« 66 propositions pour donner à chacun le pouvoir de vivre » : changement de modèle ou capitalisme vert ?
Par Didier Minot [1]
Avec la fin du « grand débat », les prises de positions se multiplient. Par exemple, une vingtaine d’organisations, représentées par Nicolas Hulot et Laurent Berger, ont présenté le 5 mars dernier « 66 propositions pour donner à chacun le pouvoir de vivre ». Il est important de pouvoir les situer par rapport aux propositions des mouvements citoyens.
On constate un certain nombre de convergences sur des points très importants, comme par exemple une limitation des écarts de revenus, la suppression des niches fiscales inutiles, la lutte contre l’évasion fiscale, la priorité aux transports collectifs et au fret, la réhabilitation massive de 750 000 logements, le basculement de la fiscalité carbone, la lutte contre le temps partiel contraint, la révision des grilles de salaires pour aller vers l’égalité hommes femmes et la relance de l’éducation populaire.
On trouve aussi des dispositions, souvent de nature syndicale, qui n’avaient pas été exprimées par les réseaux associatifs et qui sont à reprendre : l’évolution automatique des grilles salariales, la généralisation des accords de qualité de vie au travail, la lutte contre les recours abusifs aux contrats courts.
En revanche, ces 66 propositions restent silencieuses sur des questions essentielles : le rétablissement de l’ISF et l’imposition des patrimoines, la restauration du code du travail, l’élargissement du financement de la sécurité sociale à toute la valeur ajoutée, la remise à plat des aides aux entreprises, le maintien des services publics, la fin de l’abandon des quartiers populaires, la mise en place d’une nouvelle Constitution, du référendum d’initiative citoyenne et de certaines formes de démocratie directe, la fin du démantèlement de l’État social et des régulations, l’indépendance des médias par rapport aux grandes entreprises, la mise sous contrôle des banques, la sortie du libre-échange et la remise en cause des traités pour aller vers une nouvelle Europe. En résumé, les dispositions qui permettraient de réellement « changer de modèle économique » comme le dit par ailleurs Nicolas Hulot, ne sont pas reprises.
Les 66 propositions constituent une série de pas en avant qu’il faut saluer, car dans le contexte actuel toutes les convergences sont bonnes à prendre. Les signataires espèrent sans doute qu’elles sont acceptables par Emmanuel Macron et par ceux qui sont derrière lui.
Mais croire qu’il suffira, pour détourner le Titanic de sa trajectoire mortifère, de promouvoir un capitalisme vert, un peu plus tempéré, relève d’une aimable utopie. Nous pensons que les mouvements citoyens et les gilets jaunes font preuve en l’occurrence de plus de réalisme quand ils demandent la mise sous contrôle des banques et la dénonciation des traités de libre-échange, c’est-à-dire une mise sous tutelle du capitalisme financier qui tue la planète, nous conduit à l’apartheid et à l’esclavage, et constitue le cœur de la crise systémique. Les jeunes marcheurs du siècle ont raison quand ils disent : « C’est pas nous les utopistes ».
Note :
[1] Fondation Monde Solidaire, membre du collectif Changer de Cap (http://collectif-changerdecap.fr/?PagePrincipal)