Pour une Église prophétique, post-séculaire, postreligieuse
Par José Arregi
La propagation des sciences par l’Université a érodé ou finira par éroder la vision du monde millénaire qui soutient les croyances et les pratiques religieuses. Il nous est impossible de penser qu’une divinité préexistante créa le monde à partir de rien dans un passé lointain et qu’elle y intervient quand elle le veut, ni que nous sommes le centre du cosmos, ni qu’il y aura une fin du monde avec un jugement final et un enfer éternel pour les méchants. Et tant et tant de choses que nous continuons de lire ou d’entendre encore. Tout cela appartient au passé ou est en passe de l’être. Nous vivons une époque post-religieuse.
Par ailleurs, dans le même temps, nous vivons aussi une époque post-séculaire. Et non pas parce que les religions traditionnelles survivent encore, voire jouent un rôle politique accru dans de nombreux pays comme les États-Unis d’Amérique, la Russie ou le Brésil. Ce sont des manifestations réactives et fondamentalistes, plus politiques que religieuses, ayant en outre trahi l’Esprit prophétique et mystique qui impulsa leurs origines. Nous vivons une époque post-séculaire parce que les Homo Sapiens que nous sommes (encore…), en raison de notre développement cérébral et culturel, sommes des êtres symboliques, comme le furent d’autres espèces humaines éteintes, ou le sont encore d’autres primates hominoïdes, chaque espèce à sa manière. Nous sommes plus que ce que nous pensons, sentons, savons, détenons. La Réalité nous précède. Tout jaillit de la matière, dont nous ne savons pas ce qu’elle est, ni surtout ce pour quoi elle est. La matière est matrice. Le Mystère nous enveloppe. La réalité se réenchante. Tout est inter-relié, ouvert et habité d’imprédictibles et intarissables possibilités. Tout se transforme. Dans quelle direction ? Ça dépend de tout, et en particulier de nous, comme c’est le cas avec le changement climatique.
Et qu’est-ce que tout cela a à voir avec l’Église ? De l’Église dépend aussi la mutation de cette planète et de cette humanité vers une forme plus juste et plus libre, plus fraternelle et plus heureuse. Et la condition fondamentale pour que l’Église soit transformatrice c’est sa propre transformation profonde. Nous avons des siècles de retard : il est urgent que l’Église abandonne ses formes et doctrines religieuses traditionnelles, pour se convertir en Église prophétique et mystique pour des temps postreligieux et post-séculaires. Pour être la fraternité dont rêvait Jésus, bien que jamais il n’imagina une quelconque Église future.
Il est vrai qu’un puissant coup de vent prophétique traverse l’Église catholique romaine, beaucoup plus puissant que ce que je n’avais jamais imaginé, avec le pape François. Il préconise une Église en sortie, qui ne soit pas une douane, mais « un hôpital de campagne pour les blessés ». Il place les pauvres au-dessus du développement, la politique au-dessus de l’économie, la justice au-dessus de la doctrine, la personne au-dessus du Droit Canon, l’Évangile au-dessus de l’institution. Il dénonce l’économie qui tue, la spoliation de la planète, le colonialisme économique et culturel, la fermeture des frontières aux réfugiés et immigrés. Il est urgent de mettre en place une « courageuse révolution culturelle » afin d’éviter le désastre écologique, sauver l’humanité et la communauté planétaire. « Notre foi est toujours révolutionnaire » a-t-il déclaré en Bolivie. « C’est maintenant qu’il faut agir, le temps presse » vient-il de déclarer. Merci, Frère pape François !
Tout cela est sans doute essentiel, mais ne suffit pas pour être véritablement une Église prophétique qui souffle sur le monde contemporain l’Esprit de la Genèse et du Jubilé qui animait Jésus. Comme il ne suffit pas de réformer la Curie et de combattre la pédophilie. C’est bien un minimum ! Comme il ne suffit pas non plus d’« ordonner » des hommes mariés, et encore moins de nommer des diaconesses de second ordre, dépendantes de clercs mâles. François me paraît encore profondément ancré dans un langage religieux et un modèle d’Église clérical. Je l’entends prêcher des idées théologiques datant de millénaires : que Dieu est un Seigneur qui intervient quand il l’entend, que Jésus mourut pour expier nos péchés, que le démon en personne est à l’œuvre, que la théorie du genre est une « colonisation idéologique » et un « mal », qu’il n’existe qu’un seul couple puisque Dieu « les créa homme et femme ».
Quasiment plus personne ne comprend cela. Cela n’inspire plus personne. Pour être prophétique, l’Église se doit d’ouvrir de part en part ses vieilles murailles doctrinales et institutionelles, de traverser jusqu’à l’autre rive, post-séculaire et postreligieuse. Là où vivent, jouissent et souffrent, échangent et cherchent les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Là où souffle l’Esprit.
Publié dans DEIA et les Quotidiens du groupe NOTICIAS du 23 juin 2019 https://www.deia.eus/2019/06/23/opinion/columnistas/reflexiones/por-una-iglesia-profetica-postsecular-posreligiosa
Traduit de l’espagnol par Peio Ospital
Bonjour à TOUS.
Je vous invite à lire ” MON EVANGILE – Dieu, Le Christ et L’Homme ” pour que puisse rayonner en vos cœurs, bien plus encore, le message de José.
Et si aujourd’hui Jésus, revenu enfin, disait véritablement à L’Humanité : « Viens ! » ?…
Domy Lejaune
Merci à ceux qui nous permettent d’accéder à cette lumineuse réflexion !
Annie Grazon
Et on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres ;
autrement, les outres éclatent,
le vin se répand,
et les outres sont perdues.
Mais on met le vin nouveau dans des outres neuves,
et le tout se conserve. »