Par Régine et Guy Ringwald
Il y a trois mois, lors de la visite du Pape au Chili, et spécifiquement dans une parole très dure prononcée à Iquique, les victimes de Karadima qui se battent depuis tant d’années pour faire connaître, et reconnaître, la vérité, étaient des « calomniateurs ». Aujourd’hui, ils sont invités chez le Pape François, à la Maison Sainte-Marthe, à Rome. Le texte ci-dessous, publié sur le site (espagnol) de Religion Digital, exprime la manière dont Juan Carlos Cruz et ses amis abordent la rencontre.
Si la lettre de François ne donne aucune indication précise sur les suites à attendre, il est significatif que les victimes, Cruz, Hamilton et Murillo, aient déjà rendez-vous à Rome, la semaine prochaine. La rencontre avec tous les évêques devrait avoir lieu dans la troisième semaine de mai.
Une expression qui en dit long sur la gravité de la situation est celle du porte-parole du Vatican, Greg Burke, qui parlait, le 12 avril, d’« état d’urgence spirituelle » pour l’Église chilienne.
On persiste tout de même à se demander comment le Pape a pu rester si longtemps dans l’erreur. Les faits étaient connus, toute l’information figurait dans les actes du procès canonique de Karadima, nombre de responsables y compris des évêques, et même de ses amis, l’avaient informé. Il faut croire que de fortes influences étaient à l’œuvre.
Une cinquantaine de laïcs de différents points du pays, et de différentes fonctions, se sont réunis à Santiago, samedi 14 avril. Des représentants d’Osorno et de Talca y participaient. La constitution d’un collectif des laïcs au niveau national a été annoncée.
__________
LE PAPE ACCUEILLERA CHEZ LUI TROIS VICTIMES CHILIENNES DU PRÊTRE KARADIMA
Par Jose M. Vidal
Murillo, Cruz et Hamilton.
Ils ont souffert un calvaire, on les a traités de tous les noms, on a voulu étouffer leur voix. Maintenant, non seulement le Pape va les écouter, pleurer avec eux et les consoler, mais il va recevoir chez lui Juan Carlos Cruz, Andrés Murillo et James Hamilton, les trois principales victimes de Karadima et principaux accusateurs de l’évêque Barros. Les victimes viennent à Sainte-Marthe invitées à vivre aux côtés du Pape.
Ils auront des réunions avec François à Rome fin avril, probablement le samedi 28 et le dimanche 29. Ils pourront aussi voir de nouveau les deux envoyés du Pape, Mgr Scicluna et le prêtre espagnol, Jordi Bertomeu.
Juan Carlos Cruz, victime de Karadima, un des prêtres prédateurs les plus connus d’Amérique du Sud, dit que lui et ses amis ont accepté l’invitation du Pontifie d’aller à Rome pour que le Pape puisse s’excuser personnellement de les avoir discrédités lors de sa récente visite au Chili.
Dans un entretien téléphonique avec l’AP, Cruz a dit que les trois hommes ne permettront pas que le Vatican fasse de cette réunion un succès de relations publiques. Il indique qu’il parlera à François de l’horreur des abus sexuels, de l’horreur du fait que les responsables de l’Église les ont couverts durant des décennies, et de la façon dont ils ont discrédité les victimes qui les ont dénoncés.
Selon Cruz, François lui-même était malheureusement sur la même voie lorsqu’il a accusé les victimes de calomnies pour avoir dénoncé, à maintes reprises, la conduite de l’évêque chilien Juan Barros, selon Cruz. Mais il ajoute que le Pape semble avoir « ouvert les yeux sur la réalité… de milliers de vies qui ont été crucifiées » par des prêtres qui violent et agressent les enfants.
François a exprimé un changement radical de position dans une lettre aux évêques chiliens, au tour dramatique, par laquelle il admet qu’il a commis de « graves erreurs de jugement » dans le cas Barros, que Cruz et les autres victimes accusaient d’avoir été présent lors des abus qu’ils ont subis et de les avoir ignorés.
Barros, un protégé du prêtre pédophile Fernando Karadima, a nié ces accusations.
François a attribué ses erreurs à un manque d’information « véridique et équilibrée », et a dit qu’il voulait s’excuser personnellement auprès des personnes qu’il avait offensées.
Cruz a dit aussi que lui et les autres victimes chiliennes, Jimmy Hamilton et José Andres Murillo, se sont concertés pour organiser la visite. Il dit que les trois rencontreront François individuellement, puis ensemble, les 28 et 29 avril et que le Pape voulait passer avec eux un moment suffisamment long.
Ils verront aussi le père Jordi Bertomeu, le fonctionnaire du Vatican qui, avec l’archevêque maltais Charles Scicluna, a préparé le rapport de 2300 pages sur Barros, qui a amené le Pape à changer d’opinion.
Traduction : Régine et Guy Ringwald