José Arregi.
Ce sont des jours d’hiver rigoureux pour ceux qui espéraient des signes de réforme printanière dans l’institution ecclésiale catholique. Pourvu qu’ils ne perdent pas leur espoir ni leur souffle !
Samedi 28 octobre, la synthèse de la première phase du « Synode sur la synodalité » de l’Église catholique, le quatrième synode en dix ans de pontificat, a été rendue publique. Après deux longues années de réflexion libre et de nombreuses propositions de réforme de grande envergure provenant des cinq continents, après un mois entier de travail de récapitulation au Vatican par environ 500 personnes qualifiées venues du monde entier, les attentes étaient grandes. On s’attendait à des propositions révolutionnaires qui pourraient représenter un pas décisif vers l’abrogation du cléricalisme machiste et de l’homophobie installée dans l’institution ecclésiastique catholique.
La déception a été d’autant plus grande. Dans le résumé de 37 pages, il n’y a pas un seul mot sur l’accès des femmes au pouvoir sacerdotal propre au clergé masculin ; seule une demande de « recherche plus approfondie » sur l’opportunité d’un diaconat féminin, qui serait de toute façon un diaconat de simple fonction, privé de l’ordination diaconale réservée aux hommes. On ne trouve pas non plus de mention de la bénédiction des couples homosexuels, et encore moins du caractère sacramentel de celle-ci ! Non seulement il n’est pas demandé que leur amour soit reconnu comme un sacrement de l’Amour, mais il n’est même pas proposé d’être béni. C’est très dur. Hiver glacial. Quant à une éventuelle dispense du célibat obligatoire des prêtres « dans des contextes particuliers », il est seulement dit qu’il faut « approfondir la réflexion ». Il n’est suggéré aucune avancée concernant la réadmission des prêtres mariés au ministère sacerdotal.
Synode signifie « marcher ensemble », mais, après deux ans, aucun progrès n’a été réalisé, à moins que nous n’appelions progrès le fait de parler de synodalité. Certains diront que c’est déjà quelque chose. Mais cela valait-il la peine de gaspiller autant de mots et d’argent, de susciter autant d’attentes pour en rester là ? Les secteurs les plus conservateurs poussent un soupir de soulagement. « Il y a encore une partie à jouer », disent les progressistes les plus fougueux, et ils nous rappellent que ce document va maintenant retourner dans les paroisses où tout a commencé et que s’ouvrira la deuxième phase, pour un an encore, et qu’alors tout dépendra du pape, et que François sera libre d’adopter des réformes irréversibles… En effet, tout dépend du pape ; ni quatre synodes ni ceux qui pourraient venir n’auront empêché que tout continue à dépendre du prochain pape. L’Église catholique continuera à tourner en rond, comme ce synode, comme ses tables rondes, les plus inédites cette fois. Mais l’Esprit de vie souffle irrésistiblement, plus à l’extérieur qu’à l’intérieur de tout système religieux. Jamais Il ne se répète.
Puis nous avons assisté à un nouvel épisode hivernal : le mardi 31 octobre, Mgr Omella, président de la Conférence épiscopale espagnole, et son secrétaire général ont convoqué une conférence de presse pour expliquer le rapport Gabilondo sur les abus sexuels commis sur des mineurs par l’Église catholique entre 1940 et 1990 : selon les données et les estimations, plus de 200 000 mineurs auraient été agressés par des religieux, et plus de 400 000 en incluant les mineurs agressés dans un environnement religieux (écoles religieuses, par exemple). Certaines déclarations faites à cet égard par les dirigeants de la Conférence épiscopale sont stupéfiantes :
1) Ils ont dit : « L’extrapolation des données obtenues dans l’enquête ne correspond pas à la vérité ». Messieurs les évêques ont parfaitement raison : les chiffres sont certainement beaucoup plus élevés. Jésus a dit : « Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles » (Mt 15, 14). Et aussi : « Comment vas-tu dire à ton frère : “Laisse-moi enlever la paille de ton œil”, alors qu’il y a une poutre dans ton œil à toi ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. » (Mt 7,4-5)
2) Ils ont également dit qu’il n’est pas juste de se concentrer sur l’Église, alors qu’il s’agit d’un fléau répandu dans toute la société (famille, centres d’enseignement, associations de loisirs…). Ce n’était pas le moment d’envoyer la balle à l’extérieur. L’Église est plus responsable que quiconque, car aucune autre institution ne prétend comme elle être la référence et la garantie suprême des valeurs et de la lumière qui doivent guider la société. Jésus a dit à juste titre : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » (Mt 23, 2-4)
3) Et ils ont déclaré qu’ils sont prêts à indemniser les victimes, mais qu’ils le feront seulement si l’administration publique et les institutions impliquées dans les abus le font également. C’est comme si l’on disait : « Nous ne ferons pas justice tant que tout le monde ne la fera pas ». Voilà où en est l’institution ecclésiastique qui se présente comme maîtresse de la vérité et détentrice de clés du bien. C’est incroyable. Aujourd’hui, Jésus pourrait dire : « Ne faites pas ce qu’ils font, ni même ce qu’ils disent, parce qu’ils justifient de ne pas réparer le tort causé tant qu’il n’est pas réparé par tous ». Malgré cela, ceux qui espèrent le véritable printemps de l’Église catholique pourront continuer à espérer, car l’espérance ne dépend pas d’une réalisation ni ne consiste à attendre que quelque chose se produise. L’espérance n’implique absolument pas que cette institution cléricale perdure avec certaines réformes, mais qu’elle soit entièrement abolie et qu’elle renaisse, si elle doit renaître, sous une autre forme digne de la communion de la vie. La véritable espérance consiste à respirer, à sentir et à agir de telle sorte que toutes les blessures soient guéries et que l’humanité fraternelle renaisse comme un printemps dans la communauté des vivants.
https://josearregi.com/es/del-sinodo-giratorio-a-las-declaraciones-de-mons-omella/
Traduit de l’espagnol par Peio Ospital.