compte les institutions.
Or la complexité de la vie sociale tient à la différence et au changement. Cela conduit à prendre en compte, d’un côté la capacité à ressaisir les différences synchroniques de toutes sortes, à commencer par celle qui peuvent exister entre les comportements des membres d’un groupement humain, sans réduire ces différences à la survivance de comportements passés, et, cela conduit à prendre en compte, de l’autre côté, la capacité à ressaisir les changements diachroniques sans les réduire à des différences synchroniques.
On débouche ainsi sur un Institutionnalisme historique et pragmatiste* (IHP) qui sait expliquer les différences synchroniques et les changements diachroniques.
*La théorie pragmatiste en question fait une place aux jugements des personnes.
Mais la place centrale accordée dans l’IHP aux justifications des normes et aux critiques qu’elles soulèvent ne doit pas conduire à une vision angélique de tout vivre-ensemble des humains en ignorant la position sociale de ceux qui s’expriment.
En effet, certains acteurs ou groupes d’acteurs peuvent faire usage de la violence pour obliger les autres à adopter certaines normes. Mais on doit alors bien distinguer l’exercice de la violence physique et celui de la violence symbolique.
L’usage de la violence physique, c’est-à-dire de la force, ne relève pas d’une justification mettant en jeu d’une façon ou d’une autre une certaine conception de ce qui est bien pour l’être humain, quand bien même les normes en tirent leur légalité. On parlera à ce titre de justification en antériorité du juste sans lien autrement dit sans faire de place à la priorité du bien.
Pour sa part, la violence symbolique consiste à utiliser sa position sociale acquise et sa capacité de conviction (rhétorique) lorsqu’il s’agit de justifier telle ou telle norme relative à la question de qui a le droit de faire. Elle participe de tout débat de justification mettant en jeu une idée du bien. (Bernard Billaudot – SOCIÉTÉ, ÉCONOMIE ET CIVILISATION Vers une seconde modernité écologique et solidaire ?)
Or la position sociale de Monsieur le Président de la République et sa capacité de conviction (rhétorique) met en évidence non seulement sa violence symbolique mais permet également l’exercice de la violence physique, c’est-à-dire de la force.
La liberté de chacun, de chacune, le juste (comme justesse et comme justice) de l’égalité et le bien de la fraternité doivent demeurer notre source d’inspiration.