Constitution : bataille de longue haleine pour l’environnement
Par Vanina Delmas
Des ONG, des juristes et de nombreux écologistes attendent ce renforcement législatif depuis des années, au nom de la protection de l’environnement.
La République assure un niveau de protection de l’environnement élevé et en constante progression, notamment pour la protection de la biodiversité et l’action contre le changement climatique. » Voici la formulation proposée par Nicolas Hulot pour inscrire les enjeux environnementaux dans l’article 1er de la Constitution. Pour le ministre de la Transition écologique et solidaire, il est essentiel que le droit s’adapte « à la réalité du XXIe siècle ». Un constat largement partagé, mais rien ne sera acquis avant la fin de l’examen du projet de réforme constitutionnelle par les députés et sénateurs.
Première victoire assurée : l’inscription dans l’article 1er, faisant de la protection de l’environnement une valeur de la République. Au printemps, le Premier ministre avait pourtant annoncé que la mention figurerait dans l’article 34, celui qui définit les missions du Parlement. Du « greenwashing constitutionnel » pour la Fondation pour la nature et l’homme (FNH). C’est désormais une bataille sémantique qui risque de s’engager, que ce soit sur le verbe employé, la mention du principe de non-régression permettant d’éviter tout retour en arrière, ou les mots précisant les enjeux.
« Au début, il ne devait y avoir que le terme “environnement”. Puis le climat a été ajouté, mais il faut absolument lui associer la protection de la biodiversité pour éviter les fausses solutions comme le nucléaire ou la pêche électrique, explique Samuel Leré, de la FNH. La pêche électrique peut être perçue comme une technique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais elle provoque un véritable désastre écologique en détruisant la biodiversité marine. »
Vaines tentatives
Ce souhait de voir la protection de l’environnement parmi les fondements de la République est porté depuis de longues années par de nombreux militants, chercheurs et associations. En 2005 est ajoutée la Charte de l’environnement qui énonce notamment trois grands principes : celui de prévention, celui de précaution, et celui de pollueur-payeur. « En effet, l’environnement est déjà présent dans la Constitution via ce texte, confirme la constitutionnaliste Marie-Anne Cohendet. Mais elle est appliquée très mollement parce que des cabinets d’avocats et des lobbys de pollueurs font régulièrement pression. » Pour preuve, les multiples rebondissements concernant l’interdiction du glyphosate, substance active du Roundup, ou encore la loi hydrocarbures votée en 2017, qui a interdit les nouveaux permis d’exploration, mais pas ceux déjà existants.
En 2015, à l’aube de la COP21 à Paris, les anciens ministres écologistes Cécile Duflot et Pascal Canfin publiaient une tribune pour demander à François Hollande de faire un geste aussi symbolique qu’utile. « Il est donc grand temps que la protection de la nature, le souci des écosystèmes et le droit des générations actuelles et futures à un environnement sain rentrent dans notre Constitution », écrivaient-ils. Quant à la Fondation pour la nature et l’homme et le philosophe Dominique Bourg, ils s’emploient depuis dix ans à ce que les institutions prennent des décisions sur le long terme. « Il y a un an, nous avons été voir le gouvernement avec deux propositions : la création d’une troisième chambre, l’assemblée citoyenne du futur, et l’intégration dans la constitution du climat, de la biodiversité, du principe de non-régression et des limites planétaires », raconte Samuel Leré, de la FNH.
La France en retard
Dans les années 1970, de nombreux pays ont eu accès à la démocratie ou ont modifié leur constitution en intégrant l’environnement : les pays d’Europe centrale et orientale, l’Espagne, le Portugal, la Grèce… Les « vieilles démocraties » modifient rarement leur Constitution, mais certains pays ont d’autres mécanismes pour faire valoir la protection de l’environnement. En Allemagne par exemple, la Constitution fédérale n’a pas bougé, mais la politique des Länder est très efficace. Des pays émergents affirment ces principes depuis plusieurs années : le Vénézuéla, le Vietnam, la Côte d’Ivoire, la Tunisie, la Zambie, la Bolivie, l’Équateur…
« Un élément supplémentaire a sûrement incité la France à franchir le pas : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a reconnu le droit à un environnement sain en se basant sur le droit à la vie et le droit à une vie familiale normale. La France n’a donc pas envie de se faire taper sur les doigts par la CEDH », détaille Marie-Anne Cohendet.
L’objectif premier de ce changement constitutionnel est de donner un outil supplémentaire aux juges pour bloquer de futurs projets de loi. Parallèlement, il faut informer les citoyens sur la possibilité de déposer une question prioritaire de constitutionnalité pour exiger le respect de l’environnement. Les associations CliMates, Notre affaire à tous, le Refedd et Warn! ont lancé en avril un Appel pour une Constitution écologique afin d’alerter les élus chargés de s’exprimer sur la réforme, et de démocratiser ce sujet assez technique. « Ce sera toujours à la société civile de rester vigilante pour que les juges appliquent rigoureusement ces droits, notamment quand ils mettent en avant les droits économiques : la liberté d’entreprendre, par exemple, doit se faire dans la limite des ressources planétaires », affirme Martial Breton, de l’association CliMates.
Cette réforme constitutionnelle restant plusieurs mois en débat, ces associations comptent en profiter pour recueillir davantage de signatures et sensibiliser de nouvelles personnes, citoyens et élus, pour une action sur le long terme.