Par Régine et Guy Ringwald
Une note du Vatican annonçait, samedi 23 mars, que le pape avait accepté la « renonciation » du Cardinal Ezzati, archevêque de Santiago, le plus haut dignitaire de l’Église du Chili, et nommé un administrateur apostolique dans l’attente de la désignation d’un remplaçant à la tête de l’Archevêché de Santiago. Le Cardinal Ezzati, âgé de 77 ans, avait remis sa démission quand il a atteint l’âge de 75 ans, en janvier 2017.
La décision intervient au lendemain du rejet par la Cour d’Appel de Santiago de la demande de classement sans suite des poursuites engagées sur lui. Ces poursuites concernent plusieurs plaintes pour dissimulation concernant trois prêtres, dont son ancien chancelier.
Cependant, le cardinal Ezzati a tenu a préciser que la décision du Pape n’était nullement liée à la décision de la Cour d’appel et que la nouvelle lui avait été communiquée par le nonce, Ivo Scapolo, lundi 18 mars, et confirmée par le Pape lui-même le lendemain par courrier : « En ce moment, plus que jamais, je suis proche de toi, parce que je sais combien ta souffrance est grande. Merci pour ton courage (…) Merci de tenir le coup en ce temps de désolation en attendant la relève », dit la lettre du Pape François.
Le cardinal Ezzati se défend de toute responsabilité, il a déclaré aux journalistes : « Je pars la tête haute… avec la conscience tranquille, je peux vous dire que j’ai été fidèle à ma promesse » (de faire enquêter sur toute accusation). « Il ne suffit pas d’affirmer une dissimulation, il faut la prouver ».
Jaime Concha, une des victimes, a déclaré à l’AFP : « c’est une décision tardive et insuffisante, elle aurait dû arriver il y a un an déjà. La justice chilienne doit aller de l’avant, car pour qu’il y ait guérison, il faut qu’il y ait justice et réparation ».
D’autre part, le Vatican vient d’envoyer à la Justice chilienne un dossier concernant les enquêtes en cours dans divers diocèses du Chili. Il s’agit d’une réponse à la demande formulée par le Procureur Abbott, au milieu de l’année dernière, et que ce dernier a jugé partielle.

L’administrateur apostolique, nommé par le pape est l’évêque de Copiaco [1], Mgr Celestino Aos Braco, un Espagnol arrivé au Chili en 1983. Il a occupé divers postes dans différents tribunaux ecclésiastiques. Malheureusement, il est accusé, alors qu’il était promoteur de justice à Valparaiso, d’avoir mal géré plusieurs plaintes au diocèse de Valparaiso, impliquant notamment l’évêque Gonzalo Duarte dont François a accepté la démission en 2018.
Le Réseau des laïques et des laïcs du Chili a publié le jour même le communiqué dont nous donnons ici une traduction.
COMMUNIQUE DU RÉSEAU NATIONAL DES LAÏQUES ET LAÏCS DU CHILI

« C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez » (Lc 6,43-44)
Suite à la nomination de Mgr Celestino Aós comme administrateur apostolique de Santiago, la Coordination nationale des laïcs du Chili déclare publiquement ce qui suit :
- Nous remercions le Pape François qui a finalement retiré, de l’église de Santiago, Ricardo Ezzati qui par son influence politique et pastorale a causé d’énormes dommages, offensant notre foi de croyants.
- Nous regardons avec prudence l’arrivée de Mgr Celestino Aós comme administrateur apostolique de Santiago. Cela se produit au milieu des dénonciations de dissimulation de la part certaines victimes d’abus. En tant que réseau national de laïcs, nous resterons vigilants à cet égard, car nous attendons de lui qu’il collabore avec la justice civile, et participe aux changements dont nous avons besoin dans l’Église.
- Nous voulons dire à l’administrateur avec l’évangéliste Luc : « Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous en vêtements de brebis, mais à l’intérieur ce sont des loups rapaces ». En ce sens, nous rappelons que « vous reconnaîtrez un arbre à ses fruits ».
- Nous invitons les laïcs et les laïques à se réveiller, à retrouver leur liberté, et à ne pas suivre le cléricalisme qui nous a envahis. En tant que disciples de Jésus de Nazareth, nous revendiquons notre droit à nous manifester activement et sans crainte.
- Nous appelons les réseaux de laïques et de laïcs à suivre le chemin synodal où nous nous sommes engagés en janvier [2], pour que tous contribuent et travaillent ensemble. L’une des questions clés est de définir ensemble le profil de l’évêque dont nous avons besoin et, à un moment donné, de participer à son élection.
- Comme nous l’avons dit dans la première assemblée synodale : avec l’Esprit Saint, nous cherchons à reconstruire notre Église « dévastée par les péchés et les crimes ». Nous voulons une Église sans cléricalisme, sans abus, sans frilosité, et avec une conscience critique.
Coordination nationale
Réseau des laïques et laïcs du Chili
Santiago, le 23 mars 2019
Notes :
[1] Copiapo est dans le désert d’Atacama, à 680 km au nord de Santiago[2] Les Laïques et Laïcs ont autoconvoqué et organisé le premier synode laïc des 5 et 6 janvier 2019.