Les organisateurs du synode affirment n’avoir pas d’autre objectif que l’écoute
Elise Ann Allen.
Les organisateurs du prochain synode des évêques du pape François sur la synodalité ont répondu aux insinuations selon lesquelles le document de travail pour le rassemblement est biaisé en faveur des catholiques libéraux, affirmant qu’il n’y a pas de conspiration ou d’ordre du jour préétabli pour la discussion.
S’adressant aux journalistes lors de la présentation, le 20 juin, du document de travail du synode, appelé Instrumentum Laboris, le cardinal jésuite Jean-Claude Hollerich, du Luxembourg, a déclaré : « Nous n’avons pas d’intentions ».
« Il n’y a pas eu de réunion conspiratrice avec certaines personnes pour trouver comment nous pourrions ajouter quelques points progressistes de l’Église. C’est une très mauvaise imagination de la part de certaines personnes », a-t-il déclaré, affirmant que le synode consistait en une « expérience d’écoute » aux niveaux diocésain, national et continental.
Le contenu du texte préparatoire du synode, a insisté Hollerich, n’est pas une compilation de ce que « nous croyons devoir faire entrer dans ce document », mais il reflète plutôt « ce qui a été dit par les gens et nous devons être fidèles à la mission que nous avons reçue, et nous essayons de l’être ».
Mgr Hollerich, rapporteur général du synode, s’est exprimé aux côtés de plusieurs autres responsables synodaux, dont le cardinal maltais Mario Grech, secrétaire général du synode des évêques, le père jésuite Giacomo Costa, consulteur du synode des évêques, et Sœur Nadia Coppa, présidente de l’Union internationale des supérieures générales (UISG), entre autres.
Intitulé « Pour une Église synodale : Communion, Participation, Mission », le synode a été officiellement ouvert par le pape François en octobre 2021 et constitue un processus en plusieurs étapes qui aboutira à deux rassemblements à Rome, l’un en octobre de cette année et l’autre en octobre 2024.
La « synodalité », bien qu’elle reste une énigme pour de nombreux catholiques, fait généralement référence à un style de gestion collaboratif et consultatif dans lequel tous les membres, clercs et laïcs, participent à la prise de décisions concernant la vie et la mission de l’Église.
La première des deux rencontres organisées à Rome aura lieu du 4 au 29 octobre, lorsque les évêques et certains délégués, y compris des laïcs, se réuniront pour discuter des résultats du processus de consultation mondiale, qui ont été résumés dans l’Instrumentum Laboris présenté mardi.
L’Instrumentum Laboris, texte de plus de 27 000 mots, souligne l’unité dans la diversité et la nécessité de conduire l’Église catholique « au-delà de la fragmentation et de la polarisation », en privilégiant un dialogue authentique en cas de divergence d’opinions, plutôt que d’écarter ceux qui ne sont pas d’accord.
Toutefois, la liste des questions à débattre reflète généralement les priorités et les préoccupations des catholiques les plus progressistes, tandis que les préoccupations associées aux catholiques les plus conservateurs sont absentes.
Le document accorde une large place à l’écoute des voix qui se sentent marginalisées et exclues, notamment celles des catholiques divorcés et remariés, des membres de la communauté LGBTQ+, ainsi que de ceux qui demandent l’ordination de femmes diacres et le sacerdoce marié.
Les questions qui préoccupent le plus les conservateurs, telles que l’avortement, l’euthanasie et la messe en latin, ne sont pas mentionnées, et le thème du mariage et de la famille en général n’est pas abordé.
Interrogé sur la manière dont il répondrait aux catholiques qui estiment que le document de travail du synode est déséquilibré et risque donc d’aggraver les divisions existantes, Grech a conseillé de « ne pas prendre la forêt pour l’arbre ».
« Si nous voulons aborder des questions particulières, c’est une tâche impossible. Le but de ce processus synodal est d’aider l’Église à mieux se connaître », a-t-il déclaré, insistant sur le fait qu’« il n’y a pas de “parti A” et de “parti B”, de progressistes et de conservateurs, et que nous pouvons nous passer de cette distinction ».
Au contraire, « nous sommes le peuple saint de Dieu, aidez-nous à nous rassembler et non à nous diviser », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité d’être ouvert à l’inspiration de l’Esprit Saint, qui, a-t-il dit, « peut nous aider à trouver une réponse aux difficultés qui semblent insurmontables ».
« Si nous nous réunissons et nous écoutons les uns les autres, nous pouvons résoudre de nombreux problèmes. Si nous nous réunissons, et c’est là l’appel, rassemblons-nous en tant que peuple de Dieu, quelles que soient nos différences », a-t-il déclaré. Si nous y parvenons, a-t-il ajouté, « nous aurons quelque chose à offrir au monde ».
Hollerich a déclaré qu’il n’y avait pas d’ordre du jour pour le synode et a insisté « je suis complètement contre l’avortement », toutefois, a-t-il a précisé, « le synode ne porte pas sur des questions spécifiques telles que l’avortement, l’homosexualité, le mariage ou le divorce, mais « le synode porte sur la synodalité ».
Il a fait remarquer que le document aborde de nombreux autres sujets, notamment le racisme, le tribalisme, la discrimination de classe, les préjugés culturels, la discrimination à l’égard des personnes handicapées, la pauvreté, les migrants et les réfugiés, les enfants des rues et le trafic d’êtres humains.
« Le fait que cela figure dans le texte ne signifie pas qu’il s’agit d’un synode sur les gens de la rue, d’un synode sur la traite des êtres humains… Cela figure dans le texte parce qu’il fait référence à la synodalité et que des personnes l’ont mentionné. Ce que les évêques en font est laissé à leur discernement », a déclaré Hollerich, ajoutant que la tâche du synode est d’être « fidèle au processus, et nous le faisons en toute transparence ».
Giacomo Costa a donné un aperçu du déroulement du synode, précisant que les sessions de travail se dérouleront dans la salle d’audience Paul VI du Vatican, plutôt que dans la nouvelle salle du synode où se sont tenues les précédentes réunions synodales, compte-tenu du nombre accru de participants et pour faciliter les transitions entre les sessions plénières et les groupes de travail.
Environ 370 membres participeront au synode, sans compter les divers experts et auditeurs qui seront présents. Pour le Synode des jeunes de 2018, seuls 267 membres environ avaient participé, avec une cinquantaine d’auditeurs.
Grech a indiqué que la liste complète des membres du synode et des participants est encore en cours de finalisation, mais qu’elle devrait être publiée d’ici la fin du mois.
Les discussions suivront la structure de l’Instrumentum Laboris et seront divisées selon les différentes sections et feuilles de travail du document.
Les groupes de travail seront composés de membres de divers rangs ecclésiaux, notamment de laïcs, de prêtres, de religieux, d’évêques et de cardinaux, ce qui, selon Costa, a été organisé intentionnellement pour garantir la diversité des points de vue.
Un document final sera rédigé et voté à la fin, qui servira de source de réflexion jusqu’à la réunion synodale d’octobre 2024.
Hollerich a indiqué que le pape François avait pris connaissance de l’Instrumentum Laboris et qu’il avait approuvé le texte, qui, selon lui, « concerne l’accueil et la marche ensemble », et non la modification de l’enseignement de l’Église.
« Certaines personnes choisissent de marcher avec nous en tant qu’Église, d’autres choisissent de ne pas accueillir le processus », a-t-il déclaré lorsqu’il a été interrogé sur ceux qui craignent que l’enseignement de l’Église ne soit remis en question. Il a évoqué l’histoire évangélique de Jésus accueillant le publicain Zachée, qui a grimpé sur un arbre pour voir Jésus. En conséquence, Jésus a tendu la main à Zachée, ce qui a conduit à sa conversion, a expliqué Hollerich.
« Cela ne signifie pas que le Christ a changé sa façon de voir les pécheurs publics. Ainsi, nous ne parlons pas de l’enseignement de l’Église, ce n’est pas notre tâche ni notre mission, nous parlons simplement d’accueillir tous ceux qui veulent marcher avec nous. C’est quelque chose de différent. »
En tant qu’Église, « nous voulons créer des espaces pour accueillir tout le monde », a déclaré Grech, notant que les gens sont souvent ‘’très critiques’’ et s’empressent de faire des suppositions. »
« Laissons le jugement au Seigneur. Notre mission est d’aider l’individu à voir Jésus, et nous pouvons voir des miracles », a-t-il déclaré.
Les organisateurs du Synode ont également été interrogés sur le « chemin synodal » controversé qui s’est récemment achevé en Allemagne et qui a été fortement critiqué, y compris par les responsables du Vatican, en raison des propositions visant à créer de nouveaux organes ecclésiastiques directeurs et des propositions visant à autoriser l’ordination sacerdotale des femmes, l’approbation du mariage homosexuel et le sacerdoce marié, entre autres choses.
Interrogé sur ce qu’il ferait différemment des Allemands, Hollerich a déclaré que le synode ne « fonctionne pas comme un parlement », mais qu’il est un espace d’écoute mutuelle, même si les opinions sont différentes.
« La voie synodale allemande n’a pas été considérée comme un modèle pour le processus synodal, je pense qu’elle est tout à fait distincte », a-t-il déclaré, exprimant sa conviction que « sans juger ce qui est fait en Allemagne, les deux situations sont très, très différentes ».
La laïque suisse Helena Jeppesen-Spuhler, membre de la délégation suisse nommée à l’Assemblée synodale continentale européenne, a déclaré qu’il fallait « respecter profondément » la voie synodale allemande, notant que les tensions internes à l’Église ne sont pas nouvelles ou propres à l’Allemagne.
« Nous devons apprécier ce qu’ils ont fait. Si vous regardez leurs documents théologiques, beaucoup de choses ont été faites » qui devraient être acceptées comme une contribution précieuse, a-t-elle dit, ajoutant « s’il vous plaît, ne jugez pas » et notant que d’autres processus synodaux nationaux se déroulent dans de nombreux autres pays à travers le monde, y compris en Italie.
Selon Hollerich, la méthode synodale allemande reflète une mentalité culturelle plus large qui s’est développée dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale et qui était « très conflictuelle, ils ont toujours appris à l’école qu’il fallait se confronter les uns aux autres, parce que se taire ne fonctionne pas du tout ».
« C’est une manière allemande de procéder, ce n’est pas la manière du synode ou du synode des évêques, nous sommes plus en faveur de l’harmonie », a-t-il ajouté.