Le Vatican commence à reconnaître des torts dans le dossier McCarrick
Le Cardinal Mc Carrick, ancien archevêque de Washington, et qui a aussi été membre de plusieurs commissions au Vatican, s’est vu retirer son « chapeau rouge » le 28 juillet dernier. Fait exceptionnel. L’ex-cardinal Mc Carrick est accusé de pratiques homosexuelles avec des séminaristes (abus de pouvoir, abus de conscience), et finalement d’abus sur mineurs, ce qui a provoqué les sanctions. Mais les pratiques du Cardinal Mc Carrick étaient en fait connues depuis fort longtemps, sans que cela ait entravé une brillante carrière. Certes, on sait que Jean-Paul II n’était pas très regardant sur le sujet (cf. le cas Maciel). Or le Cardinal Mc Carrick a rendu bien des services, notamment par ses entrées dans le monde politique des États-Unis : il a préparé le rapprochement avec Cuba. Il avait aussi un autre intérêt pour le Vatican : il drainait des fonds aux États-Unis par l’intermédiaire de la « Papal Foundation ».
C’est au sujet de Mc Carrick que l’ancien nonce aux États-Unis, Carlo Maria Vigano avait récemment attaqué ouvertement le Pape François, demandant sa démission. L’article paru dans la publication québécoise « Présence » fait le point de quelques débuts d’explication venue du Vatican ces derniers jours.
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Le pape François, le cardinal Marc Ouellet et une déclaration officielle du Vatican semblent ouvrir la porte à l’admission que des erreurs ont été commises dans le traitement des allégations selon lesquelles le cardinal Theodore E. McCarrick s’est livré à des actes de mauvaise conduite et même à des abus sexuels.
Mais ils précisent également que son ordination en tant qu’évêque (de Metuchen, New Jersey), sa nomination en tant qu’archevêque – d’abord à Newark, dans le New Jersey, puis à Washington – et son intronisation au Collège des cardinaux ont tous eu lieu pendant le pontificat de Jean-Paul II.
Les premières sanctions officielles à l’encontre de Mgr McCarrick ont été imposées par le pape François en juin après qu’une enquête eut permis de découvrir des allégations crédibles d’abus sexuels sur mineurs.
Le 7 octobre, le cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, a déclaré sans équivoque que le pape Benoît XVI, aujourd’hui à la retraite, n’avait jamais imposé de sanctions au cardinal McCarrick. Il est donc faux que le pape François les a « invalidées », comme le prétend l’ancien nonce aux États-Unis, Carlo Maria Vigano.
Mais le cardinal Ouellet a déclaré que des rumeurs au sujet de Mgr McCarrick avaient couru au Vatican il y a plusieurs années. Son prédécesseur, le cardinal Giovanni Battista Re, a donc demandé à l’archevêque « de ne pas se déplacer ou de se présenter en public, afin d’éviter de nouvelles rumeurs à propos de lui ».
« D’où la position de la Congrégation, inspirée à la prudence, et les lettres de mon prédécesseur et de moi-même l’exhortant, par l’intermédiaire des Nonces Apostoliques Pietro Sambi et toi-même, à un style de vie discret de prière et pénitence pour son propre bien et celui de l’Église », écrit le cardinal Ouellet dans une lettre ouverte à Mgr Vigano.
Comme beaucoup de personnes dans l’Église, le cardinal Ouellet a demandé : « Comment se fait-il que cet homme d’Église dont on connaît aujourd’hui l’incohérence, ait été promu à plusieurs reprises jusqu’à occuper les très hautes fonctions d’Archevêque de Washington et de cardinal ? »
La réponse, a-t-il déclaré, est qu’il y a eu « des failles dans le processus de sélection qui a été mené dans son cas » et que « certains indices fournis par des témoignages auraient dû être davantage examinés ».
Le 6 octobre, le bureau de presse du Vatican a publié une déclaration dans laquelle il indiquait que le pape François avait décidé que la Congrégation pour la doctrine de la foi poursuivrait ses enquêtes sur les allégations d’abus sexuels contre le cardinal McCarrick, « une nouvelle étude approfondie de l’ensemble de la documentation présente aux archives des dicastères et des offices du Saint-Siège concernant l’ancien cardinal McCarrick » aura lieu.
Selon le communiqué, l’objectif de l’étude est « de déterminer tous les faits pertinents, de les replacer dans leur contexte historique et de les évaluer de manière objective ».
La mention du « contexte historique » est importante.
Le Vatican l’a expliqué lui-même le 6 octobre : « Le Saint-Siège est conscient du fait que l’examen des faits et des circonstances peut indiquer que des choix ont été pris qui ne seraient pas compatibles avec une approche contemporaine de ces questions. Le pape François a déclaré : “Nous suivrons le chemin de la vérité où qu’elle conduise” (Philadelphie, 27 sept. 2015). »
« Les abus et leur dissimulation ne peuvent plus être tolérés, et un traitement différent pour les évêques qui ont commis des abus ou les a dissimulés représente en fait une forme de cléricalisme qui n’est plus acceptable», poursuit le communiqué.
De toute évidence, de nombreux catholiques sont scandalisés par le fait que les dirigeants d’Église qui semblent avoir des réponses claires sur la manière dont les laïcs doivent vivre et se comporter ont été si lents à trouver un moyen de mettre fin aux abus sexuels commis par le clergé et de tenir les évêques et les cardinaux responsables de leur comportement personnel et de leurs dissimulations.
Le pape François, tout en refusant de répondre directement aux accusations de Mgr Vigano, a déclaré aux journalistes à la fin du mois de septembre qu’il comprenait que les catholiques, y compris les jeunes catholiques, étaient scandalisés par les informations faisant état d’abus et de dissimulation.
Cependant, il a également déclaré que l’Église est toujours en train d’apprendre et que des progrès ont été réalisés, mais il n’est pas correct de juger le passé en fonction de ce que l’on sait et qu’on considère aujourd’hui comme la meilleure façon de procéder.
Faisant explicitement référence au rapport du grand jury de Pennsylvanie sur les abus publié à la mi-août, le pape a déclaré que les affaires étaient nombreuses « jusqu’au début des années 1970 », mais que ces dernières ont diminué récemment, parce que l’Église s’est rendu compte qu’elle devait mettre au clair cette affaire autrement qu’en les cachant, tant dans l’Église que dans les familles.
Le pape François a déclaré aux journalistes qui rentraient à Rome avec lui depuis l’Estonie : « Un fait historique doit être interprété avec l’herméneutique de l’époque où il s’est produit, et non avec l’herméneutique d’aujourd’hui. »
Les sensibilités populaires et l’enseignement de l’Église se sont développés au fil des siècles, a-t-il déclaré, soulignant la colonisation et la prise de conscience des droits des peuples autochtones ou l’attitude à l’égard de la peine capitale. « Même le Vatican, en tant qu’État – quand il était un État pontifical – appliquait la peine de mort; le dernier, un criminel, un jeune homme, a été décapité vers 1870. Mais la conscience morale a grandi ; la conscience morale s’est développée.»
Cindy Wooden