Par Michel Jondot (Dieu Maintenant)
Nous avons choisi ici, comme nous le faisons souvent, un des beaux textes que Michel Jondot publie sur le site de Dieu Maintenant.
Et nous venons d’apprendre que Michel Jondot est parti non pas pour l’autre monde, mais pour «l’Autre du monde », comme il disait, à l’aube du vendredi 7 juin 2019. (http://www.dieumaintenant.com/departdemicheljondot.html)
Michel Jondot est l’une de ces personnes que l’on est heureux d’avoir rencontrées sur sa route.
NSAE partage la peine, la gratitude et l’espérance de tous ses amis.
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Lecture des Actes des ApĂ´tres 2, 1-11

Appelés à la liberté
FĂŞter la PentecĂ´te c’est se rappeler que les hommes sont appelĂ©s Ă la libertĂ©.
Des exĂ©gètes, voici quelques annĂ©es, avaient dĂ©couvert une liste de peuples : ceux-lĂ mĂŞmes qui sont mentionnĂ©s dans le rĂ©cit des Actes des ApĂ´tres et dans le mĂŞme ordre. Chacun d’entre eux est placĂ© sous un des signes du zodiaque. C’est peut-ĂŞtre Ă ce document que fait allusion Saint Luc lorsqu’il parle des «nations qui sont sous le ciel ». La PentecĂ´te dĂ©signe le jour oĂą les premiers disciples de JĂ©sus prennent conscience que l’humanitĂ© n’est pas sous l’emprise d’un destin aussi implacable que le mouvement des Ă©toiles. L’avenir des peuples est entre leurs mains. Dieu est offensĂ© quand la libertĂ© est brimĂ©e. BenoĂ®t XVI le rappelait lors de son voyage en Palestine lorsqu’il avait sous les yeux ce mur qui enferme un peuple.
L’Esprit de PentecĂ´te est aussi Esprit de libertĂ© dans la mesure oĂą il affranchit de la Loi. Tout au cours de sa prĂ©dication, JĂ©sus partait en guerre contre ces Pharisiens juristes qui faisaient porter sur les Ă©paules des gens d’insupportables fardeaux. Ce comportement que JĂ©sus dĂ©nonçait n’a pas disparu, mĂŞme dans l’Église. Ils sont nombreux les interdits qui risquent de paralyser la vie et si les croyants s’y enferment, ils oublient l’essentiel du message chrĂ©tien que Saint-Paul nous rappelle dans la lecture de ce jour : « laissez-vous conduire par l’Esprit, vous n’ĂŞtes plus sujets de la Loi ».
Ă€ la hauteur de notre vocation
Entendons-nous ; la libertĂ© dont parle Paul et que suscite en nous l’Esprit de PentecĂ´te n’est pas la facultĂ© de faire ce qui plaĂ®t ou ce qui passe par la tĂŞte. Dire, Ă la suite de Paul, que nous ne sommes plus sujets de la Loi c’est reconnaĂ®tre que nous avons mieux Ă faire que de nous soumettre Ă des prĂ©ceptes abstraits et paralysants. Ce qui commande le comportement de celui qui est libĂ©rĂ© par l’Esprit, c’est, comme le dit un philosophe juif, le visage de l’autre, le besoin qu’il a de nous pour ĂŞtre Ă la hauteur de sa vocation humaine. Avec raison beaucoup ont rĂ©agi, voici quelque temps, contre les condamnations portĂ©es, au nom d’une certaine morale chrĂ©tienne, par un prĂ©lat brĂ©silien Ă l’Ă©gard d’une gamine victime de sĂ©vices sexuels. Cette gosse de neuf ans appelait Ă la tendresse et Ă la pitiĂ© tout homme de bonne volontĂ©, certes, mais d’abord ceux qui se rĂ©clament de l’Esprit. Écoutez encore Saint-Paul : « amour, joie, paix patience, bontĂ©, bienveillance… face Ă tout cela, il n’y a plus de loi qui tienne ».
L’Esprit de PentecĂ´te est esprit de libertĂ©. L’acte de parler est le premier fruit et le plus beau fruit de ce don qui est fait Ă l’humanitĂ©. Les Actes des apĂ´tres, pour en manifester la force, parlent de langue de feu. C’est par une prise de parole miraculeuse que dans la chair des apĂ´tres la parole continue Ă prendre corps. Quand, Ă l’annonciation, Marie conçoit le Verbe, il nous est dit que l’Esprit descendit sur elle. Au jour de la PentecĂ´te, « ils furent tous remplis de l’Esprit Saint ; alors ils se mirent Ă parler ! »
Libres pour parler
Notre Ă©poque, plus que d’autres, est sensible Ă la libertĂ© de la parole. De nombreux militants, partout dans le monde, s’insurgent lorsqu’un rĂ©gime politique rĂ©prime l’expression de ceux qui ont un message Ă dĂ©livrer. Il faut se rĂ©jouir de cette prise de conscience. Il convient aussi d’entrer dans une façon de vivre sans laquelle la parole n’est qu’imparfaitement humaine et, en tout cas, n’est pas chrĂ©tienne. Le miracle de la parole, au jour de la PentecĂ´te, tient au fait qu’elle est entendue, reçue dans les langues les plus diverses. Une parole vraiment libre est celle qui sait rejoindre celui ou celle, ceux ou celles, Ă qui elle est adressĂ©e. Une parole vraiment libre est aussi une parole qui ne se laisse pas enfermer. Si nous voulons ĂŞtre fidèles Ă l’Esprit, il faut apprendre Ă Ă©couter pour entrer dans le langage de nos contemporains. Il faut sortir de nos habitudes pour percevoir celui de l’Ă©tranger : nous habitons une sociĂ©tĂ© oĂą toutes les cultures se mĂŞlent. Comment se rencontreront-elles, comment s’entendront-elles si elles ne commencent Ă s’Ă©couter pour mieux se comprendre ? Ă€ ce sujet, je me permets de souligner un souci qui est celui de l’Église d’aujourd’hui et auquel je suis particulièrement sensible. Comment les fidèles des diffĂ©rentes religions rĂ©ussiront-ils Ă se parler s’ils ne sont pas conscients des Ă©vidences des uns et des autres?
Sortir des illusions
En fin de compte, la libertĂ© Ă laquelle nous invite l’Esprit est une invitation Ă l’humilitĂ©. Se situer devant autrui pour mieux le comprendre ou mieux lui rĂ©pondre n’est possible que si nous sortons des illusions qui, elles aussi, tout autant que les interdits ou les impĂ©ratifs moralisateurs, risquent de nous paralyser. Le chrĂ©tien est dans l’illusion si, lorsqu’il prend la parole, il s’imagine possĂ©der une vĂ©ritĂ© Ă transmettre. La vĂ©ritĂ© chrĂ©tienne nous Ă©chappera toujours. La vĂ©ritĂ© n’est pas aux mains de l’Église. La vĂ©ritĂ© chrĂ©tienne est ce vers quoi nous marchons lorsque nous nous laissons conduire par l’Esprit. « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vĂ©ritĂ©, il vous guidera vers la vĂ©ritĂ© tout entière ». Il vous guidera. Se laisser guider c’est marcher. La vĂ©ritĂ© se dĂ©couvre Ă nous lorsque brisant tout ce qui sĂ©pare nous allons les uns vers les autres pour apprendre les uns des autres Ă vivre ensemble.