Palestine
Claudine Castelnau.
Le 24 décembre 2001, à la veille de Noël, le journal Les Échos publiait un article sur Yasser Arafat, dirigeant du Fatah, parti nationaliste palestinien, puis également de l’Organisation de libération de la Palestine. Les Échos racontait que Arafat, avait été une fois de plus « puni » par son vieil ennemi, Ariel Sharon, alors Premier ministre israélien, qui avait décidé de ne pas autoriser le président de l’Autorité palestinienne, de confession musulmane et marié à une chrétienne, à se rendre à Bethléem pour assister à la messe de minuit dans l’église Sainte-Catherine. Une tradition que le leader palestinien observait depuis le retrait israélien, en 1995, de cette ville de Cisjordanie […] Pour justifier cette nouvelle humiliation, le gouvernement israélien accuse l’Autorité palestinienne de ne pas faire assez pour arrêter les attentats et démanteler les organisations « terroristes ».
Pourtant, le leader palestinien, qui vient de faire arrêter un des responsables du Jihad islamique à Gaza, est de plus en plus sur la corde raide face à sa propre opinion publique. L’enterrement, dans le camp de réfugiés à Jabaliya (Gaza) de quatre Palestiniens sur les six tués la veille par la police palestinienne, lors d’émeutes, s’est transformé en manifestation contre Yasser Arafat.
La vraie question est de savoir si l’Autorité palestinienne peut démanteler, comme le souhaite Israël, une organisation comme le Hamas. Car le Mouvement de la résistance islamique, dont l’aile politique a appelé la semaine dernière à un arrêt jusqu’à nouvel ordre des attaques en Israël, est profondément ancré dans la population palestinienne, notamment à travers ses associations caritatives. »
Ce texte date 2001. Depuis Yasser Arafat est mort, l’Autorité palestinienne est réduite à une Cisjordanie morcelée dont certaines zones sont sous autorité israélienne et le Hamas, qui prône toujours la destruction d’Israël, on l’a constaté une fois encore le 7 octobre, est maître à Gaza transformé en champs de ruines où sous le feu israélien.
Le Monde daté du dimanche 10 décembre cite des dizaines de milliers de morts palestiniens (on avance le chiffre de 17 487, pour plus des deux tiers des femmes et des enfants), auxquels s’ajoutent tous ceux qui reposent encore sous les ruines), sans parler de la destruction massive des hôpitaux systématiquement bombardés et dont le matériel médical est volontairement détruit par les soldats israéliens, et ces histoires révoltantes, comme celle de couveuses restées sur place faute dans l’hôpital pour enfants de Gaza, ville faute de moyens de transport, lors de bombardements du 10 novembre. 4 des nourrissons étaient morts lorsque le personnel médical a pu revenir sur les lieux le 24 novembre.
Les organisations humanitaires parlent aussi d’ambulances mitraillées ainsi que de convois humanitaires, 36 soignants gazaouis arrêtés sans qu’on sache où ils sont détenus, deux Médecins sans Frontières tués… L’éditorial du Monde du 10 octobre a pour titre « Israël se perd dans le carnage de Gaza », je vous en cite quelques passages :
« Depuis plus de deux mois désormais, ce qui est devenu une macabre routine est en marche à Gaza. Les morts s’ajoutent aux morts, les blessés aux blessés et les destructions aux destructions sans qu’on puisse en voir le terme. En opposant leur veto, le 8 décembre, à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU en faveur d’un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » les États-Unis ont fait en sorte que le châtiment infligé par Israël envers une population tout entière se prolonge […]
Le droit à se défendre est devenu celui de tout détruire […] Ce carnage sans précédent est d’autant moins justifiable que les résultats obtenus jusqu’à présent sont encore bien loin de l’objectif affiché [décimer les milices du Hamas]. Ce carnage est d’autant plus insupportable deux mois après cette campagne militaire que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou reste incapable d’expliquer ce que fera Israël une fois qu’il aura décidé de mettre fin aux combats pour que Gaza puisse panser ses plaies et pour que le Hamas ne renaisse pas de ses cendres.
Qu’Israël se perde dans cette guerre n’est hélas pas une surprise, tant elle est le reflet de sa dérive. L’État hébreu se déchirait déjà avant le 7 octobre à propos de la place du droit sous les assauts d’un courant ultranationaliste et messianique qui le ronge depuis un demi-siècle. Que les États-Unis ne le protègent pas contre lui-même est une faute morale dont ils ne pourront pas s’épargner les effets dévastateurs. […] Alors que les bombes qu’il fournit à Israël continuent de labourer Gaza sans épargner les civils, Washington peut-il croire que ces semailles de fer puissent produire autre chose sur cette terre ensanglantée qu’une haine inextinguible ? »
Sur le réseau social Instagram, on peut trouver ces jours-ci une vidéo du pasteur Isaac Muntheri, le pasteur luthérien de Bethléem. On a appris que Bethléem avait décidé d’annuler les fêtes de Noël dans la ville, « en solidarité avec Gaza », fêtes qui attiraient des milliers de pèlerins et touristes entre autres. « Nous voyons Jésus dans chaque enfant sous les décombres, dit le pasteur. Si Jésus naissait aujourd’hui, il naitrait à Gaza parmi les décombres. Un Enfant Jésus enveloppé d’un keffieh [la coiffe traditionnelle moyen-orientale, en tissu noir et blanc, adoptée par Arafat comme signe de reconnaissance des luttes palestiniennes], il serait placé sous des décombres en lieu et place de la traditionnelle crèche. »
Et la vidéo montre effectivement le pasteur déposant Jésus sur un monceau de gravats. Les autorités chrétiennes ont demandé dans une lettre aux communautés chrétiennes de Bethléem et de toute la Palestine que la fête soit observée uniquement avec des prières et des cérémonies religieuses. Il s’agit donc d’une lettre de solidarité et d’une expression de la signification de Noël : Dieu est avec ceux qui souffrent. »
À Gaza, les bombardements israéliens ont détruit plusieurs bâtiments d’églises dont la plus ancienne encore en activité, l’Église grecque orthodoxe Saint-Porphyre où 18 personnes ont été tuées alors que le lieu servait de refuge à la population, mais aussi des mosquées, des institutions religieuses et culturelles. Et des hôpitaux, dont l’hôpital luthérien de Gaza. « Dieu est avec ceux qui souffrent et sont opprimés », conclut le pasteur luthérien de Bethléem.
http://protestantsdanslaville.org/claudine-castelnau-nouvelles/cr1010.htm