Bruxelles confirme la non-durabilité de l’huile de palme
Par Romain Loury
Après consultation publique, la Commission classera bien les biocarburants à l’huile de palme comme non durables. Il demeure certes de possibles échappatoires, moins flagrants que dans la version initiale. Un article de notre partenaire, le Journal de l’environnement.
Après une consultation publique, la Commission européenne a rendu sa copie: elle envisage bien de classer les biocarburants à base d’huile de palme comme non durables.
En 2015, la Commission européenne a choisi de limiter l’emploi de biocarburants de première génération, longtemps présentés comme « verts », à un seuil de 7 %. En cause, de fortes émissions indirectes liées au changement d’usage des sols (déforestation, destruction des zones humides et des tourbières), plus élevées de 81 % par rapport à celles carburants fossiles, voire jusqu’à +203 % pour le palmier à huile et +113 % pour le soja.
Dans sa directive 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, l’Union européenne prévoit un abandon des biocarburants les plus nocifs d’ici 2030, avec une réduction progressive à partir du 31 décembre 2023. Le texte, dont la consultation s’est achevée vendredi 8 mars, propose ainsi des critères de biocarburants à bannir, en fonction de leur impact sur l’usage des sols.
Une « victoire partielle »
Les critères demeurent globalement inchangés par rapport à la version initiale: sera considéré comme d’impact élevé tout type de biocarburant dont les surfaces cultivées mondiales ont progressé de plus de 1 % en moyenne depuis 2008, et dont plus de 10 % de cette expansion a eu lieu sur des sols riches en carbone (zones humides, forêts).
À ce stade, seule l’huile de palme entre dans cette catégorie. Pour Laura Buffet, en charge des carburants propres chez Transport & Environment (T&E), il s’agit là d’une «victoire partielle», assombrie par le fait que le soja, bien que gourmand en terres riches en carbone (8 % de l’expansion sur de tels sols), ne répond pas à ces critères.
Échappatoires resserrées
Autre inquiétude de T&E face à la version initiale, plusieurs échappatoires dont pouvaient tirer parti les producteurs d’huile de palme: celle-ci pouvait continuer à être qualifiée de «durable» à condition qu’elle soit produite par de petits exploitants (moins de 2 hectares) ou sur des terres non utilisées.
L’association avait soulevé le fait que certains géants de l’huile de palme, tels que le Malaisien FELDA/FGV, recourent principalement à de petits exploitants, qui vendent leur production à des coopératives contrôlées par ces entreprises. Quant aux terres non utilisées, elles auraient tout aussi bien pu être utilisées par la population pour une agriculture vivrière.
Petits, mais indépendants
La Commission, qui fait état de plusieurs commentaires allant dans ce sens lors de la consultation, a corrigé le tir. Notamment sur la question des petits exploitants, dont elle complète la définition: ils devront être propriétaires de leur terre et ne devront pas être employés par une entreprise. À l’exception de ceux travaillant au sein de coopératives, à condition que celles-ci «ne soient pas contrôlées par un tiers».
Quant à la notion de terres non utilisées, Bruxelles limite aussi les critères, en les restreignant aux terres «sévèrement dégradées» ou «abandonnées». De son côté, T&E s’engage à «scruter attentivement les abus probables liés à ces échappatoires et appelle les gouvernements nationaux à suivre l’exemple français, en éliminant complètement tous les biocarburants à base d’huile de palme à partir de 2020».
La commission environnement du Parlement européen se prononcera sur ce texte le 21 mars.